« Les peuples slaves sont nés avec la musique, elle les accompagne dans tout ce qu'ils font. »
En mars 2023 sortait « Je suis Lerka-Jo », un EP au gros son prometteur qui nous interpellait, écartelé entre des textes graves et des chansons festives construites à gros riffs autour de la bouillonnante Lerka.
Nous avons eu envie d'en savoir plus sur l'opus et sur le projet. Lerka a répondu à nos questions.
Interview réalisée par Ahasverus par mail et par téléphone entre octobre et novembre 2023.
Ahasverus : Bonjour Lerka. Pour commencer, d'où vient ce nom de Lerka-Jo ?
Lerka : Lerka c'est le nom qu'on me donnait quand j'étais enfant. Ca qualifie une personne qui fait des bêtises. Jo, c'est un nom que j'avais dans mon voisinage, un ajoût que j'ai trouvé sympa à utiliser quand j'avais douze ans. Cette sonorité américaine, je trouve que ça fait plus joli.
Ahasverus : Faute de mieux, j'ai qualifié votre musique de punk fusion. Ca vous correspond ?
Lerka : Et bien le destin, comme on dit, le mélange des cultures, d’expériences diverses, ont créé notre style qui fusionne tous les genres musicaux. L’esprit de subversion personnelle, en tous cas, y est !
Ahasverus : Quels sont les artistes qui vous ont influencés ?
Lerka : Adolescente en Ukraine, des artistes comme Kuz’ma Skryabin, Valentin Strikalo, le groupe T.a.T.U, Noize MC, m’ont fait une belle compagnie, je les écoute toujours d’ailleurs ! En ce moment je passe également beaucoup de Kanye West. Enfin, Oxxxymiron, le rappeur russe, m'inspire énormément. Je préfère le rap russe au rap US, je le trouve plus... intellectuel ! Les rappeurs russes glissent pourtant aussi beaucoup de gros mots dans leurs chansons, mais les gros mots, en Russie, font partie inhérente de la langue !
« Je ne pensais pas pouvoir écouter de Metal jusqu'à ce qu'il me traîne à un concert de punk où je me suis dit « Cette énergie, c'est ça en fait ! C'est cette musique que je veux faire ! »
Ahasverus : Quel parcours vous a conduit à Lerka-Jo ?
Lerka : J'ai toujours baigné dans la musique. J'ai toujours connu mon père jouant de la guitare. Il n'était pas une journée sans qu'il ne joue un ou deux morceaux. Ma mère chantait aussi... Les peuples slaves sont nés avec la musique, elle les accompagne dans tout ce qu'ils font. J'ai été sur scène toute petite, la première fois à cinq ans pour jouer le rôle d'un ange. Puis pour chanter dans une première chorale, puis pour suivre des cours de pianoforte durant sept ans — mes soeurs et moi on jouait toutes du piano... Je ne voulais pas y aller au départ. Je pleurais. Ma mère disait que ça me servirait. Elle avait raison...
J'ai aussi participé à des compétitions de chant en Crimée, mais je n'ai jamais gagné (Rire). Puis il y a eu des soirées de reprises de Queen au collège, des concerts organisés par la mairie… La scène a toujours fait partie de ma vie, en Ukraine, et je donnais des concerts régulièrement. J'ai fait le conservatoire . J'ai commencé le piano à six ans, et le chant aussi. J'ai commencé à chanter dans une chorale Le professeur aimait ma voix. Il m'a proposé de suivre des cours de chant, ce que j'ai fait pendant cinq ans tout en poursuivant mes études de piano, jusqu'en 2014. C'est cette année-là que j'ai quitté l'Ukraine... J'avais à peine quinze ans quand je suis arrivée en France. Je ne savais pas comment m'y prendre pour continuer ce que j'avais mis en place en Ukraine, et j'ai donc pris un peu de retard. Je n'ai rien fait musicalement pendant cinq ans, car j'avais d'autres priorités : aller à l'école, finir mes études, apprendre le Français... J'ai repris la musique à l'âge de dix-huit ou dix-neuf ans. Aujourd’hui je suis heureuse d’avoir lancé le projet Lerka-Jo, et j’espère le developper au maximum avec les meilleures intentions et toute ma volonté.
Ahasverus : Le 24/03/2023 vous sortez l'album « Je suis Lerka-Jo ». Comment avez-vous construit les huit morceaux qui le composent ?
Lerka : La construction a été assez fluide. Le processus de la création musicale est ma partie préférée : avoir des idées qui survolent incessamment, les rattraper et les rendre concrètes, c’est la plus belle des choses. J'ai travaillé sur cet album avec Thomas, et nous avons eu une cohésion musicale et créative qui a permis aux huit morceaux qui composent cet EP de sortir l'un après l’autre à la vitesse de la lumière ! Pour ma part, même si j'ai composé au piano dès l'âge de onze ou douze ans, j'ai toujours besoin d'un intervenant, et Thomas m'a beaucoup apporté. Il a eu la base et le talent nécessaires. J'ai l'oreille musicale et la pratique du solfège, mais je manque de connaissances technologiques pour mettre en place des chansons, et c'est surtout dans ce domaine que j'avais besoin de quelqu'un. Je ne pensais pas pouvoir écouter de Metal, jusqu'à ce q'on me traîne à un concert de punk où je me suis dit « Cette énergie, c'est ça en fait ! C'est cette musique que je veux faire ! » Ca m'a parlé directement ! Limb Bizkit, Rage Against The Machine, c'était l'univers de Thomas, mais c'est désormais aussi mes références. Musicalement, « Je Suis Lerka · Jo » reste donc principalement le fruit des influences de Thomas, mais j'ai pu rajouter des choses qui me plaisaient.
Ahasverus : Votre album commence par « Champagne », un titre festif, avec un clip tourné au bord d'une piscine. Placer ce titre en ouverture était une évidence ?
Lerka : J’adore l’été, et pour bien représenter ma personnalité c’était la seule réalité…. Soleil, eau (pétillante !), bikini… Vivre d’amour et d'eau fraiche ou de « Champagne » frais, c'est mon tube de l'été sans hésitation !
Ahasverus : Le virage de l'album, la claque, même, arrive avec le morceau « Je Suis Lerka · Jo ». C'est pour ne plus répondre aux questions que vous avez décidé de vous dévoiler dans un titre ?
Lerka : Oui, c’était clairement une réponse générale à tous… car au bout d'un moment c’est toujours les mêmes questions qui reviennent. Cette chanson, « Je Suis Lerka · Jo », est une idée de Thomas, là encore, qui m'a suggéré d'écrire quelque chose en relation avec mon parcours. Ca ne me plaît pas de parler de mon parcours à des gens que je croise dans la rue et qui se montrent curieux parce qui'ls entendent mon accent, même si je comprends leur curiosité. Ce titre était l'occasion de leur faire une réponse collective. J’ai trouvé indispensable d’en parler fort et Thomas m’a encouragée à écrire ces paroles. « Je Suis Lerka · Jo » est selon moi l'un des titres forts de l'album. Comme t’as dit : « Ça claque » !
Ahasverus : Quelles sont les langues utilisées dans les lyrics de Lerka -Jo ?
Lerka : En majeure partie j’utilise l’Anglais, le Français et le Russe pour l’écriture. Puis je rajoute les phrases en Ukrainien, et parfois en Italien pour arranger les rimes et les passages mélodiques, car selon moi l’Ukrainien et l’Italien sont deux langues chantantes. Pour le nouvel album vous verrez comment je mixe toutes les langues ensembles, telle une salade de fruits !
Ahasverus : Qui a écrit les paroles de l'album ?
Lerka : C'est moi. Thomas a apporté des corrections aux textes en Français.
Ahasverus : Les thématiques que tu abordes sont très écartelées...
Lerka : Il n'est pas envisageable pour moi de rester sur une seule thématique. J'ai beaucoup d'idées qui ne sont pas toujours exploitées, mais qui restent dans ma tête et qui tournent. Parfois je veux faire quelque chose de festif, parfois j'ai envie de parler de quelque chose de plus profond.
Ahasverus : Ton parcours est-il une force pour ta musique ?
Lerka : C'est une force de vie, comme chaque parcours. Ce que je vis aujourd'hui même m'inspire pour de nouvelles chansons.
Ahasverus : Un mot sur la production de l'album ?
Lerka : Hahaha ! C’était ma première expérience dans l’industrie musicale, depuis j’apprends tous les jours. J’avoue qu’au début rien n'était facile, durant la production du disque j’étais extrêmement têtue… Je pense que je le suis encore, mais j’ai appris à faire confiance aux professionnels. Notre ingé-son Xavier « Goosh » Le Gouix à Loud Studio, s’est montré très indulgent et je l'en remercie, Et mince, à vrai dire y’a toujours des choses qui ne vont pas, mais on les surmonte a chaque fois et je suis très fière de ça !
Ahasverus : Fin 2022 vous jouez dans une soirée « Projection & Concert » organisée par l'IAATA (Information Anti-Autoritaire Toulouse et Alentours). Simple opportunité, ou c'était important d'en être ?
Lerka : Je n’avais aucune idée qu’est ce que voulait dire l’IAATA, on s’est présentés car des amis nous ont demandé de jouer. On a fait le show, mais on l’a pris comme une simple opportunité.
« En ce moment c'est l'écriture du nouvel album avec des amis musiciens. Cet album, on va l'écrire tous ensemble, et ça va être super chouette ! »
Ahasverus : Vos projets dans les prochains mois ?
Lerka : Les concerts arrivent, je suis tranquille, pas de surcharge mentale, step by step... Puis l’écriture du nouvel album à déjà débuté, je travaille dessus avec des amis musiciens. Cet album, on va l'écrire tous ensemble, et ça va être super chouette ! Je n'aime pas me répéter, je souhaite donc explorer des styles différents pour Lerka-Jo, par exemple rajouter du drum and bass, des sons électro, des choses plus classiques avec une jolie voix, même s'il y aura toujours du punk rock et du punk fusion. Je souhaiterais pouvoir tenir le rythme d'un EP ou d'un album par an. Je prépare aussi une tournée en Ukraine, pour dix ou quinze dates. Il est important pour moi d'aller porter cette musique hybride, faite de langues ukrainienne et russe, et de montrer qu'il y a des gens qui, même s'ils sont déracinés, portent encore leur pays dans leur coeur. Malgré la guerre, les gens n'ont pas arrêté de vivre ; il y a toujours en Ukraine de la musique, des concerts... J'irai peut-être aussi en Italie... Pour l’année qui arrive, nous avons donc du boulot, et même beaucoup de boulot ; je recherche très activement des dates pour 2024. Ce serait certainement le moment pour prendre un directeur artistique et un booker pour développer le projet Lerka-Jo. Il faut se faire connaitre car il faudra défendre le prochain album, qui sortira au printemps 2024 si Dieu le veut.Ahasverus : Lerka-Jo sur scène, ça donne quoi ?
Lerka : C'est chaque fois différent, avec une énergie extra-explosive qui donne le sentiment de la fête éternelle, avec des ballons et des papillons, et bien sur le Champagne super friendly ! Une fois vue en concert = fan pour toujours ! Il y a un impact très positif sur scène, le lien avec le public est très puissant.
Ahasverus : Vous avez le trac avant de monter sur scène ?
Lerka : Je sais que le set est bien préparé, je n'ai pas le trac.
Ahasverus : Que trouve-t-on sur le stand de merch de Lerka-Jo ?
Lerka : Hihihaha ! C’est ma partie préférée aussi ! Déjà le logo de super-héro designé par Thomas fait comprendre l’authenticité de Lerka-Jo Si l'on rajoute des couleurs éclatantes ça donne le pur esprit du personnage ! Pour l’instant Lerka-Jo propose des t-shirts de toutes les couleurs et des sous-vêtements white/pink homme et femme… Et ce n'est que le début !
Ahasverus : Merci, Lerka-Jo, d'avoir répondu à mes questions...
Lerka : Merci, ça m'a fait plaisir de parler.