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Les N'importe Quoi
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : SCORPIONS, Rock Believer (2022)
Le 08/05/2022
Ahasverus est un imbécile ! A l'heure où vous lisez ces lignes, cette prophétie de Monsieur Mignot n'a jamais pu être formellement démentie.
« Ahasverus est un imbécile ! » Cette appréciatione était inscrite à l'encre rouge par monsieur Mignot en marge de mon premier devoir scolaire.
Au Petit-Clamart, l'école primaire se trouvait juste en face de la maternelle. Sur son fronton, on pouvait encore lire « Ecole des Filles - Ecole des Garçons ».
Cependant, à l'époque dont je vous parle, on ne séparait plus les filles et les garçons. L'école des filles accueillait les petites sections ; celle des Garçons recevait les élèves du CE2 au CM2.
J'avais passé les vacances de l'été précédent à Raulhac. Je garde un souvenir heureux des vallons, des bois couverts de giroles et de trompettes de la mort, et d'un cirque installé sur le grand champ. Tout le village était allé voir ça en procession. C'était notre premier cirque, à moi et à mes poux, on s'était trouvés dans les foins et on ne se quittait plus depuis... On regardait le grand chapiteau les yeux écarquillés. On battait des mains, on retenait notre souffle, on chantait par dessus les violons. C'était une belle soirée et on était repartis contents vers le village, se racontant les meilleurs moments et mimant les exploits des acrobates et du montreur d'ours. Mais sur le chemin du retour, on sentait bien que les adultes étaient contrariés, à cause d'une histoire avec une fille du village. On ne savait pas exactement quoi, nous les gosses, eux les poux, mais on comprenait que Chocolat n'était pas aussi drôle qu'il en avait l'air et qu'il avait franchi la ligne jaune interdite aux clowns.
Maintenant que j'y pense, c'est peut-être là que j'ai commencé à me méfier : si l'on ne peut même pas faire confiance aux clowns, alors comment croire les gens ?
Au grand dam de ma mère la Louise, les poux décidèrent de partir avec moi pour la capitale. Leurs relations furent immédiatement houleuses. La Louise refusait tout dialogue. Moi qui leur avait dit qu'elle adorait les animaux, ils m'avaient fait confiance, je ne me le suis jamais pardonné ! Elle les extermina à grands coups de vinaigre et de peigne fin, faisant claquer chaque lente entre ses ongles en l'accompagnant au trépas de la porte d'un juron. Pas un n'y survécut.
Je fis donc ma rentrée la tête libre de locataires, mais avec plus d'une semaine de retard. Monsieur Mignot me présenta à la classe et m'indiqua où m'asseoir avant de distribuer le devoir du matin. Dans la colonne de gauche un chien, un oiseau, un bébé, un poisson, une voiture ; dans la colonne de droite un landau, une rivière, une route, une niche, un arbre. Tandis que je considérais la feuille en songeant mes poux, témoins du temps d'avant perdus par ma bonne foi, mon voisin de table proposa de régler l'exercice à ma place. Joignant le geste à la parole, il saisit vivement ma feuille et relia sans tarder le chien à l'arbre, l'oiseau à la rivière, le bébé à la niche, le poisson à la route et la voiture au landau. Monsieur Mignot ramassa les copies et me rendit la mienne un peu plus tard avec cette mention assassine à l'encre rouge dans la marge. Depuis, personne ne l'a jamais vraiment contredit. Je fus tout de même vengé quelques mois plus tard par mon copain Serge - il deviendrait mon meilleur ami - qui inventerait cette comptine assassine qui régala les cours de récréation : « Un monsieur Mignot qui pisse dans un tonneau, c'est rigolo mais c'est salaud. » Elle lui vaudrait le premier d'une longue série de coups de pieds au derrière de la part de la vie. Mais c'est une autre longue histoire...
A partir de la sixième j'oubliais monsieur Mignot et je commençais à fixer mon attention - ça resterait mon activité préférée - sur les filles, et plus particulièrement sur la plus belle d'entre toutes : Fabienne Ledoux-Chalot. Appelée à devenir la femme de ma vie, elle tardait pourtant à répondre. Après avoir attendu vainement durant deux ans qu'un messager divin rappelle Fabienne à sa destinée, il m'apparut plus sûr et moins décevant de reporter mon attention sur les musiques amplifiées. C'est ainsi que l'album « Lovedrive » fit irruption dans ma vie.
J'avais acheté ce trente-trois tours d'occasion à Patrick Le Van. J'ignore d'où lui-même le tenait, et je ne suis pas sûr en la circonstance de ne pas m'être placé sous le coup de l'article 321-1 du Code pénal, celui qui donne la définition légale du recel de vol .
« Lovedrive » marquait le départ d'Ulrich Roth et l'arrivée de Mathias Jabs. Scorpions gagnait en homogénéité ce qu'il perdait en flamboyance. Exit la dualité chant/guitare, les Allemands s'orientaient vers un son plus mélodique et plus ramassé qui les conduirait au sommet de leur popularité pour quelques albums.
S'il a un peu vieilli, « Lovedrive » tient toujours la route, grâce à une tripotée de bons titres. Et d'abord cet enchaînement « Another Piece Of Meat »/« Always Somewhere ». Sur le premier, Herman Rarebell reprend, en l'accélérant, le tempo de « Suspender Love » ; le second commence par de magnifiques notes de basse.
Mémorables également le faux reggae « Is There Anybody There » et la ballade, toute aussi fausse, « Holiday ». Personne n'écrivait les slows comme le Scorpions de ces années-là. Dans l'exercice, Skid Row se débrouillerait pas mal deux décennies plus tard.
En 2022, on ne danse plus les slows pour flirter, on s'abonne à Tinder pour pécho. « Lovedrive » n'est pas invité dans les free-partys, à quarante-trois ans, il ferait tapisserie ou il finirait au tribunal.
Depuis 1979, il ne s'est cependant pas écoulé une année sans que je n'écoute un album de Scorpions. Je peux d'ailleurs les rattacher à des souvenirs, à des lieux : « Love At First Sting » marque mon service militaire, tandis que le thermomètre descendait, sur les plages de Normandie, à moins dix-huit degrés ; « Crazy World » me trouvait à Versailles ; « In Trance » me conduisait de Saint-Julien du Sault jusqu'au sommet du Brévent, à Chamonix ; « Animal Magnetism » m'accompagnait à Savigny-Le-Temple, qui commençait à devenir une ville, où je retrouvais la première Isabelle de ma vie (il y en aurait une autre beaucoup plus importante) par le train de banlieue...
En 2022 Scorpions fait son retour avec « Rock Believer », et c'est un peu comme s'il m'écrivait à moi, Ahasverus, pour me dire qu'il reste encore de bons moments.
E puis il me rappelle :
« We go from here to everywhere
So many moments that we share »
Bah ça, les gars, je ne saurais dire mieux ! Le rock believer, c'est moi ! Just like you !
Ca faisait un moment qu'ils ne m'avaient pas semblé aussi en forme, les gars de Hanovre, et je commençais même à douter du bien-fondé de leur retour. Mais « Roots In My Boots », « Rock Believer » et « Peacemaker » ont clairement remis du « Gas In The Tank » !
Les riffs sont percutants, les textes cohérents, la voix de Klaus Meine, qui a fêté avec Rudolf Schenker ses soixante-quatorze printemps, est toujours exceptionnelle et... inimitable ! « Rock Believer » est certainement leur album le plus intéressant depuis le controversé « Eye II Eye », virage électro de 1999 qui comportait tout de même quelques très bons titres.
Scorpions ne fait pas tapisserie en 2022. Il était au Hellfest le 23/06, puis un peu partout en France. Je l'ai vu à Nice, devant un public conquis.
En tête d'affiche.
C'est là sa place, j'ai dit.
« Isn't it fun fun fun
To be number one ? »
C'est sûrement ça que m'aurait chanté monsieur Mignot - celui qui pissait dans un tonneau - si je n'avais pas foiré son premier exercice.
« That's when I wear my shirt that says
In capital letters In capital letters
Isn't it fun fun fun to be number one »
A quoi ça tient, un destin ?
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : Un presque-Live Report
Le 05/12/2021
Cette semaine, en faisant un peu de tri dans mes tiroirs, j'ai retrouvé un de mes premiers live-reports.
Publié initialement le 23/04/2018
Enfin presque... Je l'avais initié à l'occasion de la venue des Seeds Of Mary à Antibes en 2018.
J'étais parti en retard, et je n'étais jamais allé à La Hacienda, un club de motards qui a fermé depuis. J'avais du mal à trouver et j'avais stationné mon Zafira devant Conforama pour chercher le club à pieds, guidé par la musique.
La salle était baignée d’une lumière rose. Spooky Damage ouvrait la soirée. Le groupe était déjà sur scène. Je consultais mes notes : « Jeune formation fréjusienne / Trio punk-grunge / Cinq ou six concerts au compteur ».
Pour l’heure, ils reprenaient « La Vie Par Procuration », de Jean-Jacques Goldman, dans une version très fidèle à l'originale. Bien vu, ça interpelle, pensais-je, pour un groupe de punk ! Puis Spooky Damage enchaînait sur « Quand la musique est bonne » et « Comme Toi ». Trois cover de Goldman, c’était carrément provocateur pour des keupons !
En final, le groupe balançait « Je te donne ». Je trouvais leur approche du punk étonnante, mais intéressante, et le public, qui frappait dans ses mains pour les encourager ne s'y était pas trompé. « Je te donne » marquait la fin d'un set sans rappel, car déjà les musiciens abandonnaient leurs instruments et filaient vers le bar. C’était le moment pour « pécho » des informations.
Je m’approchais du zinc et je commandais une bière.
« — On ne sert pas d’alcool, répondit la serveuse. C’est cocktail goyave/pamplemousse/patate douce, ou cocktail citron/brimbelles/carottes.
— Ça a bien changé, les Bandidos ! fis-je pour plaisanter. Va pour goyave ! »
Elle haussa les épaules en murmurant un truc très exagéré à propos de ma virilité, posa un grand verre avec une paille et un parasol devant moi puis se tourna pour essuyer ses verres au torchon en affectant de m'ignorer.
Je pris mon verre et m'approchais des musiciens...
« — Salut ! Je suis Ahasverus, d’Ahasverus - Métaux En Tous Genres !
— Salut ! Je suis Jean-Marc, des Pigeons Du Balcon... » me répondit en souriant l’un des zicos du tac au tac.
Jean-Marc, ça faisait pas très punk. Je repris :
« — Je prépare un live-report, pour mon zine. J'aimerais faire un petit article sur votre concert...
— Si tu veux, mon gars. J’ai pas l’habitude de pratiquer la langue de bois, alors si tu as des questions, envoie ! »
Je sortis mon calepin, un stylo, mon dictaphone, et je lançais :
« — Jean-Marc, depuis combien de temps joues-tu dans Spooky Damage ? »
Il marqua un temps d'arrêt, me fit répéter la question, puis répondit bien dans le micro :
« — Mon groupe s'appelle “Les Pigeons Du Balcon”, c'est un tribute-band à Jean-Jacques Goldman. J'y joue depuis trois ans.
— Mais... C’est pas La Hacienda, ici ?
— Ah non, répondit-il. Ici, c’est l’Antibealthy’S ! Le premier bar “Healthy” d’Antibes ! La Hacienda, c’est de l’autre côté de Conforama. »
Jean-Marc eut la gentillesse de me guider jusqu’à La Hacienda, mais quand j’entrais dans le club, Spooky Damage avait presque terminé son concert. Ils reprenaient « In Heaven (Lady In The Radiator) », du film « Eraserhead ». Puis ils enchaînaient sur « Dynamite », et « Fuck You, Fuck U2 ». Ça rappellait les Ramones, les Sex Pistols, voire les Clash, c’est à dire un bon vieux Punk teinté 77’ qui sait gueuler 1/2/3/4 sans faire plus d’histoires. Le batteur tapait dur. Le set se clôturait par « Will You Fight? »
Tandis que Spooky Damage remballait ses gaules, les Seeds installaient leur matos. J’avisais ma jeune voisine. Sa tête me disait quelque chose... Eurêka ! C’était Flora, l’ex-bassiste des Porno Graphic Messiah ! Je l'abordais :
« — Bonjour ! Vous êtes bien l’ancienne bassiste de Porno Graphic Messiah ?
— A qui ais-je l’honneur ? demanda-t-elle, méfiante.
— Ahasverus, du zine Ahasverus - Métaux en tous genres. Que faites-vous maintenant, musicalement ?
— Stormy Doom ! » répondit-elle, tandis que les riffs de « I’m Not Afraid » envahissaient la salle, interdisant toute conversation.
Bassiste dans Stormy Doom ? C'était intéressant comme info. Je notais, bien décidé à reprendre cette conversation plus tard.
La prestation des Seeds Of Mary faisait la part belle au Blackbird album, un opus très abouti, au packaging soigné dessiné par Julien, le guitaritste. Malgré l’exiguité de la scène pour un quintette, Julien frappait le plancher comme un diable, et les harmonies vocales de Jérémy et de Raph atteignaient des sommets, notamment sur le titre « The Blackbird », bien qu’ils se disent tous deux amoindris par la grippe. La version live syncopée de « Like a Dog » était encore meilleure que celle de l’album.
En fin de set, les Seeds s’amusaient à faire chanter le public. Seeds Of Mary avait maintenant une signature immédiatement identifiable, il est aujourd’hui sans conteste l’un des meilleurs représentants de la scène Metal alternative.
Les Seeds rangeaient déjà leur matériel. Scars Summer et sa bande, s’installaient, car c'est Porno Graphic Messiah qui clôturait l'affiche. Après « Til Death Or Nothing » en 2014, le groupe venait de sortir « Terrorize Me », un puissant album de Metal indus qui leur valait pas mal de succès, le groupe ayant atteint sa maturité.
Tandis que Porno s'installait, je retournais voir Flora pour en savoir un peu plus à propos de Stormy Doom, son nouveau projet.
« — Stormy quoi ?
— Ton groupe, Stormy Doom. Vous avez un album en préparation ? »
Flora me regardait d’un air étonné. Je repris:
« — Tout à l'heure, tu m'as bien dit que ton groupe s'appelle Stormy Doom ?
— Stoner / Doom ! J'ai dit que je jouais du Stoner Doom ! C’est des genres de musi... Mais tu travailles pour quel mag, toi, déjà ? »
Porno Graphic Messiah avait installé son matos. Je jugeais opportun d’éluder la question de Flora et de m’éloigner un peu. Le quatuor de Metal Indus démarrait son set avec « Star », un de mes morceaux préférés. Scars Summer jouait avec son avant-scène et rejoignait le public dans la salle.
Marion et Scars entreprirent en duo « AOTA ». Je gagnais le premier rang. Scars Summer doublait la voix de la guitariste avec un bel effet. Je notais la présence d'une setlist des Seeds sur le plancher de la scène. Elle était maintenue par un câble. Je tirais légèrement la feuille pour la récupérer. Sans succès. J'entrepris alors de soulever le câble tout en tirant sur la setlist d'un coup sec. Le cable, emmêlé, avait du mal à se lever. Je tirais un peu plus fort. Le son se coupa net au même moment. Je remarquais Flora à quelques mètres de moi. Elle me jetait un regard désapprobateur.
Aidés par Jérem' le chanteur des Seeds, les musiciens mirent un certain temps à trouver l'origine de la panne. Quant à moi, la setlist glissée en poche, il me sembla plus prudent de rejoindre le fond de la salle. Tandis que j'étais au bar, je vis que Flora me scrutait, les sourcils froncés. Elle partit d'un pas décidé parler à Aaron et Eliott. Les deux Seeds me jetaient des regards orageux. Je profitais de la pénombre pour quitter La Hacienda sans être vu.
De crainte qu'on ait repéré mon Zafira, je me réfugiais à l’Antibealthy’S, où un groupe reprenait « Le Parking des Anges ». C’était « Bascule Avec Lavoine », un tribute grassois à Marc Lavoine, m’expliquait Jean-Marc, que je retrouvais au bar tandis que le public tapait dans ses mains en chantant le refrain.
Je regardais par la fenêtre. Scars et Valentin, des Porno, soulevaient les couvercles des bacs à poubelles pour en vérifier le contenu. Les Seeds, sondaient sous les voitures. Fabien et Marion, les deux derniers Porno, aidaient Spooky Damage à fouiller chaque côté de la rue. C’est clair, ils me cherchaient !
Je quittais la fenêtre pour retrouver ma place au bar, sirotant un Goyave/Pamlemousse/Patate Douce tandis que Bascule Avec Lavoine lançait « Le Pont Mirabeau ». Je tâtais ma poche. La setlist était toujours là.
Vers trois heures du matin, tous assis au bar, on reprenait a capella « Les Yeux Revolver », en se tenant par les épaules et en se balançant de droite à gauche à l'unisson. J’avais des aigreurs d’estomac à force de cocktails à la goyave.
L’Antibealthy’S ferma ses portes vers cinq heures. Je jetais un coup d’oeil prudent dans la rue. Tout était calme. Les Seeds, Porno et Spooky avaient abandonné leurs recherches et devaient être loin.La setlist était au chaud dans ma poche. Je fis la bise à Jean-Marc et on se promit de se revoir le week-end suivant pour le concert des Sarbacanes, le tribute cannois à Francis Cabrel. Je partis en chantonnant, les yeux mi-clos...
« Est-ce que ce monde est sérieux ?
Est-ce que ce monde est sérieux ? »
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : Le Monster's Art (ou Tant Qu'Il Y Aura Des Lapins)
Le 28/11/2021
« Tu veux des filles ? Si tu veux des filles, mets des lapins. »
Je savais que Bad Tripes et Loki Lonestar venaient en concert au Monster'S Art - WMC le vendredi 22/02/2019, je voulais réserver ma place.« – Bad Tripes et Loki sur un même plateau, c’est une sacrée affiche, dis-je à Philippe, le patron. Je les ai vus au Poste à Galène, à Marseille en septembre 2018. C’était une soirée de fous ! C’est d’incroyables performeurs ! »
Il approuve. Je reprends :
« – Ça me plairait bien de faire une publication sur le site de ton club, Ils Sont Passés Par le Monster’s Art, pour les annoncer... »
Dans sa chaise, Philippe se renfrogne. Il me regarde, méfiant. Ses doigts se crispent sur la table en bois.
« – Gratuitement ! » j’ajoute.
Il se détend.
« – Tu vois ça comment ? » demande-t-il.
Philippe m’interrompt :
« – C’est trop long, fils. »
Je suis un peu surpris.
Il reprend :
« – C’est trop long, ton truc, Cornélius. Moi j’aime bien ce que tu fais, ça te donne un style... Mais les jeunes, ils perdent pas de temps à les lire, tes papiers. Si tu veux les jeunes au concert de Bad Tripes et de Loki Lonestar, ce qu’il faut, crois-moi, c’est des vidéos !
- Bon, réponds-je. Je mettrai des vidéos... »
« – Qu’est-ce qu’il y a ? fais-je.
– Dans ta publication, il faudrait des vidéos des deux groupes...
– Oui, bien sûr : je mettrai des vidéos des deux groupes...
– C’est pour les jeunes...
– Oui bien sûr, pour les jeunes... »
« – Après les vidéos, je poursuivrai ma présentation : A ma droite, Loki Lonestar, chanteur, performeur multi-facettes, ex-Tricksterland, membre de HeYs, Microp... »
Philippe m’arrête à nouveau :
« – Tu as prévu des lapins ?
– Des lapins ?
– Oui, des lapins.
– Des lapins au concert ? »
Il m’explique, Philippe :
« – Assure le coup, fais simple : Tu as vu comme elles likent sur Facebook dès que tu postes une photo de lapin ? Tu veux des filles ? Mets des lapins !
– Je mets des dauphins aussi ? Pour les enfants ! »
Philippe se fige :
« – Touche jamais aux cétacés malheureux ! Si tu mets des dauphins, tu as les enfants, mais tu perds tous ceux qui sont contre la captivité des cétacés... Marineland n'est qu'à quarante bornes du Monster's, c'est hypersensible !
- Punaise ! J’avais pas pensé ! Merci Phil... »
Philippe se lève, il va chercher deux bières dans le frigo. Il se rassoit. Je poursuis tandis qu'il décapsule :
« – Après je pensais évoquer la complicité qui unit Loki et Bad Tripes. Ils se connaissent très bien et s’apprécient. Ils pourraient nous réserver des surprises...
– Ah ! C’est bien, ça, les surprises, commente Philippe. Ca nous amènera les curieux ! »
J’approuve. Je commence à lui rappeler le final auquel on avait eu droit, en septembre, à Marseille. Il m’arrête :
« – Tu veux des mecs ?
– Bien sûr !
– Mets une femme à poil... De toutes façons sans les dauphins on n’aura pas les enfants, tu peux te lâcher ! Si tu veux ramener des mecs au concert, tu mets une femme à poil dans ta publication en pleine page. C'est du béton !
- Bon, va pour ça aussi... »
« – Cornélius, mon ami, ne t’excites pas. Une publication pour qu’elle touche un max de monde, il lui faut des Like, des commentaires et des partages. Sinon t'as beau t’appeler Baudelaire, tu n'auras pas un lecteur...
– Mince... Et comment on fait pour les avoir, les Like, les commentaires, les partages qui vont toucher le maximum de monde ?
– Tu mets un chaton !
– Un chaton ? »
« – Tu regarderas Facebook, Cornelius. La moindre publication où tu mets un chaton, elle dépasse les trente Like et les sept commentaires. Deux chatons ? Cinquante Like/neuf commentaires ! C’est statistique ! C’est une astuce de communicants ; ils se la refilent dans les séminaires ! Je vais même te dire : si tu trouves une vidéo avec un chaton qui dort en remuant les pattes et en ouvrant la bouche, tu atteins les soixante/quatre-vingt Like à l’heure et ça tourne pendant trente jours ! »
On se lève, avec Philippe, et puis on se donne une grande accolade : on est fin prêts pour le concert Loki Lonestar + Bad Tripes au Monster's Art le 22/02/2019 à Fréjus : on a les vidéos pour les jeunes, les lapins pour les filles, les surprises pour les curieux, la femme à poils pour les garçons, et les chatons pour les Like. Le concert va être blindé, mais vous inquiétez pas, on vous trouvera une place !
On part pour une belle fête !
- LOKI LONESTAR (Electro Rock Voodoo/Paris-Berlin-Planète Mars) : Âme damnée et magique de Micropoint, feu follet folledingue des Screwdrivers, truculent derviche tourneur des HeYs et fabuleux chamane from Paname, Loki Lonestar s'offre une petite escapade en solo pour ensorceler les foules avec son rock tribal des confins de l'espace. Au menu : poésie punk, danse démoniaque et mélodies imparables.
Sa page :
https://www.facebook.com/lokilonestar
Son site :
www.lokilonestar.com - BAD TRIPES (Shock rock/Marseille) Depuis 2009, Bad Tripes distille son rock vénéneux, sinistre et joyeux à grands coups de guitares, de hurlements rigolards et d'instruments vieillots et vicelards. En 2017, Bad Tripes revient avec un troisième album intitulé « Les Contes de la Tripe », composé de douze petites fables tragicomiques et salaces, gore, badass et cradasses.
Leur site :
http://www.badtripes.fr
Leur Bandcamp :
https://badtripes.bandcamp.com
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : 111 - Le Chiffre du Malin
Le 20/11/2021
« C'est curieux, quand même, cette histoire ! Pourquoi elle me menace, la fille ? »
Publication originale mise en ligne en 2018.
Ce week-end, en surfant sur Facebook, je remarque une annonce pour un groupe nommé 111.
666 The Number of the Beast, d'accord, mais c'est quoi, ça, Un-Un-Un ? Le chiffre du Malin ?
Je vais dans la cuisine, je récupère mes lunettes en téflon qui protègent des radiations, puis j'ouvre Facebook à la page 111.
Là je tombe sur une photo. Il y a une fille brune. Elle me regarde de haut. Elle tient une pancarte à la main sur laquelle je lis « 111 viendra ce lundi cinq février dès vingt heures dans Le Rock à Kiki, l'émission (écoute, sinon je te pète ta gueule ! Oui !) ».
C'est curieux, quand même, cette histoire ! Pourquoi elle me menace, la fille ? Je la connais même pas ! En plus le cinq, je peux pas, c'est le jour des soins à domicile.
Je ferais mieux de prévenir la police... Je décroche mon téléphone.
Une patrouille arrive quinze minutes plus tard. Je fais entrer les trois policiers, je leur montre la photo.
« — Ah j'aurais parié ! C'est encore Emma Cordenod ! fait l'un d'entre eux en lissant sa moustache.
— Vous la connaissez ? je demande.
— Si on la connaît ? Elle est chanteuse, contrebassiste et bassiste ! Et aussi l'auteure d'In Uterock, une monographie sur le rock au féminin qu'elle a écrit avec Aurélien Maillet.
— Elle fait partie de 111, un power trio rock lyonnais créé en 2016, poursuit une policière. Elle est subversive ! Ca fait un moment qu'on la piste ! »
Ils hochent la tête. Je reprends :
« — Mais pourquoi elle me menace ?
— Mais parce que vous n'avez pas encore écouté Extended Play, leur album, mon pauvre monsieur ! me fait le troisième policier. Depuis ce matin, on en est à la douzième intervention pour le même motif !
- Mais je dois faire quoi ? »
Ils me regardent d'un air compatissant.
« — Faut l'écouter au moins une fois. »
Emma Cordenod par Eric "RX" Thibault
Puis voilà que le policier moustachu me demande s'il peut disposer de mon ordinateur. Il va sur Soundcloud où le groupe a mis son EP cinq titres à disposition (bien sûr, vous pouvez aussi l'acheter sur les sites marchands qu'il me dit), et l'écoute commence. Un bon rock, avec une grosse personnalité, à la fois épuré et puissant. Une basse ou une contrebasse, une guitare, une batterie, une voix et des tripes. Mince, c'est bon, ça, je dis. Et je vois les policiers qui commencent à s'agiter progressivement sur Weaponless. Quand arrive Sweet Murderer, le troisième titre, le moustachu perd toute contenance, il jette sa casquette en l'air et se met carrément à gueuler "Your tongue is rough". Sur Mother, c'est encore pire, les trois reprennent en choeur "Hey ! Motheeeer". Et ils se mettent a faire des grands mouvements de balancier avec leur buste tout en hurlant.
C'est là qu'on sonne...
J'ouvre la porte, j'ai un nouvel équipage de police devant moi. Des CRS, je crois.
« — On vient pour le tapage, disent-ils.
— C'est vos collègues, je réponds.
— On sait. On a des plaintes depuis ce matin, un peu partout au fil de leurs interventions... »
Pendant ce temps, les trois premiers policiers, de plus en plus excités, dansent sur « Closer » , le dernier titre. Le troisième se roule même sur mon tapis en proférant des jurons en Anglais.
Les CRS regardent.
« — Vous ne les interpellez pas ? je demande.
— On va attendre la fin du EP, me répond l'un des nouveaux arrivants. Là c'est trop dangereux. Tout à l'heure il y en a un qui a tenté de me mordre.
— Et puis ce serait dommage de couper la musique ! » complète un autre, la mine réjouie.
L'EP se termine. Les trois CRS empoignent leurs collègues. « — Pas de résistance, on va s'expliquer au poste », disent-ils. « — Je suis de la maison » crie le moustachu. « — Les amendes je les fais sauter » hurle la policière.
« — Vous devriez quand même écouter 111 », me conseille en sortant l'un des fonctionnaires. « — Moi j'écoute que du Metal », je lui crie dans l'escalier. « — Il y a une telle force dans 111 que ça peut vous plaire quand même ! » me gueule-t-il. Puis tout le monde sort du bâtiment en reprenant « Mother » en canon.
Je retourne devant l'ordinateur. Emma Cordenod me regarde toujours, avec sa pancarte. Elle a pas l'air de déconner, Emma...
Vaudrait peut-être mieux que je le commande, cet EP...
111 - line-up 2021 par Corinne Esposito.
Les Liens :
« Welldone » est le nouveau single de 111.
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : K-LIZEUM, "Libère Le Bizarre" (2018)
Le 12/11/2021
« Il m’ouvre la porte dans un de ses fameux peignoirs Mötley Crüe The Dirt. « Je les commande en Allemagne », m’explique t-il. »
K-LIZEÜM par Maëva Brifflot
(écrit initialement en octobre 2019 pour French Metal, Punk et Rock Promotion)
Voila longtemps qu'il voulait qu'on fasse un truc ensemble, Louis.
« — J'aime bien ton style », il répétait. Moi ça me flattait plutôt...
Il poursuivait :
« — T'écrirais pas un petit papier pour French metal, punk et rock promotion ? Un par mois ? Une chronique d'album, par exemple... »
Un par mois, pas plus ! C'est comme ça que je débarque chez Louis début octobre 2019, mon Rhodia à la main. Il m’ouvre la porte dans un de ses fameux peignoirs Mötley Crüe The Dirt. « Je les commande en Allemagne », m’explique t-il. On s’ installe sur son canapé, des bières et de quoi grignoter égaient la petite table du salon.
Pour inaugurer la rubrique, Louis m’avait proposé « Libère Le Bizarre », l’album des Belges de K-Lizeüm . Jean-Marc Ernes et ses potes avaient démarré fort avec ce mélange remarquable de Nu-Métal et de chanson française. La voix d'Ernes, concurrent de The Voice Belgique, est un atout majeur qui permet au quintette de se démarquer. Aussi fort en chant clair qu’en chant hurlé, à la manière d'un Ivan Pavlakovic, brailleur en chef de Disconnected et de Heavy Duty, Ernes peut tout se permettre. Il met du velouté sur « L’Aube d’Avril »...
Tandis qu'il passe en mode déjanté pour « En Retard »...
Mais pour l’heure, Louis trépigne sur le canapé. Il me presse :
« — Lis ton papier, mec ! »
J'ouvre mon bloc tandis qu’il envoie, tout joyeux, les doigts dans un bol d’olives. Je commence :
« — Sorti en 2018, Libère Le Bizarre est l... »
Louis m’arrête aussitôt. « Sorti en 2018 », ça le chiffonne. Ca ne fait pas pro : on donne l'impression d’avoir raté l'opus à sa parution. « Laisse les gens dans le flou quant à la date de sortie. De toutes façons le son est très actuel » m'explique-t-il.
J'opine du chef, je biffe la date, je poursuis ma lecture :
« — Libère Le Bizarre est le premier album du groupe de Metal wallifornien K-Lizeum. »
Louis se frotte l’œil.
« — Et Premier Combat ? » demande-t-il.
K-LIZEUM, Premier Combat (EP - 2016)
Je conteste :
« — Premier combat ? C’est un EP ! Par album on entend plutôt...
— Je sais ce qu’on entend par album, mec ! Mais... (Louis se penche un peu vers moi) Parler de “premier album”, c’est pas anodin ! C’est comme dire à l'artiste que son EP, c'est un sous-genre ! Au grenier les EP ! C'est ça l'impression que tu veux donner ? Allez, mec, relis, mais sans "premier". »
Je m'exécute :
« — Libère le Bizarre est l'album du groupe de Metal wallifornien K-Lizeum.
— Tu vois, c'est mieux ! tranche Louis. Par contre, "groupe de Metal wallifornien" ça ne va pas... Mon groupe Facebook, je l’ai appelé French Metal, Punk et Rock Promotion ! F-R-E-N-C-H, mec ! Et toi tu déboules avec un groupe Wallon !
— Mais ils sont Belges, chez K-Lizeum ! Et c'est toi qui m'a proposé cet album !
— Je sais qu'ils sont Belges, mais alors on n'est plus dans le concept du zine ! Tu piges ? La musique, c'est universel ! Mais ton histoire de "métal walifornien", pardon, c'est mal venu ! »
Je poursuis :
« — En douze pistes, leur Nu-Métal mâtiné de chanson française donne à K-Lizeum une identité forte. »
Louis hésite :
« — Le zine, c’est pas "Nu-Metal et Chanson Française Promotion "... Et puis “Identité", c'est très marqué à droite, politiquement ! Sans compter qu'avec les rivalités Flamands/Wallons, on court droit au malentendu. Tu vas nous priver d’un lectorat en Belgique... Désolé mais je peux pas me permettre... »
Je raye "identité forte".
« — Qu'est-ce qu'il te reste ? demande Louis.
— Je pensais détailler l’album piste après piste... »
Il souffle :
« — Le "track by track", on voit ça partout...
— Mais c'est une chronique. Il faut bien qu’on parle des morceaux !
— On cherche un concept nouveau, mec. Parler de l’album et de la musique, oui. Mais parler des morceaux, c’est un process usé jusqu’à la corde ! »
Il demande mon bloc, mon stylo, et il raye de larges lignes de mon texte.
En fin de page, son front trahit une préoccupation :
« — Pourquoi tu as écrit “Poursuivant sa révolution” ?
— Fais voir... Ah ! C’est ma conclusion : Poursuivant sa révolution joyeuse, K-Lizeum démontre en un album son talent et tout son potentiel. A suivre ! »
Louis secoue la tête, désapprobateur.
« — Tu as conscience que "Révolution" par les temps qui courent, c’est juste bon pour que mon zine se retrouve avec les RG sur le dos et qu'on me sucre les subventions ? Tu veux que les flics débarquent chez moi au petit matin pour une perquisition ?
— Mais là c'est "Révolution joyeuse" !
- Joyeuses elles le sont toutes ! Au début ! Mais on sait bien comment ça finit ! »
Il me gueule dessus maintenant, Louis. Il en appelle aux anarchistes, à la bande à Bonnot, à Mao, à Louise Michel et à Vladimir Poutine. Moi j’avais pas vraiment pensé à tout ça, alors je fais profil bas. Communard, qu'il me fait ! Dans l’oeuf ta révolution ! Il reprend, un peu calmé, essoufflé quand même :
« — Quand tu écris "K-Lizeum démontre tout son talent", tu ne trouves pas que c'est un peu réducteur ? Tu sous-entends qu’il aurait donné son talent tout entier, que le potentiel est épuisé ? »
Je baisse la tête sous le poids de la culpabilité. Louis noircit ma feuille.
« — Relis », fait-il d’un air satisfait en me tendant le Rhodia.
Il n'y a plus grand chose.
« — Libère Le Bizarre est l'album de K-Lizeum. A suivre ! »
Louis ferme les yeux. Il me demande de répéter, pour bien peser chaque mot, encore et encore. Je le sens heureux comme un gros chat, j'entends presque son ronron léger.
« — T’en penses quoi ? » demande-t-il enfin.
C'est concis, que puis-je dire d'autre ? Louis hoche la tête. Il s’anime gaiement :
« — On le tient, mec, le concept ! Une chro par mois comme ça, tu me fais ! C'est court, c'est clair, c'est précis ! Je la vois d'ici, ta chronique :
Chronique d'album : K-LIZEUM, "Libère Le Bizarre" (2018)
Libère Le Bizarre
est l'album de K-Lizeum.
A suivre !
« — Sûr, Louis ? On ne met rien d'autre ?
— Tu pensais à quoi ?
— Peut-être un mot sur leur concert du 9/11/2019 au Kultura de Liège ?
— C’est en Belgique, Liège, non ? Et nous c’est French Metal, tu te rappelles ? F-R-E-N-C-H ! »
Il referme les yeux et me souffle voluptueusement :
« — Le concept, mec ! Le concept... »
Liens utiles :
- Ecouter l’album :
https://k-lizem.bandcamp.com/album/lib-re-le-bizarre - Suivre K-Lizeüm :
http://www.klizeum.be - Liker leur page :
https://www.facebook.com/klizeum/
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : MOBIUS, « Kala » (2020)
Le 30/10/2021
Où Ahasverus estime qu'il est de son devoir de jouer les lanceurs d'alerte.
On a pour principe d'éviter les sujets polémiques chez Ahasverus-Métaux En Tous Genres. Mais trop, c'est trop. Depuis 1986, date à laquelle un nuage radioactif sans visa est resté prétendument bloqué en douane, on sait qu'on nous ment, ou à minima qu'on ne nous dit pas tout. « Il n'y aura bientôt plus de vérité dans la ville », prédisait Céline et il est de notre devoir d'ouvrir les yeux, de penser par nous-mêmes et d'alerter. Alors au diable le consensuel et tant pis pour les fâchés, ils n'auront qu'à se désabonner de la page. Je présente par avance mes excuses à mes camarades de webzine et aux lecteurs restés fidèles si Facebook (LE GRAND COMPLICE !) décidait de nous bloquer suite à cet article, car moi, Ahasverus
J'ai décidé de dire ma vérité :
LES EXTRA-TERRESTRES SONT PARMI NOUS !
Certains se cachent à Lyon EN PLEINE VILLE au sein d'une formation de musique métal progressif qui s'appelle Mobius.
Je dis extra-terrestres, mais je ne sais pas d'où ils viennent. Ils sont peut-être intra-terrestres, échappés des profondeurs de la terre. Ou intramarins, à l'origine du mythe de l'Atlantide. Ou intrasociaux, parce que rien dans leur apparence humanoïde, rien dans leurs bonnes mines, rien dans leurs manières ne les distingue de vous, de moi. Comme nous ils mangent, comme nous ils rient, comme nous, ils conduisent des voitures, font du sport, boivent des bières, collectionnent des couvercles de boîtes à camembert, ont des amis, élèvent des rats domestiques en trouvant ça joli, comme nous ils assistent aux réunions de parents d'élèves... MAIS DES QU'ILS S'AGIT DE MUSIQUE, ILS SE TRAHISSENT !
Car ils ont des instruments, Mobius, oh oui. Des guitares, des basses... Oh, c'est très bien imité, là encore on dirait une guitare parmi les guitares, une basse semblable aux autres basses, et pour le son, rien à dire, c'est parfait, très harmonieux, extrêmement professionnel, même. Mais quand on y regarde de plus près LEUR GUITARE ET LEUR BASSE N'ONT PAS DE TÊTE !
Et le batteur, vous l'avez observé le batteur quand il frappe sa batterie ? L'ARTICULATION DU POIGNET LUI PERMET DE FAIRE ALLER SA BAGUETTE A 360° ET IL TAPE SANS REGARDER OU SONT SES CYMBALES !
Et la chanteuse, elle chante, elle chante, ah c'est beau, c'est très joli comme elle chante, mais tout à coup ELLE EMET UN CHANT POLYPHONIQUE A ELLE TOUTE SEULE !
On prétend que le groupe serait né sur l'Île de la Réunion et serait venu à Lyon où, comme par hasard, il aurait consolidé son line-up. LE HASARD FAIT BIEN LES CHOSES DITES DONC !
Voyons la numérologie...
En 2013, Mobius sort une démo trois titres.
2+0-1+3+3 = 9... Un multiple de trois...
TROIS ! LE CHIFFRE DE LA TRINITE, DES TROIS PILIERS DE LA SAGESSE, DES TROIS PETITS COCHONS, du CATALOGUE DES TROIS SUISSES et DES TROIS MOUSQUETAIRES ! Et là encore on nous ment parce que j'ai recompté : les trois mousquetaires ILS ETAIENT QUATRE ! ALEXANDRE DUMAS S'EST TROMPE ? EXCUSEZ-MOI Y EN A UN QUI A BOUGE PENDANT LE DECOMPTE ? C'EST CA QU'ON VEUT NOUS FAIRE CROIRE ?
Passons à la discographie...
En 2016, Mobius sort l'album « The Line ». ON VOIT CLAIREMENT UN ALIEN SUR LA POCHETTE.
SUIS-JE LE SEUL A L'AVOIR REMARQUE ?
En plus IL CACHE SON VISAGE !
QU'A T-IL DONC A SE REPROCHER S'IL VIENT EN PAIX ?
En 2020 le groupe sort « Kala ».
« Kala ça veut dire temps » , nous explique-t-on.
Une simple vérification sur le Wiktionnaire suffit à constater que Kala veut aussi dire « Poisson».
A NOUVEAU LA PISTE DES INTRAMARINS !
Prenez maintenant « Mukti » :
Etudions les paroles :
SI CA C'EST DU PATOIS LYONNAIS ALORS MON FONDEMENT C'EST DU POULET ?
CA NE VOUS SEMBLE PAS ASSEZ EDIFIANT ?
Vous voulez D'AUTRES EXEMPLES ?
-
Dans le clip « Abhinivesha » LA PEAU DES MOBIUS N'A PAS LA MÊME COULEUR AU DEBUT QU'A LA FIN !
-
Mobius était au Rock'N Eat jeudi dernier. Je sais, j'y étais aussi (pour vérifier !).
Au premier rang sur la droite il y avait une jeune fille qui headbanguait. Elle tenait un plateau repas avec un verre plein, un hamburger et des frites. Elle n'a rien renversé.
PARCE QUE C'EST UNE DES LEURS !
-
Mobius a joué à Lyon, en pleine agglomération, la nuit, et c'était fort.
POURQUOI LA POLICE N'EST-ELLE JAMAIS INTERVENUE MALGRE MES APPELS ANONYMES ALORS QUE DES QUE JE PRENDS LE VOLANT APRES L'APERO JE SUIS CONTRÔLE POSITIF ?
Mobius... Le clavier est l'un des fondateurs du groupe. Durant le concert, il ne dit rien, il se met au fond. MAIS C'EST POUR SURVEILLER LES AUTRES !
Mobius, c'est des extra-terrestres. Je sais, je les ai vus jouer. J'ai entendu Héli Andrea à capella, ça m'a mis la puce à l'oreille.
Quand la voix d'Héli s'élève comme ça, ça te fait un truc bizarre dedans et ça t'attrape. Et tu comprends que c'était pas une légende, le joueur de flûte de Hamelin, et qu'ils étaient déjà parmi nous depuis longtemps les extra-terrestres, et que les extra-terrestres, c'est les artistes, et que Mobius est là pour la relève...
Il y a des choses qui doivent être dites.
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : RORY GALLAGHER, Stage Truck (1980)
Le 03/10/2021
C'était mieux avant, tout le monde vous le dira. Et avant avant, mieux encore. Et patin-couffin, jusqu'au bout du bout.
Au bout du bout, il y avait le jardin, le jardin d'Eden... Moi, le jardin-là, j'y ai jamais mis les pieds ! C'est ma soeur Denise, la grande, qui le connaît… Le Bon Dieu sait si j'en ai fréquenté, des jardins ! Depuis tout petit ! Mais pas celui-là.
La Denise, elle me traînait plutôt au Jardin Parisien , au Jardin d'Acclimatation, au Jardin des Plantes, et même au Jardin des Tuileries... On s'asseyait alors sur les chaises vertes pour qu'elle me raconte la Bible du Petit Jésus pendant qu'on regardait les bateaux télécommandés des gosses de riches ; ils emmenaient nos rêves clandestins, bien cachés dans les cales, de l'autre côté du bassin. Ca nous suffisait bien, ça, comme ambition...
Mon jardin je l'ai beaucoup cultivé dans les années 70/80. Pile au milieu sortait « Stage Truck », le dernier live produit par Rory Gallagher de son vivant.
RORY GALLAGHER, Stage Truck (1980)
« Stage Truck », c'était peut être là, le jardin d'Eden ? Regardez cette pochette, comme le public est heureux, comme il sourit, comme il tend les bras... La musique amène du bonheur.
Comme les Ramones, comme Joe Jackson, comme bien d’autres encore, Rory Gallagher fait partie des artistes que j'ai découverts grâce à Chorus. L’émission dominicale qu'Antoine De Caunes enregistrait live au Théâtre de l’Empire. On loue Tonton Zéguth, c'est plaisir à entendre. Mais n'oublions pas la part d'Antoine De Caunes et de Jacky pour la culture rock de toute une génération de ce pays...
La setlist de Stage Truck court de 1975 à 1979.
Elle comporte un titre de « Against The Grind », un de « Calling Card », deux de « Top Priority » et quatre de « Photo Finish ». « Bad Penny », qui est pour moi l’un de ses meilleurs morceaux, ne sera inséré que sur la réédition de 2000. Ce titre était au menu du concert de Chorus, mais c'est surtout avec « The Last Of The Independant » que l'Irlandais retenait mon attention ce jour-là.
En 1980, tous les dimanches midi après l'émission « Le Jour du Seigneur », Antenne 2 diffusait Chorus, animé par Antoine De Caunes et Jacky Jakubowicz avant qu'il ne rejoigne Dorothée. Trust, The Clash, The Ramones, The Stray Cats, The Police et bien d'autres s'y sont succédés.
Un double Best-Of de qualité est sorti en 2020, si vous voulez faire connaissance.
The Best-Of Rory Gallagher, compilation 30 titres - 2020
Rory Gallagher - le mec que Jimi Hendrix aurait eu la politesse de désigner comme le plus grand guitariste du monde - il est mort en 1995. Il avait seulement quarante-sept ans. Il repose au cimetière St Oliver, à Carrigrohane, en Irlande. Moi j'y ai jamais mis les pieds, au cimetière St Oliver, à Carrigrohane… Pourtant j'en ai fréquenté des cimetières ! Montmartre, Saint-Pierre... C'est Clarisse qui m'a initié tandis qu'on arpentait les berges de la rivière d'Auray.
« — On voit de belles choses dans les cimetières. C'est sans doute pour ça qu'on les appelle aussi jardins du souvenir. »
Clarisse elle savait les choses.
Sur ma lancée, en 2016, au Père Lachaise, je suis tombé par hasard sur la tombe de Michel Delpech... Il venait reposer sous un amoncellement de fleurs blanches... C'était frais, l'enterrement, comme encore entr'ouvert. Il restait même quelques personnes, trois, quatre, toutes recueillies...
Je le connaissais bien, Michel, mais c'était la première fois qu'on se rencontrait. Il était beau sous toutes ses fleurs blanches, j'ai pensé à sa chanson :
« Un ange, un ange /
Dis maman, tu t'en souviens /
Un ange /
Un ange, un ange /
Quand j'étais ton petit gamin /
Un ange »
Puis j'ai pensé par moi-même. Alors j'ai demandé à ces gens qui se recueillaient :
« — Alors voila ? On commence dans les jardins d’enfants et on finit dans les jardins du souvenir ?
— C'est la vie, m'a répondu le monsieur au chapeau. Elle vous mène au bout du bout et puis elle s'en va... En chantant ! »
En chantant... C'est pas si mal alors...
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : NAZARETH, "Greatest Hits" (1975)
Le 19/09/2021
« C'était mon rêve, c'était Sonia »... Moi je l'ai bien connue Sonia. Sonia Dupeyroux.
« C'était l'amour qui venait du froid », poursuit-il.
C'est vrai qu'elle habitait en plein courant d'air, à Verrières-Le-Buisson, juste à l'orée du bois. La Louise, elle n'aimait pas trop qu'on y traîne, au bois de Verrière, parce qu'il était encore hanté par le souvenir Lucien Léger, l'étrangleur. Alors elle préférait qu'on aille ramasser des chataîgnes du côté du Tapis Vert. On les faisait bouillir en rentrant. Ca nous faisait le repas.
Elle n'était pas très futée, Sonia. La preuve : on s'est suivis toute la scolarité ! Par contre, elle a toujours été la plus grande de la classe. Je me demande bien à quelle hauteur elle est rendue, maintenant...
Sonia avait une soeur, Muriel. Elle la cachait, je l'ai découvert au LEP. On était tous dans la même classe d'agents administratifs. C'était sympa le LEP, comme une petite famille. On faisait des cours de dactylographie en recouvrant les touches du clavier par des caches de couleur. Ca faisait joli. Je vous en reparlerai sûrement...
Muriel, c'était l'exacte opposée de Sonia : elle était brune, petite, d'esprit vif, charismatique (elle fumait du shit) et très sportive. Des années d'athlétisme lui avaient donné un physique en angles saillants... Rien qui fasse rêver Patrick Juvet pourtant. Pour le moins, il n'en parle pas explicitement !
A l'époque, mon pote Serge avait acheté le « No Mean City » de Nazareth.
Malgré son artwork de Frank Frazetta, le grand dessinateur américain de SF, et quelques bons titres comme « Star » et « Whatever You Want », c'était loin d'être le meilleur album des Ecossais. Mais j'avais accroché à la voix rocailleuse de Dan Mc Cafferty, et j'avais fait l'acquisition dans un magasin d'occasion de Montparnasse d'un Greatest Hits qui nous avait permis de mieux faire connaissance.
« Greatest Hits », dans sa version 1975, contenait la plus part des standards du groupe : « Razamanaz », « Shanghai'd in Shanghai », « This Flight Tonight », « Broken Down Angel » et « Hair Of The Dog », que les Guns'N'Roses reprendraient sur leur « Spaghetti Incident ».
Le seul méga-hit manquant, « Dream On », serait ajouté sur une réédition de 1989.
Ecoutez enfin « Heart Grown Cold » et vous aurez fait le tour du panorama.
Je ne sais plus comment mon « Greatest Hits » de Nazareth s'est retrouvé en possession de Muriel Dupeyroux, mais je me souviens qu'elle m'avait proposé de venir le récupérer chez elle. La bonne aubaine ! Elle devait avoir deux ans de plus que moi, Muriel Dupeyroux, et elle avait du chien. Et puis après tout, si elle avait redoublé deux fois, vive comme elle était, c'était peut-être bien pour m'attendre.
Comme le temps passant j'intéressais de moins en moins les pédophiles - et ceci ne cesserait de se dégrader par la suite, non que je le déplore mais il faut bien dire les choses - la Louise m'autorisa exceptionnellement à me rendre à Verrières un dimanche après-midi.
J'ai pris le bus pour Chatenay-Malabry. Ce n'était pas un coin où on aimait aller, nous, les gars de la Plaine, à cause des teigneux de la Butte-Rouge. Je descendais un peu avant leur quartier, à l'arrêt qu'on m'avait indiqué.
Sonia m'attendait. Sa soeur était absente, expliquait-elle, et elle m'invitait à venir récupérer mon disque, sa maison étant à deux pas. Deux pas... pour sa taille ! Moi j'en ai compté beaucoup plus !
On a marché assez longtemps en échangeant des banalités. Si je n'ai plus en mémoire l'entrée de la maison, je me souviens parfaitement de sa chambre. Sonia tenait l'album, considérant la tracklist. « J'aime beaucoup celle-ci », minaudait-t-elle en posant mon vinyle sur sa platine alors que je lui vantais les mérites de ce disque. Un craquement, quelques notes au clavier, puis la voix rocailleuse de Dan Mc Cafferty a envahi la pièce.
« Love hurts, love scars
Love wounds and marks
Any heart »
Sonia s'assit sur son lit et me regarda avec ses beaux yeux de vache. Je revois encore son pantalon marron de velours à grosses cotes, et son buste drapé d'une chemise blanche, légèrement renversé en arrière, les mains en appui sur le lit qui s'offrait.
De tous les standards de Nazareth présents sur cet album, Sonia avait retenu cette reprise kitch des Everly Brothers, le titre le plus gênant du best of. On l'écoutait dans un silence qui comptait triple au Scrabble. Quand la chanson fut terminée, j'invoquai une réunion de famille pour ne pas m'attarder, une histoire de beau-frère de passage dans la région, il faut toujours un fond de vérité pour bien mentir.
Sonia ne m'a pas raccompagné. J'ai rejoint Chatenay-Malabry à tâtons pour ne pas me perdre, puis j'ai sauté dans le premier bus. Là, j'ai réalisé que j'avais oublié de récupérer mon « Greatest Hits », et que je n'avais aucune envie de retourner. Les soeurs Dupeyroux ne me l'ont jamais rendu. Je crois même qu'on n'en a plus jamais parlé. C'était en somme leur prise de guerre après ma capitulation.
Je me souviens de Sonia, perchée sur son mètre soixante-quinze, ses cheveux blonds coupés à la garçonne qui se terminaient en accroche-coeur sur ses joues, ses longs cils, ses tâches de rousseur et sa fraîcheur champêtre...
« Un jour peut-être dans une gare /
Et sur ma route, comme au hasard /
Elle reviendra là-bas du froid /
Elle reviendra... »
Et bien tant qu'elle revient, dites-lui qu'elle en profite pour ramener mon disque !
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : BLACK SABBATH, Paranoid (1970)
Le 29/08/2021
« Mon grand frère, Piépierre, je vous ai parlé de lui ? Ses potes c'étaient Jojo, Bernard, Gérard, Beubeu et les deux Daniel. »Black Sabbath, c'est le premier groupe de hard qui m'a interpellé.
Je portais encore des culottes courtes. On logeait au 2001, au cinquième étage du EN1, dans les bâtiments blancs de la cité de la Plaine, juste en face de la place du marché. On l'appelait la Cité Million, parce qu'un million avait suffi à la construire. On était entourés par les bâtiments rouges, ceux des riches. Enfin, des plus riches...
Ca n'existe plus, la place du marché ; les bâtiments blancs non plus. Ils ont tout rasé ! Mais il y a toujours des riches...
Mon grand frère, Piépierre, je vous ai parlé de lui ?
Ses potes c'étaient Jojo, Bernard, Gérard, Beubeu et les deux Daniel.
A part un des Daniel qui tournait hippie, les autres étaient ce qu'on aurait appelé, dix ans auparavant, des blousons noirs... Des jeunes turbulents, quoi... Je vais pas me plaindre, parce qu'ils étaient plutôt sympas avec moi. Et puis ça m'a pas mal servi, dans la cité, leur réputation. « Laisse, c'est le frère à Piépierre », on disait...
Piépierre et ses potes, ils passaient souvent l'après-midi à la maison.
Ça jouait au tarot en avalant des litres de café - en fait une espèce de lavasse très anxiogène. Ça fumait, des Gitanes, des Goldo... Les blondes c'était pour les meufs.
Meuf., c'est un mot verlan. C'est né dans ces périodes là, le verlan. Et mon frère, il l'a utilisé avant Renaud, et c'est ce dernier qui le lui a piqué pour en faire le titre de son deuxième album et même d'un morceau populaire en 1978. L'Apache !
Mais on n'en était pas là. On n'en était qu'au début des années 70...
Piépierre et ses potes ils aimaient la musique. Il avait bon goût, mon grand frère. J'écoute encore la plupart des trucs qu'il avait dans sa discothèque ! « In-A-Gadda-Da-Vida », par exemple, avec sa pièce maîtresse longue de dix-sept minutes. On doit son titre à l'état d'ébriété du chanteur, incapable de prononcer clairement « In The Garden of Eden ».
La discothèque se poursuivait avec Deep Purple « In Rock », dont la face A s'achevait sur le fabuleux « Child In Time ». La voix du jeune Gillan « s’envolait à nouveau de la parole au chant, puis du chant au cri pur, et malheureusement peu après le morceau se terminait et il n’y avait plus qu’à replacer l’aiguille au début et nous aurions pu vivre éternellement ainsi, éternellement je ne sais pas c’était sans doute une illusion mais une illusion belle. »
« ... C’était sans doute une illusion mais une illusion belle. » C'est Houellebecq qui écrit ça dans « Sérotonine »,. Il sait de quoi il parle, la Miche : il est pile-poil de la génération Piépierre. Peut-être même qu'ils se sont bastonnés...
Avec « Smoke On The Water »Deep Purple a écrit LE riff du hard qui tue, ça je vous l'accorde. Mais « Child In Time », c'est une pure folie progressive. Et une sacrée gageure pour un chanteur que d'aller décrocher des notes là-haut !
Dans la discothèque à Piépierre, on trouvait aussi Timmy Thomas. On l'a oublié, mais il a fait un bon succès en 1973, avec l'obsédant « Why Can't We Live Together ». La musique était donnée à petites touches par un orgue Lowrey, juste accompagné d'une boîte à rythmes. La jolie Sade Adu s'approprierait la chanson et la placerait sur son album « Diamond Life » en 1984. « Why Can't We Live Together » ferait à nouveau le tour du monde aux côtés de « Smooth Operator ». Sade Adu... On a connu pire compagnie...
Piépierre avait également « Proud Mary », la version sur laquelle la voix de basse du tempêtueux Ike Turner répondait à celle, rocailleuse, de Tina. On n'a pas fait mieux depuis, et on fera plus jamais mieux, puisque Tina a pris la poudre d'escampette pour éviter les torgnoles de Ike.
Côté français, je me souviens surtout du « Je M'Eclate Au Sénégal », sur l'Acte II des Martin Circus. J'aime toujours ce titre. L'album est introuvable aujourd'hui et je n'ai jamais pu l'écouter en intégralité. Gérard Blanc s'est refait une santé pendant la New-Wave, mais ça c'est une autre histoire, comme le dit sa chanson...
Dans la pile des disques à Piépierre, j'avais une curiosité particulière pour « Paranoid », et notamment pour ce titre introduit par des coups répétés, des guitares tournoyantes, et une voix robotique qui déclamait « I Am Iron Man !». Dio en ferait une superbe version live.
J'ai lu la présentation de l'album sur Wkikipedia. Il paraît qu'il a été enregistré en deux jours. Deux jours, bordel ! Vous imaginez ? Quarante-huit heures max pour mettre en boîte un trente-trois tours dont on cherche encore à retrouver la magie et le son.
Chaque ligne instrumentale est indépendante, mais la symbiose est si complète entre les trois musiciens qu'elle touche à l'essentiel, au divin, peut-être.
Aucun titre ne ressemble au précédent. Le son est aéré, la pureté vous saisit. C'est l'album parfait : du transgressif « War Pigs » au swing de « Fairies Wear Boots », il y a tout ce qu'il faut, et juste ce qu'il faut. Différent, complémentaire. Tout est précis, tout est en place. En deux jours. C'est mon meilleur album du monde.
Deux jours pour Paranoid. Le premier Sabbath en a nécessité trois.
Cinq jours en tout pour deux chefs-d'oeuvres.
Les deux premiers Sabbath ont éclairé le chemin d'une partie de l'histoire de la musique rock, pour des décennies et pour des générations.
Les deux premiers Sabbath, j''ai longtemps cru que c'était un même double album. Parce que Piépierre les avait dans la même pochette. Une pochette double, bizarrement fendue...
Piépierre, je le soupçonne d'avoir carotté le vendeur en glissant le premier LP en loucedé dans la pochette du « Paranoid ».
Je suis pas une balance, et si vous répétez, je saurais que c'est toi. Alors si tu veux pas faire connaissance avec Jojo, Bernard, Gérard, Beubeu et les deux Daniel, t'as intérêt à tenir ta gueule...
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : HARMONIUM, Harmonium (1974)
Le 22/08/2021
« Le Baba-Cool parlait très doucement, d'une voix atone. Il ponctuait chaque phrase par tu vois ? »
Un jour de printemps, dans le 190B qui me ramenait chez ma mère, j'ai vu la queue de la comète. Il s'appelait Daniel. Il portait un tee shirt sans manches et une paire de petites lunettes rondes. C'était le plus perché des potes à Mimile, mon frère, et ça faisait des années qu'il était sorti des radars. Je savais qu'il était parti à Katmandou lors de la grande migration des Babas Cool. Il avait dû rentrer par la dernière navette, parce qu'on arrivait bientôt à 1990. Pour moi qui avais décroché un job, pour ne pas dire une carrière, voir Daniel scotché comme ça à la décennie précédente, c'était un peu comme aller au zoo pour regarder des espèces menacées. Ça nous ramenait quelques années en arrière, à la fin des 70's , quand le monde était encore presque entièrement recouvert de Babas Cool.
Le Baba Cool ça leur dit plus grand chose, aux jeunes. Le nom fait même un peu couillon, maintenant. Il fleurissait pourtant sur le globe des années 70 aux années 80. Aujourd'hui, le Baba Cool est àl'amateur de musique progressive ddu XXIème siècle un peu ce que Néandartal était à Sapiens. Il a mystérieusement disparu, sans qu'on sache bien où il est parti ni comment ils s'est éteint. De même que Neandartal a laissé chez Sapiens quelques traces, quelques éléments de musique baba cool ont toujours droit de cité chez les progueux. On rencontre aussit un peu de son look chez les Rastas, c'est pas joli-joli, tout ça a du copuler. Mais pour le reste, un seau d'eau froide et du balai....
Le Baba Cool - ou Baba - parlait très doucement, d'une voix atone. Il ponctuait chaque phrase par « tu vois ? ». Le point d'interrogation, dans « tu vois ? », n'était pas très appuyé. C'était une question fermée qui appelait par convention une réponse affirmative.
Quelques exemples pour amener votre compréhension :
- « - Genesis, sans Peter Gabriel, c'est plus Genesis, tu vois ? »
- « Crosby, Still, Nash & Young, sans Young, c'est plus Crosby, Still, Nash & Young, tu vois ? »
- « Barclay James Harvest, s'ils étaient produits par Barclay, ça ferait Barclay-Barclay James Harvest, tu vois ? ».
BARCLAY JAMES HARVEST et l'album live « Berlin » (1978)
J'ai eu des bons amis Babas, Claude et Jackie (qui n'avait de lien avec aucun Michel).
Ils écoutaient Genesis avec Peter Gabriel, Neil Young tout seul et BJH au complet, tandis que mon cœur balançait déjà pour Scorpions, dont certaines compositions planantes parvenaient à trouver grâce auprès de leurs oreilles.
« Fly To The Rainbow » (1974), second album du groupe allemand Scorpions.
Quand ses parents n'étaient pas là, Claude nous invitait pour la soirée. Chacun amenait ses trente-trois tours, que nous écoutions en voyageant parmi les volutes enfumées.
Dans la discothèque de Claude se trouvait le disque d'un groupe de Montreal au chant français : « Harmonium ». Ce groupe est resté fameux dans l'univers du prog'.
Harmonium a fait ses premières armes en Anglais, et c'est leur manager qui a la bonne idée de suggérer au groupe d'écrire en Français. Ainsi naît cet album, refusé en 1973 par plusieurs majors en raison de la longueur de ses morceaux.
C'est finalement Quality Records, un label plutôt positionné dans le disco, qui signe et qui permet à Harmonium de trouver son public.
« Harmonium » l'album est mis en boîte en moins d'une semaine.
La légende raconte que le dernier jour les musiciens sortirent recruter une dizaine de passants parmi la foule du samedi sur la rue St-Catherine (la plus grande rue commerçante de Montreal) afin de tenir les chœurs sur « Un musicien parmi tant d'autres », la dernière piste :
« Où est allé tout ce monde /
Qui avait que'qu' chose à raconter (di li do da la da) /
On a mis quelqu'un au monde /
On devrait peut-être l'écouter. »
Les harmonies vocales d'Harmonium sont d'une douceur hypnotique. La pochette est une reproduction de l'Habit De Musicien, extrait des « Costumes grotesques » du graveur Nicolas de Larmessin (1632-1694). Elle sera régulièrement utilisée par le groupe.
« Harmonium » a fait l'objet de deux rééditions, l'une en 1992 - avec un titre bonus - l'autre en 2019. C'est cette seconde version, totalement révisée à partir des bandes originales, rebaptisée « Harmonium XLV », que vous choisirez.
Sorti à l'occasion du quarante-cinquième anniversaire de l'album « Harmonium », « Harmonium XLV» revisite le son à partir des bandes originales.
Aujourd'hui mon ami Claude vit au Québec. Il doit écouter Harmonium plus que jamais. Je n'ai plus de nouvelles de Jackie. Quand à Daniel, s'il a survécu, vous le reconnaîtrez facilement : il est encore accroché à la barre d'un bus dont il n'a jamais pu descendre.
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : RAMONES, Rocket To Russia (1977)
Le 15/08/2021
Que faisiez-vous le dimanche 24/02/1980 à 11 heures 15 ?C'est pas que j'ai une mémoire extraordinaire, mais je suis sûr de pouvoir vous dire ce que je faisais le dimanche 24/02/1980 à 11 heures 15 !
J'étais devant le poste de télévision ! C'était un poste en noir et blanc, un gros poste de l'époque, avec un écran bombé un fond d'une cinquantaine de centimètres pour recevoir ses composants, son tube catholique, et patin couffin...
J'ai un souvenir précis du programme. On était encore vieille France, pas sortis du giron de "Papa", et la messe de midi prenait fin.
A part ma mère, gaulliste convaincue, on s'en foutait un peu à la maison, du Général. Mon frère devait être barré chez ma future belle-soeur ou parti retrouver ses potes. Ma sœur m'emmerdait. Mon beauf allait débarquer pour l'après-midi avec un pâté en croute qu'il avait piqué à la Nivernaise. Bref, chacun vaquait à ses occupations dans son costume d'un dimanche ordinaire.
Moi c'était pas la messe du Petit Bon Dieu que j'attendais les dimanches, c'était celle du rock, de Chorus, avec Antoine Decaunes en curé et Jacky en bedeau. Jacky rejoindrait plus tard Dorothée pour faire rigoler toute la génération de pisseux qui suivrait la mienne.
1980, baignait dans le rock. Trust avait sorti L'Elite l'année précédente, et Téléphone avait craché une grande partie de son venin :
« Je suis parti de chez mes parents / J'en avais marre de faire attention / Je suis resté un vagabond / On ne me mettra pas en prison ».
Nous les mômes, on se reconnaissait dans les slogans, et on écrivait au feutre les noms stylisés des groupes sur nos musettes militaires, très en vogue au collège.
En 1979 le rock français a le vent en poupe : « Crache Ton Venin », le second album du phénomène Téléphone, ainsi que le premier album éponyme du groupe Trust (aussi appelé L'Élite) envahissent les grandes ondes des radios françaises.
Moi aussi comme Jean-Louis j'en avais marre de faire attention ! Cependant j'avais tout de même la chance 'avoir dans ma classe la sublime Fabienne Ledoux-Chalot, la plus jolie fille du monde. Plutôt que de lui déclarer de vive voix tout l'amour que j'avais pour elle, j'avais choisi de subtiliser sa trousse pour lui écrire de mon encre la plus indélébile « Got To Get You Into My Life », cette phrase des Beatles suffisamment explicite au regard de notre niveau d'Anglais, mais qui ne serait hélas dans notre cas jamais prophétique, rapport qu'elle m'avait préféré ce crâneur de Dominique Montolope.
Elle avait moyennement apprécié, Fabienne, et salement menacé partout que si elle attrapait le crétin avait salopé ses affaires...
Je comptais déjà, alors, quelques concerts. Le premier, ça avait été Queen, dans les gradins, sur la tournée Live Killers. Deux coups de pieds sur les estrades, un coup dans les mains. Ca vous faisait des vibrations jusque dans la poitrine.
Le double album « Queen Live Killers » (1979), enregistré durant la tournée européenne du groupe après « Jazz ». Certains morceaux étaient capturés en France.
Mais revenons au dimanche 24/02/1980 à 11 heures 15...
Le concert de Chorus du 24 février présente un groupe new-yorkais, les Ramones. Le jeu est minimaliste. Ils ont tous la même coupe que mon pote Serge, ils portent des jeans déchirés, des perfectos. Joey bouge comme un grand roseau sous le vent. Ses pieds sont très écartés, cloués au sol. De chaque côté, Dee Dee et Johnny sautent comme des diables, sans jamais se regarder, sans jamais se rapprocher. Derrière les fûts, Marky semble frapper au ralenti alors que son jeu est très rapide. Pas de pause non plus entre les chansons. Dee-Dee lance « 1-2-3-4 », c'est reparti. C'est grave cool !
C'est peu après que mon pote Serge achète son 33 tours de « Rocket To Russia », l'un des deux meilleurs opus du combo new-yorkais. Pochette on ne peut plus simple, à l'image du groupe. Les Ramones portent des jeans troués avec deux décennies d'avance... Moi, la Louise, elle m'aurait thermo-collé des pièces !
Musique basique, rock de surfer un peu speedé - survitaminé en live. Les paroles sont à l'avenant, même si elles véhiculeront parfois, plus tard, des messages. On pense à « Bonzo Goes To Bitburg » où Joey adressait à Reagan honorant les tombes d'anciens SS : « You're a politician / Don't become one of Hitler's children ».
En 1980, il ne me venait pas à l'idée que les ramones faisaient partie de la mouvance punk. Le Punk, c'est les Pistols et presque personne d'autre, c'est No Future, et ça craint.
« Never Mind The Bollocks, Here's the Sex Pistols » (1977) des Sex Pistols, manifeste punk par excellence.
Ramones, c'est du rock. C'est même le coeur du rock. Et « Rocket To Russia », c'est quatorze morceaux qui se posent pas de question, ni sur le futur, ni sur le reste. On branche et on envoie, 1/2/3/4. C'est simple, c'est efficace.
Faux frères de sang, vrais frères de rue, Johnny et Joey se détestaient au point que le premier n'ira pas à l'enterrement du second. Outre leurs différents politiques (à ma droite Johnny, à ma gauche Joey), Johnny avait piqué la copine à Joey pour en faire sa femme. Joey avait répondu par la chanson « The KKK Took My Baby Away ». Mais il n'avait pas cherché à se venger : « On ne touche pas à un Ramone ! » aurait-il assuré.
Johnny, Dee Dee, Joey, Tommy... Fondateurs des Ramones, tous morts aujourd'hui.
Peut-être que Joey et Johnny se parlent, maintenant, là-haut ? Peut-être qu'ils boivent un coup avec Lemmy, Bon Scott et Ronnie James Dio au Bar du Paradis, encore ouvert à cette heure-ci... Ou à la Taverne de l'Enfer, qui ne ferme jamais, là, tout à côté ?
Ca doit faire un beau bordel, là-haut.
Vous je sais pas, mais moi, je peux écouter le prog' le plus inventif, la guitare la plus virtuose, la voix la plus fantastique... Il y a toujours un moment où je reviens à la sobriété de la musique des Ramones.
Le rock s'est posé là, c'est tout.
« Gabba gabba we accept you / We accept you one of us ! »
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : BLONDIE, Parralel Lines (1978)
Le 08/08/2021
A part Denise, ma grande sœur, qui préférait la Bible, on était tous piqués par le virus de la musique dans la famille.
On le tenait de ma mère la Louise. C'était une fan de Piaf. Elle avait vu La Môme à Nantes, pendant la guerre, sous les bombardements du château de la Duchesse Anne, dont mon grand-père était gardien parce qu'il avait perdu sa particule. Enfin je vous dis ça en vrac, parce que ses souvenirs de guerre, je les écoutais distraitement. Alors je sais plus...
Mais le virus de la musique, c'est sûr, c'est la Louise qui nous l'a refilé ! Elle m'entraînait régulièrement rue Bayard, à Paris, au numéro 22. C'est là qu'étaient installés les studios RTL.
C'était un périple d'aller là-bas ! Il fallait prendre l'autobus 190, le B de préférence, il est semi-direct. Mais il ne circulait qu'aux heures de pointe... A Mairie d'Issy (Teeeeerminus !) on empruntait le métro. On changeait à Montparnasse, puis on descendait à Franklin Roosevelt, on passait devant le Grand Palais, on faisait la queue entre les barrières... On est à deux pas des Champs-Elysées, de la Concorde, du Louvre...
La Louise, elle considérait un peu RTL comme sa famille. Elle connaissait tout : Les Grosses Têtes, Fabrice et sa valise, André Torrent. A la maison, la radio marchait en permanence, alors qu'on n'allumait la télévision que pour des rendez-vous précis.
A RTL, la Louise alpaguait les artistes à la sortie, le temps d'un autographe. Henri Salvador, Dave, Les Rubettes, Gérard Lenormand, Bernard Sauvat, Jairo... Malheur à celui qui aurait refusé sa signature. Elle a fait signer ses carnets par à peu près tout ce que la chanson française compte de connu... et d'oublié.
La Louise faisait aussi la collection des couvercles de boîtes à camemberts. Quand tu mets ça en perspective, ça relativise la valeur de ses autographes...
A RTL, j'ai un souvenir particulier d'un jour de 1978... Entre C Jérôme et Plastic Bertrand, un jeune groupe faisait son entrée sur la petite scène, certainement chez André Torrent. Ils évoluaient à deux doigts de nous. Ils avaient fait un tube qui marchait bien en radio, ils venaient le défendre. Ca s'appelait « Heart Of Glass ».
La chanteuse était très jolie. Elle souriait vaguement. Mais son sourire ne s'adressait pas à nous. Au contraire, il lui permettait de s'échapper ; sa moue avait quelque chose de profondément désinvolte. Ce contrepied total avec les autres artistes, cette impertinence de l'échappée, rendaient Debbie Harry captivante. Je n'avais jamais vu quelque chose à la foi d'aussi irrévérencieux et d'aussi magnétique.
Blondie me donnait ma première leçon de rock. J'avais treize ans. Les New-Yorkais avaient commencé leur carrière quelques années plus tôt au CBGB, partageant l'affiche des Ramones, préparant la naissance du mouvement punk, et même s'ils avaient bifurqué vers la pop, il en restait quelque chose.
« Parallel Lines » est leur troisième album, et leur plus grand succès. Pas mal de tubes dans la tracklist, et surtout ce « Heart Of Glass » qui amenait la reconnaissance planétaire et leur ouvrait une belle carrière.
Au fait, ils ont déménagé à Neuilly, les studios RTL.
RTL à Neuilly... N'importe quoi ! Et pourquoi pas l'Arc de Triomphe à Nanterre, tant que tu y es ?
Once I had a love and it was a gas
Soon turned out had a heart of glass
Seemed like the real thing, only to find
Mucho mistrust, love's gone behind
Tu as bien raison ! Tout fout le camp ma pauv' Debbie !
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : METALLICA, Kill' Em All (1983)
Le 01/08/2021
« Quand j'étais jeune, avec mon pote Serge, on jouait dans un air-groupe. »
Serge tenait la air-basse, et moi le air-micro et la air-guitare. On connaissait un peu de air-succès ! On se produisait régulièrement dans sa chambre, devant un air-public.
C'était parfait chez Serge : d'abord parce qu'il avait une chambre pour lui tout seul ; ensuite parce qu'il détenait une super chaîne stéréo dont la platine pouvait aller aussi bien en avant qu'en arrière, comme une vraie platine de DJ !
Mon pote Serge, il avait le sens de la musique. Ces choses-là ne se savent qu'à posteriori. Dès 1978 il me faisait écouter Saga. En 1981 il avait « New Life », le second quarante-cinq tours d'un groupe inconnu en France : Depeche Mode. Et puis Devo, Twisted Sister, et puis j'en oublie ! Musicalement, Serge était toujours au début du chemin. Comment faisait-il ? Je ne lui ai jamais posé la question. Parce qu'à l'époque, rien ne laissait supposer que Depeche Mode, Twisted Sister, Saga ou Devo s'inscriraient dans l'histoire du rock
« New Life » (1981) est le premier gros succès du groupe DEPECHE MODE.
Avec notre air-groupe qui n'avait pas encore de air-nom Serge et moi on faisait surtout des air-covers. On renouvelait notre air-setlist régulièrement.
Financièrement, Serge disposait de l'appui de ses parents. Ils avaient divorcé, et pour faire chier l'autre, chacun essayait d'attirer le rejeton dans son camp en lui filant un max de biftons, que Serge investissait dans la musique. J'en profite d'ailleurs pour remercier publiquement aujourd'hui les parents de Serge : leur rivalité a construit mon éducation musicale.
Un jour de 1983, Serge se pointe avec deux nouveaux skeuds. Le premier s'avère totalement novateur. Le chanteur a une voix stupéfiante. La musique est hyper speed. La provoc' est ultime. Le 33 tours s'ouvre sur « Heidi, heido, heida ». Ca ne dira rien aux jeunes générations, « Heidi, heido, heida », mais pour ma mère qui a connu les bombardements de Nantes, le message est clair : « Ein Heller und ein Batze » (c'est le titre de cette chanson) est un chant nazi. Alors tu peux le justifier comme tu veux, mais « Heidi, heido, heida » suivi de la griffure caractéristique d'un disque rayé et du cri d'un porc qu'on égorge, c'est évidemment une énörme provocation que des mecs de la génération d'Udo Dirkschneider ne pouvaient ignorer ! En quelques secondes, « Fast As A Shark » vient de nous botter le cul jusqu'à l'os et les cicatrices sont là pour la vie ! Mais on sait bien que tout ça c'est le grand cirque du rock'n roll : Accept n'est pas plus nazi que Black Sab', Kiss ou Dio ne croyaient en Satan...
Sorti en 1982, l'album « Fast As A Shark » s'ouvrait sur « Ein Heller und ein Batze », une chanson populaire allemande qui était l'un des chants de marche des troupes allemandes durant la seconde guerre mondiale. Elle valut à Accept quelques controverses, mais aussi de se faire remarquer...
Second disque. Un sticker sur la pochette nous prévient : « Plus vite que moi tu meurs ! ». En rouge et noir (trois ans avant Jeanne Mas, c'est avant-gardiste !) un marteau, du sang. Au verso, des têtes d'ados boutonneux, catégorie têtes à claques, surtout celui de droite.
Le premier titre est brouillon inaudible. Désagréable. « The Four Horsemen », le second, est mieux écrit. Les huit autres pistes ne nous intéressent pas. C'est trop crade, trop fouillis. Ecoutez « Anesthesia - Pulling Teeth » et vous comprendrez ce qu'on a pu ressentir alors. On se repasse « The Four Horsemen » plusieurs fois quand même pour sa structure rock plus digeste... Accept a clairement nos faveurs.
En 1983 Metallica jouait du « Speed Metal ». Il est l'avant-garde du Thrash dont il écrit les règles, un genre qui allait révolutionner le Hard Rock.
Il n'y a eu à mon sens que deux coups de pieds dans la fourmilière Metal : « Black Sabbath » qui a donné naissance au courant doom/black, et « Kill Em All » qui a mordernisé un genre qui se faisait rattraper par les grosses radios.
« Kill Em All » ramassera un disque d'or plusieurs années après sa sortie. Quand mon pote Serge, moi et tous les autres aurons compris le génie de cet album et réussi à refaire notre retard. Il est depuis incontournable.
On ne mesure plus forcément l'impact de Metallica de nos jours. Mais qu'on les aime ou pas, sans eux, ma tête à couper, le Metal d'aujourd'hui ne serait pas celui-là.
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : TELEPHONE, Crache Ton Venin (1979)
Le 31/07/2021
« On était drôlement privilégiés dans la classe, parce qu'on comptait dans nos rangs Fabienne Ledoux-Chalot. »
Au collège des Petits Ponts, à part Carole Bouton qui vivait le nez dans ses bouquins depuis la primaire et qui finissait invariablement première de la classe juste devant Jelko Petrovic (elle fait aujourd'hui une belle carrière d'avocate à Paris), les cours n'étaient pas notre priorité. On les apprenait par dessus la jambe, et ça nous valait souvent de belles tranches de fou-rires. Comme cette fois où, en cours de sciences naturelles, Hugues Foucquart répondait distraitement à la question « Quels sont les trois stades de la vie d'un homme ? » :
« — L'enfance, l'adolescence et l'adultère. »
En y réfléchissant, c'était injuste de sanctionner Hugues d'un zéro pour cette réponse qui témoignait déjà d'une certaine expérience de la nature humaine.
Hugues Foucquart, c'était un métalleux, un vrai. Il portait les cheveux longs et la veste à patches, avec Trust thermocollé dans le dos. Trust. Ce jeune groupe venait de tout défoncer avec son premier album. On passait « L’Élite » dans toutes les boums.
Les boums ? C'est ainsi qu'on appelait les soirées étudiantes d'intégration de l'époque - pour en savoir plus va voir Sophie Marceau.
En 1980, La Boum, de Claude Pinoteau, lance la carrière cinématographique de Sophie Marceau.
Notre énergie, on la dépensait comme ça, entre la musique et les filles. Sur ce dernier point on était drôlement privilégiés dans la classe, parce qu'on comptait dans nos rangs Fabienne Ledoux-Chalot, la plus belle fille du monde, si belle qu'à ce jour, malgré les robes éblouissantes et les grands couturiers, malgré les crèmes au jojoba les plus miraculeuses, et en dépit de tout ce que la médecine moderne compte d'excellents chirurgiens esthétiques, je suis formel : on n'a rien réussi d'aussi renversant que Fabienne Ledoux-Chalot de retour des sports d'hiver en 1979 !
Mon amour pour Fabienne a coûté cher en fleurs aux cerisiers japonais de la rue du Pavé Blanc. Je les arrachais pour les poster dans la boîte à lettres d'une maison que je croyais (à tort, je m'en apercevrais le jour où elle m'inviterait à son anniversaire !) être celle de ma belle. En classe, je m'arrangeais pour être placé non pas à côté (c'était impossible à cause de sa fidèle Geneviève Quivagot) mais derrière elle, juste de trois quart. Et je m'évertuais à la faire rire.
Comme on dit, femme qui rit...
Tu parles ! Fabienne préférait le crâneur aux Ray-Ban, le plus arrogant des jumeaux Montalope, celui qui gardait ses lunettes de soleil même la nuit... Dominique. Elle le trouvait too much.
Je trouvais la musique pour refuge.
Ooh, a storm is threat'ning my very life today /
If I don't get some shelter, oh yeah, I'm gonna fade away.
Je reconnais, c'était facile de trouver une consolation musicale en 1979. Jugez plutôt : AC/DC écrivait l'hymne planétaire du hard rock (Highway To Hell), The Clash copiait la pochette d'un album de Presley (London Calling), Supertramp réalisait son opus le plus populaire (Breakfast In America) et enregistrait son meilleur live (Paris), Police marchait sur la lune (Regatta de Blanc), Kiss cédait aux sirènes du disco (Dinasty) et Klaus Meine posait son grain fameux sur Always Somewhere, le meilleur aspirateur à gonzesses de toute la décennie 70 (Lovedrive).
Pour quelques années seulement, le hard-rock français envahissait les grandes ondes. On organisait de gros festivals aux affiches hétéroclites. Ganafoul, Shakin' Street, Starshooter et Marquis de Sade côtoyaient Joe Jackson et Simple Minds. Jimmy Kerr marchait comme un funambule sur les barrières de sécurité pour faire du stage diving en gueulant « Nous sommes Ecossais ».
SIMPLE MINDS et son premier album, sorti en 1979, Life In A Day.
Parmi tout ça, juste aux côtés de Trust, Téléphone et son deuxième album faisaient carton plein. D'une écriture assez naïve, mais très efficace, le quatuor confiait des préoccupations adolescentes (Fait divers, J'suis parti de chez mes parents). Et l'engouement était si phénoménal que l'année suivante le photographe des Yéyés Jean-Marie Perier leur consacrait le documentaire « Téléphone Public ».
Il y a deux chansons auxquelles on n'échappait pas en 1979 : « L'Elite», de Trust, et « La Bombe Humaine », de Telephone.
J'ai choisi la Téléphone. Parce que la bombe humaine, en février 1979, je la connaissais : c'était Fabienne Ledoux-Chalot. Elle rentrait toute bronzée des sports d'hiver et je l'ai croisée dans un couloir. Je n'ai plus jamais rien vu d'aussi beau. Ni avant, ni après.
Les N'importe-Quoi d'Ahasverus : KISS, Unmasked (1980)
Le 27/07/2021
Aucun fan de Kiss n'osera le reconnaître, mais Paul Stanley, sans maquillage, c'est le sosie américain d'Enrico Macias.
KISS, Unmasked (1980)
Enrico a connu ses premiers succès dès 1963, tandis que Kiss démarrait ses premiers concerts dix ans plus tard.
Cette ressemblance en a d'ailleurs valu une sévère à nos Américains ! C'était au tout début 73, et le groupe donnait un concert sans maquillage au CBGB de Caroll Gardens, le quartier français de New-York. Après quelques morceaux, le public, majoritairement composé d'expat' français, confondant Paul et Enrico, se mit à lui réclamer le tube de l'été 64 en chantant à l'unisson « Porompompon ! Porom poron, pero, pero, pero, pero ! » . Le groupe dût s’exécuter, pour éviter l'émeute. C'est pour cette raison, et sur les conseils de la petite amie de Paul Stanley, que Kiss opta ensuite pour ce maquillage légendaire. Et c'est aussi pour ça que le groupe, marqué par l'épreuve, s'est toujours refusé à reprendre le répertoire d'Enrico Macias.
Comment ? Bien sûr que c'est vrai ! C'est Stéphane Grainbourg lui-même qui me l'a dit.
Stéphane Grainbourg ? C'est lui qui m'a fait découvrir Kiss. Et aussi Foghat, et Boston, alors c'est vous dire...
C'était un die-hard fan de Kiss, Stéphane. Il me faisait écouter « Alive II » en boucle - les trois premières faces, parce que la dernière, elle sert à rien.
KISS ALIVE II (1977), sorti à l'époque du vinyle, comprend trois faces capturées live, la quatrième étant consituée de titres enregistrés en studio.
Grainbourg il avait deux qualités majeures : il courait le 100 mètres plus vite que tout le monde (mais c'est sans utilité dans notre histoire) et il avait un sacré coup de crayon.
Quand je l'ai connu, il dessinait quatre magnifiques portraits au crayon graphite, adaptés des albums solo de Gene, Paul, Peter et Ace. Ces tableaux 50x75 , en noir et blanc, étaient encore plus saisissants que les pochettes originales.
En 1978 les quatre membres de Kiss sortent simultanément leur premier album solo. Ici celui de Paul Stanley.
Kiss, c'est aussi l'un des premiers groupes dont j'ai acheté un disque - le Double-Platinum - avec mon argent de poche. De leur premier album à « Revenge », j'ai dû acheter tous leurs opus sous une forme ou sous une autre (cassette, vinyle, CD, selon les époques), même « The Elder », qui est à Kiss ce que « Hamlet » est à Johnny Hallyday (la comparaison n'est pas innocente : le phénomène Kiss est à l'Amérique ce qu'Hallyday fut à la France).
Double Platinum (1978). Double album et premier best-of Kiss.
En 1980, la tournée « Unmasked » passait par l’Hippodrome de Pantin. J'étais dans la fosse, aux premiers rangs. En première partie, il y avait un groupe pas très connu, qui avait fait un album éponyme. Des Anglais. Le chanteur avait les cheveux courts, ce qui était plutôt la marque des punks à cette époque. Ce groupe était annoncé par un mec avec un masque sur la tête. « You know Iron Maiden ? » gueulait-il en brandissant un couteau de boucher. Puis le groupe envoyait « Prowler », son premier morceau. Franchement pas mal, ces petits British.
Le 27/09/1980, Iron Maiden, qui avait sorti son premier album quelques mois plus tôt, ouvrait pour Kiss à l'Hippodrome de Pantin - Paris.
Kiss sur scène, c'est le show le plus spectaculaire que j'ai vu ! Paul Stanley était un sacré entertainer. A part Freddy Mercury, pas un frontman parmi ceux que j'ai vu ne lui arrivait à la cheville. Le set était brillant, le groupe à son sommet. Enfin, disons qu'il commençait à le quitter un peu. Paul haranguait la foule, Ace chantait « New York Groove », Gene s'essuyait le front avec une serviette éponge qu'il jetait dans le public. Cent-dix mains - dont la mienne - se levaient pour saisir la serviette au vol. Ça tirait ici, ça poussait là. Ne rien lâcher, m'aurait dit ma mère la Louise, à l'instar de René Ben Chemoul qui reculait même pas devant Zarak, le catcheur masqué... Un type a sorti un couteau et a fendu le tissu en son milieu. J'ai réussi à arracher un bout d'étoffe. J'ai ramené précieusement la relique chez moi, avec ce qu'il restait de sueur de Gene dessus. J'ai placé ma relique précautionneusement dans ma boîte-à-reliques. Je sais plus où elle est, cette boite de Nesquik chocolat. Perdue dans un déménagement avec tous les précieux qu'elle contenait, sans doute. Où alors c'est ma soeur qui me l'a piquée pour la vendre. Elle est kleptomane, la Denise. Mais des gris-gris, moi je continue à en amasser ! A l'heure qu'il est, moi qui vous parle, j'ai encore dans mon porte-monnaie un médiator cassé d'Adam Bomb. Le reste, il est sous clé. Bien planqué, je vous dirai pas où...
ADAM BOMB, « Get Animal II » (2003). Le chanteur/guitariste américain avait auditionné pour Kiss en 1982. On dit qu'il loupa l'affaire de peu.
« Unmasked », je n'irais pas jusqu'à dire que c'est le meilleur album de Kiss. Mais historiquement il est important. C'est le dernier disque sur lequel Peter Criss est crédité. Et puis quelle tournée, derrière !
N'empêche, « You drive us wild, we'll drive you crazy ! » C'était pas des bobards !