« Le parti pris est de laisser cours à l’imagination du spectateur. »
Début 2022 le groupe de rock Goodbye Goni rappelait le délicat « Cosmogony », son premier album, à notre bon souvenir au moyen d'un clip soigné de la réalisatrice Héléna Mayot. Son univers onirique et coloré piquait notre curiosité. La vidéaste et le trio parisien ont accepté de revenir avec nous sur le tournage de ce « In My Peaceful Shades Of Green ».
C'est l'histoire d'un clip...
Bonjour Goodbye Goni. Après le remarqué « Stonebreaker », vous produisez encore, avec « In My Peaceful Shades Of Green », un clip soigné baigné de très beaux jeux de lumières et de couleurs. C'est important de joindre l'esthétique visuelle à l'esthétique musicale ?
Marc (guitare, chant) : C'est vrai qu'il y a une esthétique visuelle dans « In My Peaceful Shades Of Green » comme dans « Stonebreaker » . Pour cet album on avait l'envie de faire plusieurs clips assez beaux avec les moyens et l'entourage qu'on avait. Je ne pense pas qu'on cherchait une certaine identité visuelle à ce moment là, au tout début, mais quelque chose de sensible et agréable à regarder sur notre musique. Et au final, on retrouve ces jeux de lumières et le rapport au corps nus dans ces deux clips, qui donnent du sens et du lien.
Enzo (basse, clavier) : Oui, sur cet album particulièrement. En travaillant avec Cyril Dosnon, le réalisateur de « Stonebreaker », nous savions où nous mettions les pieds. C'est un graphiste qui a l'habitude de travailler sur l'identité visuelle pour des artistes, des marques ou des institutions. C'est lui qui a réalisé notamment le logo de la philharmonie de Paris. Son travail est élégant et précis, très esthétique. Pour un groupe indé comme nous, l'album Cosmogony est au final très "produit". Entre le travail de production musicale, de l'écriture jusqu'au mastering et le travail visuel autour de la pochette, rien n'a été laissé au hasard. C'est tout naturellement que nous avons transposé l'esthétique autour de notre musique sur l'image. On ne voulait pas qu'il y ait de décalage. C'est pareil pour le clip d'« In My Peaceful Shades Of Green ». Et comme pour « Stonebreaker », nous avons laissé carte blanche à la réalisatrice.
Actuellement nous travaillons sur un nouvel album plus folk. Rien n'est finalisé mais je peux déjà imaginer qu'il sera plus "roots". C'est aussi une volonté de Marc.
Qu'est-ce qui a amené l'univers de la réalisatrice Helena Mayot à croiser celui du groupe de rock Goodbye Goni ?
Héléna (scénariste et réalisatrice) : Je les ai contacté via Instagram et je leur ai écrit plusieurs projets. Ils en ont sélectionné un. Je leur ai directement proposé mon univers auquel ils ont adhéré tout de suite.
Félix (batterie, choeurs) : Oui sur Insta. Il me semble que c'était pendant le premier confinement en 2020, un peu après la sortie de Cosmogony. Elle nous a proposé de réaliser un clip et l'idée nous a plu. C'est ensuite qu'on a pu se rencontrer, lors d'un rendez-vous dans un bar qui longe la petite ceinture à Paris. On a senti une personne passionnée et qui aime ce qu'elle fait, il y a eu un bon feeling. A ce moment là, on apprend qu'elle nous a découvert sur le net via notre profil du tremplin Ricard. Nous avions été sélectionnés dans le Top 100, ce qui nous avait donné une petite visibilité à ce moment là.
Les lyrics de « In My Peaceful Shades Of Green » pourraient donner lieu à de nombreuses interprétations. Comment s'est fait le choix scénaristique du clip ?
Héléna : Ce choix découle de mon ressenti face au titre « In My Peaceful Shades Of Green ». En l’écoutant, j’ai tout de suite pensé à mettre en image un rêve. Le personnage et narrateur omniscient serait le groupe Goodbye Goni. Pour le scénario, je l'ai écrit en m'appuyant sur les premières lignes de Marc. Son texte m'inspirait un échappatoire et un exil. Ce son voulait me faire voyager dans un univers que je ne connaissais pas, et sa traduction devait être intrigante, esthétique et sensuelle. Je voyais en quelque sorte un monde rétro-futuriste sur ce morceau un peu 80' de Goodbye Goni.
Marc : Il se trouve qu'au départ Héléna nous avait proposé un scénario sur le titre « Milky Way ». C'est assez drôle car on avait l'envie de clipper ce morceau. Le projet nous plaisait beaucoup mais il s'avérait trop ambitieux à réaliser techniquement et financièrement. On lui a proposé de choisir un autre titre et celui-ci l'a inspiré. C'est à l'instar de « Milky Way » un morceau long ! Certains détails ont été modifiés jusqu'à l'étape finale mais on lui a laissé une liberté totale. Son idée d'un court-métrage lui tenait à cœur tout en gardant l'aspect d'un clip. C'est ce format qu'elle nous a proposé dès le départ, ce qui explique aussi le choix d'un long morceau.
Au sens propre, il n'y a pas de lien direct avec les lyrics et le thème mais certains mots appuyés à l'image et l'ambiance contraire recherchée ont été voulus, il me semble. Au premier abord, ce morceau parle de la paix recherchée dans la nature, loin du bruit et de la ville, dans laquelle on peut essayer de se reconnecter avec soi-même et le monde qui nous entoure. Bien évidemment, la manière dont il a été écrit laisse place aussi à son imagination.
Le clip s'est fait en plusieurs lieux. Où et quand avez vous tourné ?
Félix : Le clip a été tourné en trois jours et dans trois lieux différents en mars 2021. Le premier jour s'est déroulé dans un immense hangar, un lieu magnifique à Montreuil qui s'appelle les Chaudronneries. Le deuxième jour à l'atelier Manatéo, en banlieue parisienne à Igny, spécialisé dans le décor intérieur pour des vitrines de boutiques, avec entre autre, pas mal de mannequins en stock. Et le troisième jour au Blue Garage, une boutique de vêtements à Paris dans le quartier du Marais.
Photographie Orysia Murat
Un mot sur les conditions techniques du tournage ?
Marc : Globalement le tournage s'est bien passé, même si il y a toujours des soucis de dernière minute. Le fait que tout a bien été pensé à l'avance nous a permis un certain confort. Pendant que l'équipe se constituait (une trentaine de personnes !) Héléna a trouvé un producteur, Moonfish Productions, où travaille Mervan Ouahi. C'est ensuite qu'il y a eu un énorme et remarquable boulot de préparations et de recherches en amont entre Héléna, Enzo et Mervan pour que le tournage se déroule au mieux. Tout a été pensé en rendant cela possible dans le budget que nous avions.
Enzo : Le tournage a été aussi placé sous le signe du COVID. Effectivement, nous étions à la veille du troisième confinement, la date de tournage avait déjà été déplacée deux fois si mes souvenirs sont bons, et nous commencions à désespérer de pouvoir filmer un jour. Au final nous avons eu les autorisations et tout s'est déroulé normalement.
A la veille du tournage, nous avons appris que Mervan (le directeur de production, qui gérait le tournage depuis des mois) venait de contracter le virus ! Du coup il pilotait le clip de chez lui. Et nous avons enfin pu le rencontrer et mettre un visage sur une voix fin janvier lors d'une projection d'avant première.
Photographie Orysia Murat
Le clip a un effet saisissant dès son intro épurée. A sa fin, on ne sait plus si on est dans une histoire réelle ou dans un univers onirique...
Héléna : A la fin, le parti pris est de laisser cours à l’imagination du spectateur. C’est à lui de faire son propre jugement, si nous sommes toujours dans la réalité ou si l’univers onirique prend le dessus. En tant que spectatrice, je dirais qu’elles reviennent dans le monde réel pour se figer en mannequins. Le rêve se transforme en réalité ?
Marc : Justement je pense que l'enjeu était de maintenir l'effet du réel tout en basculant dans l'onirisme, en naviguant un peu comme dans un rêve. Des ambiances qu'on retrouve dans d'autres morceaux de l'album d'ailleurs. Il y a aussi ce rapport au temps qui nous emmène dans le futur pour revenir dans le passé à travers le rêve du moment présent.
Enzo : Tant mieux ! Effectivement on est sur un morceau de cinq minutes... une ballade qui prend son temps, très peu de variation dans le thème principal. J'imagine très bien Marc allongé dans les prés en bord de la mer d'Irlande car je connais l'endroit d'où il a puisé son inspiration pour écrire ce morceau. Et c'est vraiment un lieu qui se prête à la rêverie.
Ces mannequins qui regardent ces deux femmes symbolisent-ils la même chose pour le groupe et pour la réalisatrice ?
Héléna : Nous ne nous sommes pas concertés sur les mannequins derrière les bâches. Selon mon intention, les filles sont enfermées dans un monde de mannequins où Louise (dans la boutique au début du clip), est l’une des leurs. C’est une émancipée. Ils regardent tous les filles et assistent à leurs ébats ; et par extension à l’enfermement de Ludivine qui marche sans but apparent dans une rue déserte la nuit.
Photographie Orysia Murat
Quel souvenir conservez-vous de ce tournage ?
Marc : C'était une belle expérience de se retrouver dans un certain cadre pro. Toute cette équipe motivée et les outils techniques rassemblés étaient impressionnants. Plus précisément, je dirais que je garde un bon souvenir du premier jour dans le Hangar (a part qu'il faisait froid) car j'aime beaucoup ce genre de lieux comme les friches, les lieux désaffectés... Puis aussi le troisième jour, lorsqu'on a, avec les gars, du arrêter et détourner le chemin des passants pour tourner la scène dehors. On était équipés de talkie-walkie en direct avec l'équipe du tournage, on s'est bien marré !
Enzo : Très heureux d'avoir pu rencontrer l'équipe qu'Héléna à mis sur pied ainsi que de l'ambition du projet. Je me souviens, le dernier jour de tournage, à Paris dans le marais, nous avons tourné de nuit. Après la semaine de préparation et les deux jours déjà passés, la fatigue sur place et nous trois dans ma voiture à essayer de dormir un peu dans le froid d'une nuit d'hiver...
Félix : C'était assez fou de voir une équipe de trente personnes fourmiller sur un plateau, et de se rendre compte que rien n'est laissé au hasard dans le rôle de chacun. J'en garde un incroyable souvenir, intense et éprouvant. L'impression d'avoir vécu trois jours en apnée tout en faisant de supers rencontres.
Photographie Orysia Murat
Héléna : C’est un très bon souvenir malgré les complications, puisque c’était ma première réalisation de clip. J’ai été entourée de gens merveilleux qui m'ont accompagné jusqu’au bout et qui ont fait en sorte que le projet vive. Sans eux je n’aurais pas réussi à réaliser ce clip, ce que j'avais imaginé au début de son écriture.
Photographie Orysia Murat
Merci Héléna Mayot et Goodbye Goni de m'avoir répondu.
Marc : Merci à toi aussi ainsi qu'à l’intérêt que tu portes au projet.
Enzo : Merci et longue vie à Ahasverus !
Félix : Et vive les métaux en tous genres !
Héléna : Merci les gars pour cette petite interview.
Goodbye Goni est un trio guitare/basse/batterie basé à Paris. Il se compose de Marc Chaillet (Guitare/Chant), Enzo Derlon (Basse/Claviers/Choeurs) et Félix Bourgeois (Batterie/Choeurs), trois amis d’enfance. Initialement connu sous le nom de Mr. Hanky, il publiait en 2015 un EP intitulé « Hoodooed ». Rebaptisé Goodbye Goni, il sort en 2020 l'album « Cosmogony ».
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Photographie Orysia Murat
Héléna Mayot est une scénariste et réalisatrice basée à Paris. Elle a parfait sa formation et fait ses premières armes en s'impliquant, dès l'âge de dix-sept ans et durant deux ans, en tant que technicienne sur différents projets. Elle a notamment réalisé un clip pour Esken (« Nos âmes dansent ») et le court-métrage « Le Scarabée Noir », également orienté vers un univers fantastico-onirique.
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Photographie Orysia Murat
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