GRORR - L'interview Ddulden’s Last Flight

Le 18/05/2021

« A chaque album son histoire et une aventure bien particulière. »


Après sept ans de silence, Grorr revient avec un line-up modifié et "Ddulden’s Last Flight", un quatrième album tout aussi conceptuel, ethnique et soigné que l'étaient "Anthill" et "The Unknow Citizens".
Concept, instruments, artwork... La formation paloise nous dit tout.

GRORR, "Anthill" (2012)

Bonjour Grorr. Sept ans se sont écoulés depuis votre dernier album, "The Unknow Citizens". Même si vous n'êtes pas restés inactifs vous n'avez pas craint que ce soit trop long ?
Yoann (guitare) :
Salut ! Ca a sûrement été trop long... On aurait clairement pu gagner un an ou deux car une fois l'enregistrement terminé, les choses n'ont pas été aussi vite que d'habitude, on a dû changer de studio pour le mix entre autres, et cela a entraîné un gros retard... Mais il a aussi fallu le temps d'intégrer de nouveaux musiciens, de créer une nouvelle façon de travailler, etc. On voulait prendre le temps de sortir quelque chose d'abouti. On ne s'invente pas (ou plus) de pression par rapport aux attentes extérieures : ce n'est pas notre gagne pain, et cela doit rester une passion ; on veut sortir de la musique dont on est fiers. Bon, on espère toujours que les gens qui aimaient bien Grorr ne nous ont pas oubliés, et qu'ils apprécieront l'album !

"Anthill" et "The Unknow Citizens" ont eu de solides succès critiques. Cela vous a-t-il mis une pression particulière, et vers quoi vouliez-vous tendre quand vous avez commencé à composer pour le nouvel album ?
Yoann :
On part toujours dans l'optique de s'améliorer, La seule pression est d'arriver à composer quelque chose dont on est satisfaits (et ce n'est pas une mince affaire). L'accueil global des précédents albums était plutôt de nature à nous rassurer, ça voulait dire qu'on était dans le vrai, je prenais ça comme un encouragement. Une des idées principales avec l'arrivée de Franck (NDLR : Franck Michel a remplacé Bertrand Noël au chant de Grorr en 2016) était de mettre l'accent sur les mélodies de chants.
Sylvain (instruments traditionnels, sample) : Ce qui est sûr, c'est que leur succès ne pouvait pas être prétexte à fournir moins d'efforts pour la conception de "Ddulden's Last Flight", d'autant que, comme le disait Yoann, notre volonté de s'améliorer va avec la volonté de pousser les curseurs de ce qui nous fait plaisir encore plus loin.

Grorr line upVous revenez donc avec "Ddulden’s Last Flight". Quel est le concept de l'album  ?
Yoann :
A la base on était partis sur un film musical, on avait vraiment cette ambition de proposer trente à quarante minutes de film d'animation en musique... L'histoire suit Ddulden dans son parcours initiatique vers l'accomplissement de son rêve (en l'occurence voler). Elle est découpée en plusieurs scènes-clefs qui sont autant de plages de l'album. On a essayé de mélanger correctement notre sauce habituelle (du rock-metal, des instruments traditionnels, des formats de chansons, dans un concept-album) avec des éléments un peu plus issus de la musique de film.
Sylvain : On a voulu inclure plusieurs niveaux de lecture, d'interprétation. Nous avons utilisé les récits autour du mouvement du Luddisme en trame de fond pour aussi avoir la possibilité d'évoquer notre propre histoire, nos obsessions...

Où et quand sont nées ces compositions ?
Yoann :
Les premières maquettes datent de la sortie de l'album précédent, donc presque sept ans en arrière maintenant... Il y a eu beaucoup de réécriture au fur et à mesure qu'on affinait l'histoire et aussi que l'on intégrait de nouveaux membres dans le groupe. Nous avons imaginé au minimum trois histoires complètement différentes. A l'époque des premières maquettes, Franck, le nouveau chanteur, n'avait pas encore rejoint le groupe. Et enfin Christine (NDLR : basse) est arrivée.  Cela nous a fait beaucoup de bouleversements.
Sylvain : On a même totalisé approximativement quatre heures de compositions dont il reste encore des traces dans la version aboutie de l'album, que ce soit formellement, des mélodies, l'utilisation et le rôle de certains instruments... Les morceaux "The Painter" et "Orang Lao" sont nés de ce matériau originel, ils nous ont finalement servi de laboratoire pour expérimenter le son que nous souhaitions avoir.

En parlant de laboratoire... Quels sont les instruments utilisés sur "Ddulden’s Last Flight" ?
Sylvain :
Il y en a beaucoup ! Les pupitres d'ensembles sont créés avec des instruments virtuels, ce sont donc les ensembles symphoniques, gamelan balinais, taikos … pour le reste j'ai joué du morin khuur (NDLR : instrument à cordes mongol), du sitar, du tabla (NDLR : petit tambour d'Inde), diverses percussions, guimbardes... Et avec Franck nous nous sommes mis à pratiquer les techniques de Khoomei pour les enregistrer, les chants diphoniques donc.

Quels sont vos invités sur l'album ?
Yoann :
Comme on s'est chargés d'à peu près tout, nous n'avons eu qu'une seule invitée sur l'album, c'est Julie Lambert, qui nous a prêté sa voix pour les rôles des « sirènes ».
Sylvain : Elle avait pour mission d'adopter le timbre qu'on entend dans les chants traditionnels féminins de Bulgarie, Croatie etc, ce qu'elle a effectué avec un immense brio !

1 grorrGRORR, "Ddulden’s Last Flight" (2021)

Pour l'artwork, vous avez fait appel à la dessinatrice Emilie Tarascou. Pourquoi ce choix et quelles indications lui avez-vous donné ?
Sylvain :
Pour être tout à fait transparent, il s'agit de ma belle-sœur ! Mais il se trouve que notre collaboration avec elle est comme un alignement de planètes. Elle m'emmenait voir les films de Miyazaki quand j'était petit, elle connait très bien ce genre d'esthétique, entre autres, et a pu suivre de près nos phases d'écriture de l'histoire. On voulait que l'artwork soit composé comme une affiche de film, nous avons donc étudié la composition du plan avec elle, en essayant d'y insuffler nos références. Nous avons choisi d'illustrer l'amorce du climax de l'album (le début de Last Flight, et non pas l'intro de l'album comme on peut le lire sur certaines reviews hahaha !).

Un mot sur la technique, l'enregistrement et le mastering ?
Yoann :
On a suivi le même processus que sur nos deux albums précédents, à savoir qu'on a tout enregistré nous-même et qu'ensuite on a envoyé les centaines de pistes au mixage. Cette fois-ci, on a bossé avec Pierre Danel,  du studio Axone, pour le mix, et il a fait un super travail ! C'était vraiment pas évident de gérer autant d'instruments tout en gardant de la clarté et de la puissance... Le mix est ensuite passé dans les main de Pierrick Noël de l'atelier du mastering pour le mastering.

Les éditions physiques de l'album ont été quasiment épuisées en une quinzaine de jours. Votre réaction ?
Yoann :
Alors c'est vraiment super cool de voir ça, autant que de recevoir des retours positifs... Maintenant,  cela reste à pondérer, car si les stocks Bandcamp du label sont presque vides, pas mal d'exemplaires physiques ont aussi été envoyés pour approvisionner des magasins, etc. La bonne nouvelle c'est qu'il est toujours possible de se procurer l'album en physique !

J'imagine qu'un beau clip est en préparation ?
Yoann :
Malheureusement, rien en préparation pour l'instant, On a sorti un clip en animation pour le morceau « Orang Lao » ; pour « Ddulden » c'est un peu différent : on a toujours conçu cet album comme un « film musical », c'était difficile pour nous d'extraire un titre en particulier pour en faire un clip. En gros c'était un peu « tout ou rien » ; on voulait vraiment avoir un film en anime pour l'album. Bon, on réfléchit toujours au meilleur moyen de proposer quelque chose de cohérent sur scène avec de la vidéo... On croise les doigts !

On vous retrouve dans sept ans pour un prochain album ?
Yoann :
Ahahah ! Ben écoute, on verra bien ! A chaque album son histoire et une aventure bien particulière. Si tu m'avais dit en 2014 que l'album sortirait en 2021, je ne t'aurais jamais cru !
Sylvain : En tout cas nous avons commencé l'écriture de ce futur album. Nous sommes en 2021, le chronomètre est lancé !

Merci Grorr, de m'avoir consacré du temps.
Yoann :
Merci à toi pour ton intérêt !
Sylvain : Merci !


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