Chronique d'album : HERZEL (Heavy Metal), Le Dernier Rempart (2021)
Chronique d'album : HERZEL (Heavy Metal), Le Dernier Rempart (2021)
Le 24/04/2021
Groupe : Herzel
Album : "Le Dernier Rempart" (19/03/2021)
Genre : Heavy Metal
Origine : Quimper
Par Ahasverus
Le Groupe :
Herzel est un quintette de heavy metal au chant français originaire de Quimper.
Il prend naissance en 2013 dans l'environnement du groupe Peryton, dans lequel exercent alors deux des musiciens.
Herzel se compose de Thomas Guillesser (chant), Gurvan Lardeux et Kévin Le Vern (guitares), Mordiern Le Dissez (basse) et Ion Philippon (Batterie).
A propos du nom du groupe, Thomas Guillesser explique à http://metalbrothers.es : "J'ai choisi le terme Herzel au tout début car je voulais un mot breton comme nom de groupe. J'ai ouvert le dictionnaire breton-français et c'est le premier mot que j'ai vu. J'ai lu la traduction qui disait en effet «résister, braver, affronter, affronter» et j'ai pensé qu'elle correspondrait parfaitement à la philosophie et au concept de la musique que je voulais faire. J'ai demandé à plusieurs bretons autour de moi quel était le sens du mot pour avoir un point de vue différent et ils ont eu du mal à trouver une traduction directe mais ils étaient tous d'accord sur le fait que la puissance contenue dans ce mot était très forte. J'ai adoré ça."
Interrogé sur ses influences, le groupe explique au webzine grec https://www.filthydogsofmetal.com : "Nous sommes influencés par les groupes et les artistes avec lesquels nous avons grandi et que nous écoutons toujours. Au sein du Heavy Metal, des groupes comme Warlord, Manilla Road, Cirith Ungol, Judas Priest, Queensryche sont ceux que je peux citer pour principales influences. Mais nous écoutons beaucoup des groupes progressifs, tels que Yes, Marillion, Pink Floyd ainsi que de la musique bretonne traditionnelle ou non, la musique celtique de notre région. Des artistes comme Yaouank et Dan Ar Braz seraient les principaux, il y en a évidemment d'autres ..."
A propos du chant en français, Herzel confiait à https://www.invisibleoranges.com : "Le Heavy Metal français des années 80 a toujours une très grande influence sur la scène actuelle. Des groupes comme Sortilège ou ADX ont une aura très forte partout dans le monde pour les maniaques du Heavy Metal. Mais quoi qu'il en soit, nous ne voulons pas chanter en anglais et ne le ferons jamais. Quand Thomas écrit les paroles et imagine les mélodies vocales, il le fait toujours en français, depuis le début du groupe."
En 2015 Herzel sort la démo "Unis Dans La Gloire".
HERZEL, "Unis Dans La Gloire" (2015)
En 2020, Herzel s'engage avec le label italien spécialisé dans le métal 80's Gatesofhellrecords.
En 2021 Herzel sort son premier EP :
"LE DERNIER REMPART"
L'Album :
"Le Dernier Rempart" est un six titres d'une durée d'environ trente-six minutes.
Les six titres de l'opus ont été composés entre 2015 et début 2020. Leur enregistrement a été retardé par la crise sanitaire.
Les parties de batterie ont été enregistrées au studio Le Novomax, à Quimper, début 2020, juste avant le premier confinement. Le reste des instruments a été mis en boîte dans le «home studio» de Gurvan Lardeux à l'issue du premier confinement.
Tony Riou qui a été guitariste live du groupe, pose un solo sur "La Flamme", deuxième piste de l'EP.
Ronan Le Dissez, frère du bassiste du groupe, joue de la bombarde sur les titres "Le Dernier Rempart" et "L'Ultime Combat". (NDLR : il nous a également semblé l'entendre sur "Berceau de Cendre" , mais ce titre n'est pas cité par le groupe)
Concernant les thématiques de l'album, le groupe explique à https://heavymusichq.com : "La première moitié de l'album raconte des épisodes liés à l'histoire de la Bretagne (de différentes périodes). La seconde moitié est une trilogie autour de la naissance, la vie et la mort d'un héros appelé Herzel. Les deux parties sont réunies par un intermède, «Le dernier rempart», qui met en scène le frère de notre bassiste sur des instruments traditionnels bretons. Concernant la trilogie, l'auditeur pourra lire plusieurs nouvelles liées au contexte des chansons, celles-ci figureront dans l'encart de l'album."
Les Critiques :
"Un groupe définitivement à part, avec pour lui une identité particulièrement marquée qui fait bien évidemment toute la différence."
https://www.thrashocore.com
"Un album fantastique, qui transpire la passion et qui nous rappelle que la scène underground française, que ce soit pour le Heavy ou encore le Black se porte à merveille."
https://www.unitedrocknations.com
"Bien que les années 80 soient révolues et que toute cette variété de heavy metal soit pour la plupart partie avec elles, je suis heureux que des groupes comme Herzel maintiennent la flamme vivante et qu’ils le fassent si bien."
https://www.invisibleoranges.com
"Si la qualité est au moins équivalente pour leurs prochaines sorties, ce Dernier Rempart n'est certainement pas l'Ultime Combat, mais bien la première pierre d'un formidable bastion du heavy francophone."
http://ultrarock.free.fr
Notre Avis :
Après une démo remarquée en son temps et toujours disponible sur Bandcamp (liens in fine), Herzel durcit le ton et prouve qu'il n'a pas vendu du rêve en présentant six nouveaux titres en droite ligne de l'âge d'or du heavy metal.
Si sa musique évoque parfois, selon les chroniqueurs, le groupe américain Manilla Road, "Le Dernier Rempart" m'a plutôt ramené, par ses changements de structures et par la grande richesse de ses parties de guitares - une régalade ! - aux pièces les plus progressives de Maiden période Paul Di'Anno,
L'ajout de la bombarde, qui fait parfois les yeux doux aux guitares, est particulièrement judicieux et d'autant plus indispensable qu'Herzel n'en fait pas des caisses et la met au service de ses compos plutôt que d'en revendiquer les armoiries.
La voix haute de Thomas Guillesser- qui quitte rarement les altitudes - peut d'abord surprendre. Elle donne pourtant rapidement à l'ensemble une signature originale adaptée au style.
On souligne donc la grande qualité de ce jeune groupe qui se distingue naturellement dans un genre pourtant arpenté de long en large depuis quarante ans. Herzel sait composer, ne joue pas des clichés, et trouve naturellement sa place dans ce style musical où il développe de belles qualités. Il a d'ailleurs heureusement réussi à retenir l'attention de plusieurs webzines internationaux.
Le "Dernier Rempart" est donc, pour faire simple, un skeud affriolant qui emportera sans difficulté tout fan de early heavy.
« Une personnalité et une marque de fabrique c'est ce qu'il faut avoir. Silvertrain a tout cela, la nouvelle équipe va le prouver. »
Photographies d'Esther W. Pink - Interview réalisée par Ahasverus
Phil York, c'est un peu le parrain de notre webzine. Parce que c'est son énergie et sa profession de foi résolument « Rock Or Burn », ainsi que sa grande générosité artistique qui nous ont donné l'envie de créer Ahasverus - Métaux en tous genres après avoir vu Silvertrain en concert au Monster's Art de Fréjus à l'occasion de la sortie de l'album « Waves Of Insanity » (2016).
C'est un parrain dont Ahasverus n'est pas peu fier, parce qu'il a tourné avec Motörhead et avec Rose Tattoo, pardonnez du peu, et qu'il est ainsi le gardien d'une partie de l'histoire du Metal. (voir notre interview SILVERTRAIN de Phil en Phil - Part. I)
Il était donc naturel que nous allions solliciter notre parrain Phil York à l'approche de la sortie de « Bring Back The Silence », le sixième album de Silvertrain. Cette interview trouvera pour l'occasion sa conclusion dans un proverbe : si la parole est d'argent, le silence est d'or...
SILVERTRAIN, « Rock Or Burn », extrait de l'album « Walls Of Insanity » (2016)
« Nous avons remis en avant l'Âme de Silvertrain. »
Ahasverus : Bonjour Phil. Où en es-tu avec le nouvel album ? Phil : « Bring Back the Silence », réalisé au Dôme Studio chez David Potvin, sort fin novembre en physique et sur toutes les plateformes. Avant sa sortie trois singles seront disponibles en streaming.
« Bring Back the Silence », c'est huit chansons. Chacune d'entre elle nous emmène dans un univers teinté de souvenirs, de situations présentes, d'espoirs, de rêves, une galerie de tableaux qui créeront un show époustouflant lors de nos concerts. Ce nouvel opus se différencie de la Trilogie «Walls of insanity / No Illusion /Steel Against Steel ». Micky Ramirez, guitariste, a influé énormément sur cet album. Il s'est accaparé des textes et s'est projeté dans chaque histoire, des histoires qui sont d'actualité, des histoires qui sont des cris, des espoirs, des rêves. Nous avons remis en avant l'Âme de Silvertrain. Toute l'équipe à hyper bossé dans ce sens. Nous sommes vraiment fiers du résultat. Ahasverus : Des concerts en vue ? Phil : Oui. Nous avons choisi la filière des Fests et de quelques villes ciblées, Les programmations sont en cours, nous communiquerons le calendrier, fin janvier. Ahasverus : On me dit parfois dans des interviews qu'il devient difficile de tourner aujourd'hui. Les plateformes de streaming ont-elles tué le business ? Phil : Non, c'est juste le monde qui évolue. Il faut s'adapter très vite. Quand j'entends dire que le passé était mieux, pour moi c'est faux, c'était très difficile aussi de se payer un instrument, répéter, faire des concerts, être signé par une Maison de Disques où simplement s'auto-produire. Que se soit dans la zique où autre, c'était très difficile et à toute époque. Les peintres, les sculpteurs, etc, et même pour tous les artistes des XVI, XVII, XVIII, XIXème ou XXème siècles, un nombre incalculable est resté dans l'anonymat. De nos jours il en est de même. La musique est omniprésente sur les réseaux, nous dévorons des dizaines de chansons de tous styles chaque jour et chaque style a ses propres niches. Alors se faire une place aujourd'hui est compliqué tout comme aux différentes époques. Une personnalité et une marque de fabrique c'est ce qu'il faut avoir. Silvertrain a tout cela, la nouvelle équipe va le prouver. Ahasverus : Un artiste peut il vivre de son art aujourd'hui ? Phil :Vivre de son art a toujours été très difficile. Il y a énormément de talents, mais comme la société de consommation est passée par là, il y a une élimination de fait, donc très peu de places.
« Silvertrain est une griffe, une marque. Je la revendique avec ses bonnes et mauvaises périodes. Nous sommes dans une bonne période. »
Ahasverus : Mais toi tu es toujours là. Phil : La passion ne s'explique pas, elle est en moi depuis l'âge de seize ans. Silvertrain est une griffe, une marque. Je la revendique avec ses bonnes et mauvaises périodes. Nous sommes dans une bonne période. Ahasverus : Peux tu me parler des autres musiciens ? Phil : L'intégration n'est jamais chose facile, tant techniquement que moralement. Intégrer un groupe c'est s'identifier à lui. Michael Levant, notre bassiste, l'a tout de suite compris. Ses partitions apportent énormément de volume et de profondeur, son émotion est omniprésente et les compositions s'en ressentent. Il s'est beaucoup investi dans les chansons. Concernant Emmanuel Drillin, notre second guitariste, au fil de l'enregistrement il a estimé qu'à la sortie il prendrait une toute autre voie. Nous nous sommes séparés à la fin de l'album. Fabrice, son remplaçant, est une histoire qui commence, donc rendez-vous sur scène.
Pour ce qui est de la batterie, Sébastien a eu un grave problème d'acouphènes. Après quelques séances d'enregistrement nous avons décidé de mettre Enzo aux commandes, contrat qu'il a rempli magistralement en peu de temps. Aujourd'hui l'équipe est prête. Silvertrain depuis ses débuts est taillé pour la scène. Nous travaillons un show incroyable : le plaisir d'entendre, mais le plaisir de voir aussi ! Ahasverus : Pour les pochettes précédentes (« Walls of insanity », « Steel Against Steel ») tu faisais appel à Stan W Decker. Qu'en est-il pour « Bring Back The Silence » ? Phil : Quand j'aime, je suis fidèle, mais hormis cela Stan à tout de suite compris le sens de « Bring back the silence ». Radios, chaînes de télévision, réseaux sociaux, etc, c'est un Blabla constant. L'idée du fœtus est géniale : ces êtres vivants en ont marre d'entendre en boucle toujours les mêmes choses, marre que tout le monde donne son avis sur tout, marre de ce narcissisme ambiant. Ils ont le droit de dire, « Fermez vos gueules et ramenons le silence ! »
« On fait du heavy bien sûr. Mais pour le reste, je suis incapable de te citer un groupe auquel on ressemblerait. »
Patrick Gestede (CHRYSIS) par Shooting Metalhead Interview réalisée par téléphone le 30/10/2023.
Après une première partie de carrière initiée en 1976 et interrompue en 1985, Chrysis revenait en 2009 et sortait en 2018 le bien nommé « Never Say Never », son premier long format. En 2023, la formation champenoise est à nouveau présente avec « Borderline », un album très différent de son prédécesseur et qui a fait naître en nous une foule de questions. Nous sommes allés les poser à son chanteur, Patrick Gestede. On y parle des deux albums de Chrysis, mais également de Motörhead, de Kiss, de Def Leppard, d'Angus Young, d'un masque à oxygène, de Battle Beast, et même d'Yves Mourousi !
Quoi de mieux que quelques digressions pour réaliser une interview borderline ?
Ahasverus : Bonjour Patrick. Le titre du nouvel album de Chrysis, « Borderline », mérite une explication. Patrick Gestede : C'est assez simple : on a trouvé que les titres de l'album étaient très changeants. Même si Chrysis a l'habitude de faire des morceaux qui ne se ressemblent jamais, c'était particulièrement flagrant sur cet album, avec des titres assez lumineux et d'autres beaucoup plus sombres et complexes. Ca nous a semblé coller avec l'idée d'une personnalité borderline, capable de passer du rire aux larmes en un claquement de doigt. C'est la raison de cette intro, où tu entends quelqu'un rire, pleurer, puis exploser. On s'est donc dit que « Borderline » c'était un titre qui représenterait bien ce qui vous attendait sur l'album.
« BORDERLINE » - Artwork Phil Krier
Ahasverus : Vous avez remis le couvert assez rapidement après l'album « Never Say Never ». Patrick Gestede : Rapidement ? Tu trouves ? Il y a tout de même quatre ans qui séparent les deux albums !
Ahasverus : Quatre ans ce n'est pas grand chose au regard de la longue carrière de Chrysis... Patrick Gestede : D'accord. Mais il y a eu une trêve extrêmement longue dans la carrière de Chrysis, on a pris un break de plus de vingt-cinq ans ! En fait, voila comment on s'est retrouvés : quand Youtube est arrivé, on s'était perdus de vue depuis longtemps au sein de Chrysis, sauf Dom le guitariste que je croisais de temps en temps. Un jour je me suis dit que ce serait dommage qu'il ne reste rien du Chrysis des années 80, et j'ai fait remasteriser une vieille cassette que j'ai balancée sur Youtube. Alors je me suis dit que ce serait bête que les musiciens, mes potes, ne soient pas au courant, et j'ai réussi à les joindre, tous, en les contactant parfois sur leur lieu de travail et en croisant les doigts pour qu'il soit toujours le même. Coup de bol, j'ai retrouvé tout le monde ! Et on s'est dit que ce serait bête de ne pas se revoir, puis que ce serait bête de pas faire une répétition, pour s'amuser... Et voila, c'est reparti comme ça depuis quatorze ans... Mais après un break extrêmement long !
« Dans les années 80, tu pouvais citer vingt ou trente groupes que tu connaissais. Maintenant, rien qu'en Finlande, tu as cinq mille groupes de Metal ! »
Ahasverus : Tu parlais d'un break extrêmement long, mais vous avez néanmoins un parcours dans les années 80. Est-ce que la période te paraît plus favorable pour sortir des albums aujourd'hui ou est-ce que c'était plus facile avant ? Patrick Gestede : Pour faire des albums, à l'évidence, c'est plus facile maintenant. Tout le monde peut faire des albums ! D'abord parce qu'on peut bosser chez soi, ce qui était impensable à l'époque. On peut enregistrer à distance, et tu peux faire un disque avec un mec qui habite au bout du monde parce que chacun peut enregistrer ses parties chez soi. Les albums sont désormais plus faciles à faire, et ils coûtent aussi nettement moins cher. On n'a plus besoin d'une maison de disques, plus besoin de label... . Alors tout le monde y va du sien. C'est bien, mais il y a aussi des contrecoups : on ne vend plus. Il y a trop d'albums qui sortent. C'est physiquement impossible à écouter. Dans les années 80, tu pouvais citer vingt ou trente groupes que tu connaissais, et encore. Maintenant, rien qu'en Finlande, tu as cinq mille groupes de Metal ! Et la Finlande, c'est seulement cinq millions d'habitants ! Alors on est perdus dans le magma de ce qui nous arrive aux oreilles, qu'on n'a même plus le temps d'écouter. C'est le jour et la nuit par rapport à ce qu'on connaissait dans les années 80. Patrick Gestede (CHRYSIS) par Shooting Metalhead
Ahasverus : C'est vrai qu'avant quand tu achetais un vinyle de Kiss ou de Scorpions tu ponçais ses sillons jusqu'à l'usure... Patrick Gestede : Et puis tu l'attendais, cet album ! Tu parles de Kiss. Moi Kiss quand l'album arrivait, j'étais là pour l'attendre ! J'allais à Reims chez un gars qui faisait des imports, et je grattais tout ce que je pouvais comme informations. Maintenant, sur Google, tu trouves tout sur le prochain album bien avant sa sortie... Avant c'était difficile d'avoir les infos. Il fallait acheter Best ou Rock N' Folk. On attendait avec effervescence, et quand on ramenait le vinyle à la maison c'était un moment magique. Il se passait un truc. Comme quand tu découvrais un groupe sur scène : tu ne savais pas comment il bougeait. Tu ne savais pas comment ils se fringuaient, les mecs. Maintenant, si tu veux savoir ce que porte Steven Tyler et la manière dont il bouge sur scène, tu demandes à Google, et puis voila... Ce qu'on a perdu, c'est beaucoup de magie... Il y a des bonnes choses, parce que tout le monde peut faire de la musique, chacun peut s'exprimer et espérer se faire entendre. Mais à côté de ça on n'a plus le frisson de la découverte. Quand tu voyais Judas Priest ou AC/DC pour la première fois, tu ne savais pas qu'Angus Young bougeait comme ça. Maintenant tu vas au concert, tu sais déjà tout. De nos jours le poil qui se dresse sur les bras, on n'a plus, ou différemment, mais c’est incomparable.. Il n'y a plus non plus d'énormes différences entre les groupes, c'est un peu comme si on avait fait le tour du truc. Avant, entre AC/DC et Iron Maiden, il y avait un gouffre, chaque groupe était une découverte à part entière avec un univers très différent, maintenant avec la multiplicité des styles et des groupes, on ne retrouve plus ce fossé qui rendait les formations très indentifiables les unes des autres.
« Il y a des niveaux hallucinants, la question n'est pas là. C'est nous qui sommes blasés. »
Ahasverus : Je me souviens d'avoir eu un choc lors de la découverte d'albums comme le second « Keeper » d'Helloween ou le « Slave To The Grind » de Skid Row, mais effectivement je ne me souviens pas d'avoir eu des émotions semblables plus récemment... Patrick Gestede : Je pense exactement la même chose. Le dernier truc qui m'a un peu déboîté ne date pas d'hier, c'était Kamelot. Quand j'ai découvert ce groupe je me suis dit « Putain, là il y a quelque chose ! » Ca remonte à quinze ans...
Ahasverus : Et c'est certainement pas parce que les groupes sont moins bons... Patrick Gestede : Bien au contraire ! C'est pas une question de qualité : les mecs sont de mieux en mieux techniquement. C'est du costaud maintenant, notamment chez les Nordiques (mais pas que...). Il y a des niveaux hallucinants, la question n'est donc pas là. C'est nous qui sommes peut-être blasés par l’amoncellement de l’offre. Ce qui fait l’intérêt d’un truc c’est aussi sa rareté, et aujourd’hui trouver un truc qui sort carrément du lot c’est justement extrêmement rare. Mais encore une fois ce n’est pas parce que la musique est moins bonne, c’est uniquement parce qu’on a peut-être fait un peu le tour de la question et que la surprise ne peut plus être au rendez-vous.
« On est complètement instinctifs, on n'a pas de cahier des charges, pas de plan de carrière. »
Ahasverus : Au vu de tout ça comment avez-vous abordé « Borderline », votre nouvel album ? Vous aviez un cahier des charges ? Patrick Gestede : On ne fonctionne pas comme ça du tout. On est complètement instinctifs, on n'a pas de cahier des charges, pas de plan de carrière. On est un groupe très simple, et même simple à l'extrême : on rentre en répétition, on improvise, on compose. Ca ne va pas chercher plus loin. On enregistre tout ce qu'on compose. Il n'y a jamais un titre composé qui ne soit pas enregistré. Et on se dit qu'on va sur un album dès lors qu'on a les dix titres. Il n'y en a pas onze, hein, c'est pas un best of ! On n'a pas cinquante titres dans un tiroir dont on extrait les dix meilleurs pour l'album. On compose dix chansons, et c'est les dix qui sont sur l'album.
Ahasverus : Comment avez-vous procédé pour composer ces dix morceaux ? Patrick Gestede : Avant on partait plutôt d'un riff de guitare ou d'une idée de chant. Désormais, de plus en plus, et cet album-là n'a été composé pratiquement que comme ça, on part d'une improvisation. Avec Dom (guitare), on joue ensemble depuis qu'on a quinze ans. Tout a commencé dans une chambre. Trois accords, moi et ma voix d'adolescent, et pour la basse on tendait une corde sur un manche à balai, tu vois le genre ! (Rire) On était des gosses avec des rêves de gosses, on voulait devenir Saxon ou AC/DC. Alors on se connaît tellement maintenant qu'on sait tout de suite ce que l'autre va faire. D'un coup d'oeil on sait où on va bifurquer. Alors même en impro, ça peut aller très vite. Et comme la section basse/batterie tire maintenant dans le même sens que nous, ça marche vraiment bien. Par exemple on part d'un rythme de batterie, le guitariste se cale dessus comme il peut, j'arrive avec le chant, la basse suit, et au bout d'un moment on déboule sur une idée. Souvent, c'est quand on se chauffe dans les répétitions qu'il arrive un moment où il y a des idées qui se rejoignent. Alors on se regarde et on se dit « Oh ! Là il y a un truc ! » Alors on enregistre et on conserve. Dix fois ça ne donnera rien, c'était juste de l'échauffement, mais de temps en temps il y a ce truc particulier qui te fait penser qu'il faut creuser l'idée. C'est comme ça maintenant, on se connecte avec une impro, personne n'a rien préparé avant, personne n'amène rien. On roule, c'est tout. Le seul truc, si nous avions un cahier des charges, ce serait de chercher à composer un morceau rapide si on trouve qu'on a trop de mid-tempo en stock à ce moment là.
Ahasverus : J'ai trouvé « Borderline » très différent de son prédécesseur « Never Say Never », et pour tout dire je n'ai pas eu l'impression d'avoir affaire au même groupe... Patrick Gestede : D'abord on ne fait jamais le même titre. Ensuite je suis d'accord sur le fait qu'il sont différents, même si, de l'intérieur, on ne le ressent pas trop. Dans le groupe, on se voit régulièrement, on ne perçoit pas l'évolution, elle ne se fait pas de manière brutale. Alors y a-t-il des différences entre ces deux albums ? Certainement, mais finalement pas tant que ça pour nous. Par contre ce qui a changé, c'est qu'on n'a pas composé les titres avec la même section rythmique que sur « Never Say Never ». La section rythmique actuelle est arrivée pour l’enregistrement du premier LP mais avec des titres composés pour l’essentiel avec le précédent duo rythmique. Sur les compos de « Never Say Never », le bassiste était aussi rock que metal, et le batteur était plus métal prog', tandis que maintenant nous tirons tous dans le même sens. Les compositions s'en trouvent renouvelées, on se permet de faire les titres dont on avait envie sans les aspirations (légitimes) d'un ou de musiciens qui nous tiraient, même inconsciemment, vers ce qu'ils préfèrent. Le deuxième album a gagné en cohésion rythmique avec Nico (Nicolas Sotiriou, basse) et Run (René Gabriel-Guérard, batterie). C’est sans doute en partie de cela que te vient la sensation d’avoir affaire à un autre groupe, l’importance de la basse-batterie dans le metal c’est pas rien !
Ahasverus : C'est fort possible. En fait je trouvais le premier album d'un hard/heavy assez classique, et le second me semble encore plus heavy. Il me fait penser aux premiers Accept (je songe notamment au morceau « In Your Name »), voire aux premiers Judas Priest. Patrick Gestede : Je ne l'entends pas comme ça, mais il est toujours intéressant d'avoir un point de vue extérieur. Pour ma part, je n'arrive pas à trouver de références, même si « Cadillac », est à l'évidence un clin d'oeil à Motörhead, c'est pourquoi tu m'entends dire « Stay clean » et « No class » sur ce morceau, ce sont mes deux titres préférés du groupe. On fait du heavy bien sûr. Mais pour le reste, je suis incapable de te citer un groupe auquel on ressemblerait. En fait on a la tête dans le sac, et quand tu es trop dans le truc, tu n'as plus assez de jugement objectif sur ce que tu fais.
Ahasverus : C'est aussi le son qui me fait penser à ça : je trouve que vous avez un son — et ça n'a rien de péjoratif — très années 80, sur cet album plus encore que sur le précédent. Patrick Gestede : Je suis d'accord. « Never Say Never » avait été enregistré un peu bizarrement. Un vrai chemin de croix ! Il a été enregistré quasiment en live. On entend d'ailleurs parfois des fluctuations dans le rythme, elles tiennent au fait qu'on joue live. Bien sûr on a réenregistré quelques parties de guitares et des bricoles, mais la base est purement live. Le son est un peu plus lourd, il y a un peu plus de fréquence basse, il est un peu plus power-sound toute proportion gardée. C'est logiquement moins propre que sur « Borderline », sur lequel on entend plus distinctement les instruments, qui sonnent un peu plus clair et plus metal 80 peut-être, sans qu’il en ait eu la volonté. La spontanéité et le coté sans fioriture, brut de décoffrage du premier a aussi son charme et ses adeptes ceci-dit, c’est une question de goût.
« Borderline » est plus chiadé, plus travaillé que « Never Say Never ».
Ahasverus : Où avez-vous enregistré « Borderline » ? Patrick Gestede : Le premier album était enregistré en studio, mais « Borderline », c'est du fait maison. La batterie est en studio, mais tout le reste est fait chez nous. Ca change beaucoup de choses : on a plus de temps pour fignoler, on n'est pressés ni par le temps ni par l'argent, et quand tu sais le prix d'une journée de studio... Il faut savoir que sur le premier album, j'ai enregistré toutes les voix en une journée ! Neuf titres en une seule journée, c'est à dire en huit heures, en assurant les choeurs, les backing vocals. J'ai terminé la gorge en feu (Rire) ! Et sur certains morceaux, on n'a même pas eu le temps de doubler les voix. Sur « Borderline », j'étais chez moi. J'ai pris mon temps. Je pouvais reprendre le lendemain, je n'avais pas à payer deux ou trois cents balles de studio en plus. Ce n'est pas pour te dire que tel album est meilleur que l'autre, mais pour t'expliquer la différence. « Borderline » est plus chiadé, plus travaillé que « Never Say Never »...
Ahasverus : Ca explique qu'on t'entend aller chercher, sur « Borderline », des notes très hautes... Patrick Gestede : Mais oui ! J'étais chez moi, j'avais le temps. Alors qu'en studio, au prix où ça coûte, tu vas à l'essentiel. Quand tu as encore cinq titres à mettre en boîte et qu'il te reste trois heures, tu ne vas pas chercher le fignolage.
Ahasverus : Est-ce que ça explique aussi que la guitare lead est plus présente sur cet album ? Patrick Gestede : Oui, évidemment, Dom eu le temps aussi. Quand tu passes de trente minutes à trois jours pour poser un solo, la petite note qui ne te plaît pas tu peux la refaire. Encore une fois, je ne dis pas que c'est mieux. Les petites imperfections ça peut aussi donner du cachet. Je n'aime pas le rock N' roll parfait, j'aime bien quand il déraille. Enfin voila, la différence entre les deux albums repose sur ça : dans le premier on n'a pas le temps, dans le deuxième on l'a ! Le premier album a été enregistré en cinq jours. Le second s'est échelonné sur plusieurs mois, et même sur un an en y allant à notre rythme. CHRYSIS par Shooting Metalhead
Ahasverus : Ca me rappelle les premiers Black Sabbath, enregistrés en quelques jours seulement. Patrick Gestede : Ouais, c'est court. Tout le monde joue en live, et on ne reprend que ce qui est vraiment mauvais. C'est short, mais des fois ça sort bien.
Ahasverus : Je trouve cependant que ça ne s'entend pas du tout, « Never Say Never » reste un très bon album qui tient la route. Patrick Gestede : Merci ! Ouais mais bon... moi je ne vois que les défauts. Que sans doute les gens n'entendent même pas. Je suis un peu casse-bonbons, je ne suis jamais satisfait. C'est pour ça que je ne nous ré-écoute pratiquement jamais : je ne vois que les fautes ! Je déteste m'écouter, et encore plus me réécouter. Mais je fais de plus en plus d'efforts pour m'accorder (nous accorder) une certaine indulgence... Je suis en voie de guérison ! (Rire)
Ahasverus : Les paroles, c'est toi qui t'en occupe ? Patrick Gestede : Oui, de A à Z sans que personne n'y regarde. Ils me font confiance. Une fois fini je soumets le texte à l’approbation générale et pour l’instant je n’ai jamais reçu de retour à l’envoyeur. (Rire)
Ahasverus : Alors que signifie le titre « 666 or 45 » ? Patrick Gestede : Ca fait quatre ou cinq fois qu'on me pose cette question. Il interpelle les gens, ce titre ! En fait certains y verront du complotisme, mais ce n'est qu'une réflexion. 666 c'est la Bête, le mal absolu. Il contrôle tout, il est derrière tout. C'est de ça que je parle : les gens derrière le voile d'ombre et qui manipulent tout. Ceux qu'on porte à la présidence ne sont que les pantins de ceux qui tirent les ficelles, non ? Même en 1945, est-ce que ce n'était pas la Bête qui tirait les ficelles ? Et si oui, dans quel but et au profit de qui ? Bien sûr j'ai aussi joué sur la sonorité des chiffres, j'aurai pu utiliser un autre évènement, mais ça sonnait bien à l'oreille, il ne faut pas aller chercher plus loin. Ce titre parle de ces gens qui tirent les ficelles dans l'ombre, de la facilité qu'ils ont à le faire en jouant avec notre crédulité. Jusqu'à quel point est-on manipulés ?
« Voila nos projets : une vidéo, trois à quatre dates en 2024, et quatre titres bouclés pour le prochain album. »
Ahasverus : Où peut-on trouver vos albums ? Patrick Gestede : « Never Say Never » est disponible sur toutes les plateformes. « Borderline », le nouvel album, sera sur les plateformes ultérieurement. Les albums sont difficiles à vendre de nos jours, et si on les diffuse trop vite sur les plateformes d'écoute, avec lesquelles on ne gagne rien ou pas grand chose, on va vendre encore moins d'albums. On a donc décidé de prendre un peu de temps, de commencer par vendre l'album en physique, et de ne le proposer en digital qu'un peu plus tard.
Ahasverus : Pour l'achat en physique on vous contacte sur la page Facebook ? Patrick Gestede : Oui, on a épinglé un lien en haut de la page. (NDLR : CHRYSIS)
Ahasverus : Quelle sera votre actualité lors des prochains mois ? Patrick Gestede : D'abord la composition. On a déjà trois ou quatre nouveaux titres, « One Gun Shot », « Watch Out » et « Dressed In Black », qu'on a testés en concert, et on travaille sur un quatrième morceau. On a aussi des dates qui arrivent, mais je ne peux pas griller la politesse aux organisateurs en les annonçant. Sache juste que deux d'entre elles seront en Champagne-Ardennes, et la troisième sera à l'extérieur. Et on en revient à notre conversation initiale : il y a tellement de groupes qu'il devient aussi difficile de décrocher des places dans des endroits aux conditions suffisantes. On est donc fixés sur deux ou trois dates pour l'instant. Elles seront annoncées en temps voulu. On aimerait également faire une vidéo, on est en train d'en discuter. Là encore, c'est une question de moyens. Soit tu fais juste une répétition filmée avec les mecs qui jouent, pourquoi pas ; soit tu chiades un truc, et ça coûte de l'argent. C'est le nerf de la guerre ! Tu veux une vidéo ? File-moi cinq mille et je t'en fais une belle ! Voila nos projets : une vidéo, trois à quatre dates en 2024, et quatre titres bouclés en attente d'autres pour le prochain album. Patrick Gestede (CHRYSIS) par Shooting Metalhead Ahasverus : Merci Patrick d'avoir répondu à mes questions. Patrick Gestede : C'est moi qui te remercie. Je n'arrête pas de le dire sur scène : sans vous on n'est rien. Sur scène, je n'arrive pas à dissocier le public du groupe. Pour moi les gens qui sont dans la salle font partie du concert au même titre que le groupe, ils font partie du groupe. On n'est rien les uns sans les autres, on se nourrit de nos passions. Le public fait partie intégrante du spectacle. D'ailleurs, des fois, le public n'est pas bon, alors que le groupe est très bon. Des fois c'est toi qui es dans un jour sans, mais parfois c'est le public. Je le prends comme un élément qui fait partie du spectacle. Alors je remercie souvent les gens pour l'intérêt qu'ils portent à la musique. Ce n'est pas de la démagogie, je le ressens vraiment. Les gens qui font des photos et qui te laissent les utiliser gratos, les gens qui font des kilomètres pour faire des papiers sur ton groupe sans rien te demander... Merci les mecs, j'adore ! C'est un vrai clan, et ça fonctionne bien.
« Aujourd'hui tu as le Wacken, et plein de festivals monstrueux, et il n'y en a pas un qui s'est dit il y a un public, il faut qu'on fasse une chaîne. »
Ahasverus : On termine sur une note positive, après avoir commencé en mode « c'était mieux avant »... Patrick Gestede : Oui. Mais ce n'était pas très négatif ce que je disais en guise d'introduction. Je trouve juste que les temps ont changé et qu'on a perdu le petit frisson de la découverte, ce poil qui se dresse sur le bras, parce qu'on est plus émoustillés comme avant à force de tout découvrir trop vite. On n'a plus les yeux écarquillés des gamins. On nous a mâché l'imagination et le plaisir de la découverte. Je me souviens encore de la première fois que j'ai vu ce putain de petit guitariste d'AC/DC bouger comme ça... J'étais placé avec vue sur les coulisses, et je voyais le roadie arriver tous les trois ou quatre morceaux avec une bouteille d'oxygène. Je ne savais pas ce que c'était, il posait un masque sur le visage d'Angus pendant quinze secondes, puis Angus repartait sur scène. Je me disais « C'est quoi ce bordel ? » C'était hallucinant ! Je me souviens aussi de Bon Scott qui portait Angus à travers le public. C'était incroyable, je ne savais pas qu'ils faisaient ça. Maintenant on connaît tout à l'avance, on n'est plus surpris et même, on l'attend. Ca me manque, vraiment. C’est comme entrer dans un palais des glaces avec des flèches qui t’indiquerait le chemin à suivre vers la sortie. Ça perdrait un peu de son piment tu crois pas ?! Tu te souviens de l'émission Juke-Box (NDLR : une émission diffusée sur Antenne 2 entre 1975 à 1978) avec Freddy Hausser ? C'était une émission d'une heure à une heure trente qui passait une fois tous les trois mois le samedi soir. Tu y trouvais les groupes incroyables qui sont devenus les dinosaures d’aujourd’hui ! C'était la seule manière de découvrir visuellement les groupes. Maintenant tu cliques sur Youtube et tu sais que Till (Rammstein) va cracher du feu, sur quel titre, à la quarante-cinquième minute du concert.
Ahasverus : Je me souviens aussi des Enfants du Rock et de Chorus. Patrick Gestede : Oui. Antoine de Caunes était un peu plus punk et rock anglais. Il passait des trucs très intéressants. En fait, plus il y a de chaînes, moins il y a de rock. Dans les années 80, tu voyais Motörhead chez Mourousi. Tu imagines un groupe comme ça au JT de TF1 maintenant ? Motörhead et Yves Mourousi au journal télévisé en 1987 Ahasverus : Le punk et le hard ne se fréquentaient cependant pas trop à la fin des années 70... Patrick Gestede : Je ne peux parler que de mon expérience. A Reims on avait une boite qui s'appelait Le Tigre. C'était un lieu mythique qui ne passait que du rock, du metal, et des trucs qu'on n'entendait pas ailleurs. Le public de cette boite, c'était beaucoup de métalleux, mais aussi des punks, et on s'est toujours très bien entendus. Alors de manière plus sociologique, qu'il y ait eu du tirage entre punks et métalleux, c'est possible, mais moi je ne l'ai pas vécu. Les punks écoutaient sans déplaisir « Whole Lotta Rosie » d'AC/DC, et les métalleux écoutaient les Pistols de la même manière. C'était aussi une époque qui voyait débarquer Joe Jackson, Police, ou U2 qui fédéraient un peu tout le monde. Dans cet endroit précis en tous cas.
« Il n'est pas seulement difficile de vendre, il est difficile d'être écouté ! »
Ahasverus : Tu te souviens de Tonton Zeguth ? Patrick Gestede : Bien sûr ! Et de Patrice Blanc-Francard, sur France Inter. Je crois avoir découvert dans une de ses émission le morceau « Hello America » de Def Leppard. J'entends ce truc, avec ses choeurs incroyables, je note le nom en phonétique, et je cherche comme un fou jusqu'à trouver cet album, « On Through The Night ». Quelle claque ! J'ai décroché de Def Lep par la suite. Mais à l'époque, on chopait tout ce qui passait. Comme Georges Lang sur RTL. Je passais des nuits à écouter Les Nocturnes. Et évidemment Francis Zeguth, qui a fait énormément pour le Metal. Il avait la volonté de faire marcher le truc. Aujourd'hui télés et radios freinent des quatre fers. Arte fait des efforts, je regarde souvent ses replays. Aujourd'hui tu as le Hellfest, Wacken, et plein de festivals monstrueux, et il n'y en a pas un qui s'est dit « il y a un public, il faut qu'on fasse une chaîne », alors qu'on trouve des canaux spécialisés pour des trucs très confidentiels... Tu as des opérateurs qui te proposent neuf cents chaînes, mais dans le bouquet tu n'as pas une chaîne Metal ! Bon, après, je n'écoute pas que du Metal. D'ailleurs le titre « No, No, No », sur l'album « Borderline », est un titre qui se réfère à Amy Winehouse et au titre « Rehab ». Je trouvais cette chanteuse émouvante. J'adorais sa voix, elle me donne des frissons. Sinon côté Metal, ce que j'écoute le plus en ce moment, c'est Battle Beast. La voix de Noora Louhimo, j'ai plus de mots... C'est énormissime ! Mais on passe à côté de tellement de trucs monstrueux qui se retrouvent noyés dans la masse. Désormais il n'est pas seulement difficile de vendre, pour un musicien, mais il est difficile d'être juste écouté ! Rien que dans mes contacts, il y a trois ou quatre groupes par jour qui sortent un album. Comment veux-tu écouter tout ça ? La part du gâteau, c'est des miettes pour tout le monde excepté pour les quelques dinosaures ! Et même Battle Beast, avec sa chanteuse qui est peut-être la plus grande vocaliste du circuit, il y a encore des gens qui ne connaissent pas. C'est dire...
Ahasverus : Merci Patrick de m'avoir consacré du temps. Patrick Gestede : C'est moi qui te remercie pour ton intérêt.
Les photographies de Chrysis sont de Shooting Metalhead. Nous le remercions pour son aimable autorisation.