Un album inestimable : Dix titres de blues rock particulièrement riches en groove. Par Ahasverus
Si la réputation de Grace Potter est installée aux USA, elle est encore peu connue en France, au point que le webzine Fargo Mafia la présentait comme « l’un des secrets les mieux gardés du rock américain », formule heureuse s'il en est.
Pour définir son style et son statut, nous dirons que Grace est un peu une Gaëlle Buswel en format US, c'est à dire toutes proportions gardée puisque ramener les USA à l'échelle de la France revient à comparer le Verdon au Grand Canyon du Colorado. Néanmoins si vous appréciez l'une, on prend le pari que vous aimerez l'autre.
« Mother Road » est une galette de dix titres de blues rock sortie via Fantasy Records le 18 août 2023. Il s'agit du cinquième album solo de la musicienne américaine. Particulièrement riche en groove, parfois tendre (« Little Hitchiker»), parfois western (« Lady Vagabond »), merveilleusement servi par un clip éponyme qui propose un scénario à la Thelma & Louise, « Mother Road » balance et nous entraine dans un road-trip à la Steinbeck, l'auteur d'A l'Est d'Eden qui donnait à la Road 66 le nom de Mère des Routes dans son livre Les Raisins de la Colère.
C'est maintenant au tour de la rockeuse américaine de nous servir de guide au rythme de sa voix légèrement râpeuse, de ses riffs et de son orgue Hammond, « Mother Road » s'illumine alors, ose jusqu'à nous rappeler le premier album de Mika (« Masterpiece »).
L'album est incontournable. Il est produit par Eric Valentine (Slash, Queen Of The Stone Age).
Un album inestimable : « Komando » confirme que les chats ne font pas des chiens.
Par Ahasverus
Sorti en 2022, « Komando » est un album de Mohovivi, contraction des surnoms de Moho Chemlakh et de Yves Vivi Brusco.
Moho Chemlakh, guitariste sur plusieurs albums de Trust dont « Marche Ou Crève » ; Yves Brusco, qui succéda à Raymond Manna au poste de bassiste de la formation francilienne à partir de l'album « Répression ».
Ils sont accompagnés sur ce projet par Camille Sullet à la batterie et Sylvain Laforge à la guitare.
Yves Brusco tient le micro et s'occupe des textes écrits en Français. S'ils gardent un oeil sur notre société, les lyrics de Mohovivi sont moins vindicatifs (« Bang Bang Bang ») que ceux des auteurs de « L'Elite » et de « Fatalité », s'intéressant par ailleurs aux destins d'Ernest Hemingway ou de Amy Winehouse (« Camden Square »).
Vingt-huit minutes seulement pour cet opus de neuf pistes dans lequel rien n'est à jeter ! Résolument rock, il nous confirme que les chats ne font pas des chiens. La voix et la façon de chanter de Vivi renforcent cette conviction, n'étant pas sans rappeler celle de Bernie Bonvoisin avec un mimétisme parfois confondant (« Les Seigneurs de la Nuit », « C'est Pas Facile »).
L'album est pavé d'excellentes compositions (« Tic Tac », « Game Over ») qui portent « Komando » à un haut niveau de songwriting et d'interprétation, avec des musiciens parfaitement à leur affaire.
On ne peut, on l'a souligné, s'empêcher de faire la comparaison avec Trust, et force est de constater que cette galette la soutient, même si elle officie dans un registre plus rock.
On prend le pari que ce « Komando » aura réjoui nombre de fans de Trust sans pour autant qu'ils puissent jamais crier au plagiat. Le niveau d'excellence de cet album est tel qu'on espère que la paire Chemlakh/Brusco nous prépare un Mohovivi II.
Un album touché par une grâce évidente, et finalement chef d'oeuvre.
Encore un premier album dans les Inestimables. Si j'en parle, c'est qu'il a lui aussi ce ton qu'on ne retrouve pas ailleurs, qui fait que j'y reviens fidèlement depuis sa sortie, en 2004. Il paraissait alors chez Brennus.
Son point d'orgue tient sur une note : « Pairsonality ». Minute précise 7:45.
Mais pourquoi commencer par la fin ?
On reprend pour les retardataires...
Aching Beauty, groupe de métal progressif. Il se forme en 1997.
EP d'abord. Puis Album.
« L'Ultima Ora »
Passons sur l'artwork, son flou un peu dispensable autour du visage. Il a fait le job, retenu l'attention alors.
Production excellente. C'est perceptible dès les premières secondes. De magnifiques arpèges soulignés par un clavier. Piano, flûte. Glissent rapidement sur « Sublimation - Peter Pan Syndrome ». Escalade « Sublimation - Steps » et ses guitares puissantes.
La voix présente une certaine fragilité, un vibrato qui la caractérise agréablement.
Excellence du refrain, volubilité du clavier, virtuosité de la guitare.
Absolument magnifique ce « Sublimation - Steps ».
Il sonne terriblement, même aujourd'hui.
Le calme revient avec « Sublimation - Endlessly ». Je crois reconnaître un violoncelle.
« Pairsonality ». Mon morceau favori. Batterie solo. Basse percutante. Guitares heavy. Clavier enfin. Tout est paré pour porter la voix qui tarde à venir. Ca s'emballe et tourbillonne. Le chant vient mettre de l'ordre après plus d'une minute trente de musique. Il explore les basses, monte. Vibrato. Structure agitée. Refrain.
« Looking for a goal, searching for an idol »
Très beaux choeurs (au clavier je suppose).
Le thème se répète, invente des variations.
« Finally found my god, followed my idol »
Décline.
« Finally lost my god, destroyed my idol /Needed a man to transfigure me/He could be my guide, provide me strength and pride »
Jusqu'à l'envolée finale :
« Now that I’ve killed him… »
Cette note, la voix va la chercher et la tenir dans les aigus. C'est juste incroyable.Tout l'album s'articule autour. On est au sommet de l'oeuvre.
La descente se fait par une pente douce très agréable : « Glittering Images ». Les voix s'enchevêtrent. Les riffs reprennent le pouvoir sur la fin et « The Hundredth Name » nous ramène sur des terres chères à Dream Theater.
Calme et arpèges pour « Soul's Wrinkles ». La voix effleure les cordes avec son vibrato. Puis elle part en fausset. Le morceau reste léger, à peine écorné par la basse qui cherche à claquer.
Prog Metal encore pour « Shatter The Shell », première des quatre parties du titre « L'Ultima Ora » qui conclut l'album. Guitare très technique, riffs solides. Puis « Lost », morceau à la construction inattendue qui ne rentre dans le rang qu'à sa fin. La guitare lui règlera son compte avec « Aching Awakening », pièce instrumentale d'une grande richesse.
L'album trouvera sa conclusion en beauté avec « Masked Life », qui contient tous les ingrédients qui l'ont édifié. Fond prog' metal, riffs puissants, voix délicates, dialogues claviers/guitares, touches folk. Le morceau s'étire sur sa fin, comme pour récupérer après l'effort.
Aching Beauty, talentueux. Tellement prometteur dans ce registre. Les Parisiens se tourneront pourtant vers le rock indé et le chant en Français dès après « L'Ultima Ora ». Ces mecs avaient un beau bagage musical, et un chant d'une grande subtilité. Ils laissent au prog' cet album touché par une grâce évidente, et finalement chef d'oeuvre. Auraient-ils pu mieux faire ? Qu'auraient-ils pu ajouter après cette note ultime décrochée à 7:45 de « Pairsonality » ?