S'éloignant du jazz fusion des débuts, Godsticks a refusé la redite, cuisinant son prog' sur une recette plus directe, privilégiant l'efficacité sans rogner la technique pour marquer les mémoires.
GODSTICKS par Eleanor Jane
Par Ahasverus
Godsticks est un groupe de rock progressif britannique basé à Newport, au Pays de Galles, où il prend naissance en 2006.
Après un EP éponyme, il signe « Spiral Vendetta », un premier album progressif qui soigne les harmonies vocales et qui pose les bases d'une musique technique et virevoltante, utilisant largement la fusion et dispersant principalement des éléments jazz sur son tamis métallique. Riche et exigeant, il lui permet de se distinguer dès 2010.
En 2013 « The Envisage Conundrum » passe à l'offensive. L'aspect fusionnel est mis au second plan. L'agressivité des riffs, la nervosité des guitares même en cordes claires ainsi que le positionnement basse/batterie en font un opus plus métallique que le premier album. Il se permet cependant un interlude au piano et une fin toute en douceur.
Godsticks revient deux ans plus tard avec « Emergence » qui nous cueille par des riffs sombres, parfois hypnotiques, j'oserais dire à la limite du doom. Egalement vif, toujours soigné, l'album est technique et heavy, prenant le temps d'une pause en son centre pour mieux repartir.
« Faced With Rage » (2017) appuie toujours sur ce côté dark prog et démarre sur un morceau d'une magnifique complexité. Capable de développer force et finesse, il est traversé d'éclairs lumineux, et c'est un album à ne pas négliger pour découvrir le groupe.
« Inescapable » (2020) est plus modéré, progressif plutôt qu'agressif, peut-être au risque de se perdre avant la fin malgré quelques belles pièces.
Passé la pause COVID, Godsticks revient avec un sixième album studio, « This Is What a Winner Looks Like ».
« If I Don't Take It All », le titre d'ouverture, a un côté catchy prometteur. Godsticks recherche moins l'imprévu, privilégiant les mélodies mémorables. Les compositions occupent maintenant des formats standards de trois à quatre minutes, deux seulement dépassant la barre des cinq minutes. On obtient ainsi un ensemble homogène cependant qu'on s'éloigne des structures complexes qui ont jalonné l'histoire du groupe. C'est assez heureux car le savoir-faire des Gallois permet de conjuguer la technique et la mélodie tout en mettant du liant dans des compositions d'apparence moins techniques que leurs aînées, loin en tous cas du jazz fusion des débuts. Puissant, métallique et parfaitement produit, le nouvel album est compact et homogène, plus cohérent que le bégayant « Inescapable ». Il pourrait attirer de nouveaux fans dans ses filets par son instantanéité, tandis que les addicts aux musiques complexes tenteront de se consoler sur les quelques passages alambiqués (« Throne », « Mayhem », « Wake up ») ou retourneront à « Faced With Rage », car cette nouvelle livraison de Godsticks a refusé la redite, cuisinant son prog' sur une recette plus directe, privilégiant l'efficacité — sans cependant rogner la technique — pour marquer les mémoires.