« La musique me donne une vraie ligne de vie. »
Bouillonnante Lucie Sue ! Après avoir postulé pour tenir la basse chez Steel Panther, elle prépare « To Sing In French », son premier album à l'horizon 2023 (cagnotte ici) déjà annoncé par quelques clips. Débordante d'activités, elle ne fait pas les choses à moitié, et sa langue pas plus que sa guitare ne tiennent dans sa poche. Alors installez-vous, la voici, Lucie, dans une interview très complète...
LUCIE SUE par Emilie Desbottes
Bonjour Lucie Sue. Premier souvenir qui vous rattache à la musique ?
Lucie Sue : C’est une question très difficile car j’ai toujours été entourée par la musique. Mon père était professeur de Musique de chambre au Conservatoire de Lyon, ma mère était claveciniste ( et dentiste ! ), et mes frères et soeurs pratiquaient tous un instrument. Si je dois pousser ma mémoire au bout du bout, je dirais que c’est « Take Five » et « Blue Rondo à la Turk » de Dave Brubeck, qui passaient dans la cuisine, pendant que mes parents repeignaient un meuble. Ces deux morceaux me font toujours un effet madeleine de Proust. Quand je les entends, je fonds, je retourne aux tréfonds de mon enfance.
Lucie Sue c'est d'abord violoncelle/conservatoire/orchestre symphonique/groupes de rock ?
Lucie Sue : En fait, la différence se jouait entre la pratique et l’écoute : je jouais de la musique classique, mais j’écoutais le Top 50. Dès que j’ai compris que je pouvais jouer autre chose que du classique, je me suis acheté une guitare, j’avais quinze ans.
J’ai continué à pratiquer le classique : cours de violoncelle, solfège, déchiffrage, orchestre, musique de chambre, concerts, concours. Un peu comme une contrainte mais que j’acceptais, et avec laquelle j’ai toujours vécu.
Et à côté, c’était la liberté, j’apprenais la guitare en jouant dans la cour du lycée, j’avais un groupe qui s’appelait Lychee’s Flight, on faisait des concerts, c’était trop cool de pouvoir jouer les morceaux de nos idoles, mais aussi de composer nos propres chansons.
Aujourd’hui la musique Rock et pop est omniprésente. Mais le classique fait clairement partie de mes fondations .
Une première vie en tant que directrice artistique. C'est un atout pour la suite ?
Lucie Sue : Je suis toujours Directrice Artistique. C’est comme ça que je gagne ma vie. Mais maintenant, je le suis au sein de ma propre agence Sphynx. Ma spécialité c’est de gérer l’image des marques, des personnalités et des groupes. Créer des logos, des identités fortes, des photoshoots, des visuels pour T.shirts ou pochettes de disque, affiches, etc.
Heureusement que je maitrise tout ça car je m’en sers tout le temps pour ma musique. C’est évidemment un atout, car je n’aurais jamais pu payer quelqu’un pour faire tout ce boulot à ma place.
Une seconde vie quand Lucie Sue musicienne choisit de renverser les tables ?
Lucie Sue : Oui, cette seconde vie c’est quand j’ai décidé de quitter mon ex-mari et toute la pression qui allait avec. Je me sentais enfermée, ma vie se résumait au travail, aux enfants et à mon mari. je n’avais plus de place pour la musique, pour mes amis. Je me suis totalement perdue. J’étais avec une personne possessive qui n’acceptait pas que je fasse quoi que ce soit sans lui. Et pour qui je devais me rendre disponible 24h/24.Tout était sérieux, grave, lourd.
Depuis que je suis partie, je revis. Mais vraiment. Je n’ai jamais été aussi heureuse. Je profite de la vie, et je me rends compte que le plus important c’est d’être en phase avec soi-même. On n'a qu’une vie, il faut aller jusqu’au bout de ses ambitions pour réaliser ses rêves. Je ris tout le temps. Je fais ce que je veux. Et mes enfants sont heureux aussi. La musique a repris sa place, et me donne une vraie ligne de vie. Une énergie de fou. Un but passionnant. Que demander de plus ?
En 2021 vous postulez pour remplacer Lexxi Foxx à la basse de Steel Panther - Vous vous classez même parmi les dix derniers finalistes. Ambition véritable ou coup médiatique ?
Lucie Sue : Hahaha, quand j’ai su que finalement je n’étais pas choisie, j’ai pleuré pendant une semaine. Véridique. Non, ce n’était pas médiatique. C’était une véritable envie. Car je me sentais réellement en phase avec Steel Panther. Ils jouent comme des Dieux, leur musique me parle, et leur humour est le même que le mien. Et je trouvais l'idée GENIALE de faire entrer une femme dans ce groupe. Mais ils en ont décidé autrement. Et finalement, le fait qu’ils aient fait "l’erreur marketing" de ne pas me choisir, m'a fait comprendre qu’on n'avait pas les même valeurs… Et qu’il n’y avait donc pas de regrets à avoir.
Premier album à l'horizon 2023 : « To Sing In French ». A quoi se réfère ce clin d'oeil ?
Lucie Sue : Ce titre d’album est tiré de la chanson éponyme, qui sortira en même temps que l’album. Il fait référence à la loi Toubon, qui impose encore aujourd’hui des quotas aux radios, aux chaines de télévision, et qui m’a déjà mis plein de bâtons dans les roues. Je n’ai pas pu postuler à des émissions, je ne peux pas passer à la radio, car c’est priorité aux artistes francophones… Moi je suis française, je paye mes impôts en France, je soutiens l'art et les artistes français, je pense avoir de belles valeurs… mais non, on m’empêche d’être diffusée parce que j’utilise des mots différents… C’est ridicule.
Beaucoup de personnes ont tenté de me convaincre de chanter en français, mais c’est tout simplement impossible, je ne peux pas. Toutes mes idoles, depuis ma naissance, ont chanté en anglais. J’aurais l’impression de faire du Kyo ou du Saez.
Le titre de l’album et de la chanson est une réponse à qui veut l’entendre. Mais surtout à Monsieur Toubon : Elle finit tout simplement en disant « well, I don’t sing in french, because j’ai pas envie ».
« Il n’y a aucune construction ou cahier des charges. J'ai juste pris ma guitare et laissé sortir ce qui devait sortir. »
Chanteuse et multi-instrumentiste vous tenez tous les instruments sur l'album (à l'exception de la batterie confiée à Franck Amand, qu'on a connu notamment avec les Rita Mitsouko). Un mot sur les instruments et matériels que vous utilisez sur l'album ?
Lucie Sue : Oui, j’ai enregistré les guitares, les basses, le violoncelle, les voix. Mon frère Baptiste, qui a enregistré l’album, joue également sur certaines chansons. C’est un mélange de Jackson, de G&L, et de Fender. Mais il a aussi plein de machines qui font des sons étranges comme un copycat, qui créé de l’écho sur une bande, ou un Synthé Roland SH-101 qui fait des sons bien gras à la Pink Floyd… On a utilisé un maximum de vrais sons et évité les « filtres ».
Parmi les clips annonciateurs de l'album, « Promises », une très jolie ballade dont on comprend bien le sujet. A ce propos, quelles thématiques abordez-vous avec « To Sing In French » ?
Lucie Sue : Je parle d’expériences vécues. Ca part de mes années de mariage, de ma séparation, des mes enfants, de ma reconstruction, d’empowerment, de mes amants, et de la vie ! Il y a aussi une cover de George Michael, mon idole de toujours. J'ai repris sa chanson « Freedom ’90 » en version « stoner ». Le message est aussi très clair « I don’t belong to you, and you don’t belong to me ». Une manière de dire que je n’appartiendrai plus jamais à qui que ce soit.
« Glorious », « Lick Your Teeth »... D'une manière générale vous frappez fort avec des clips spectaculaires très bien dirigés... Mais les quatre morceaux présentés sont très variés. Quel a été votre cahier des charges lors de la construction de l'album ?
Lucie Sue : Hahaha ! Il n’y a aucune construction ou cahier des charges. J'ai juste pris ma guitare et laissé sortir ce qui devait sortir. Même les paroles sont sorties toutes seules. Je ne me dis jamais « tiens ma prochaine chanson parlera de ça » . J’ai remarqué que mes premiers morceaux « Promises » et "Lean on me » étaient plus sérieux, plus léchés, et plus tristes aussi. Surement ceux qui m’ont aidé à aborder ma nouvelle vie. Les titres « Glorious » et « To sing in french » sont plus engagés. « Shine on Avalon » est clairement un ovni qui ne correspond à aucun style, et dont la construction est inédite. C’est une chanson d’amour ! Les morceaux que j’ai composés plus tard sont bien plus « légers ». Comme « The Race », et « Lick your teeth ».
Un mot sur la technique (enregistrement, mixage, production) ?
Lucie Sue : J'ai préparé les maquettes chez moi dans mon salon sur Garage Band. Puis on a tout enregistré avec mon Frère Baptiste dans son studio A18 à Paris. Le mixage a été fait par Mako du studio Drop-in à St Jean de Luz. Cet homme est super talentueux. Avec une super sensibilité. Il y a aussi Olivier Delescaille qui a mixé « Lick your teeth ». Il est très cool (normal il est belge) et a les même références musicales que moi. Le mastering a été fait par Blanka. J’ai géré tout le reste.
Pour les clips, j’ai fait appel à mes amis. Taki Bibelas pour « Glorious », Justin Badenhorst pour « To sing in French », Ma soeur Raphaele et Stef Candé pour « Promises », jean Yves de la manufacture du film pour « Lick your teeth ». Mais l’Oscar du clip le plus à l’arrache, c’est « The Race », que j’ai tourné avec ma cousine Maelle Johnson, à New York, avec mon iPhone. Mais j’adore le résultat ! Comme quoi, on peut se débrouiller avec pas grand chose.
La pochette de l’album a été faite au point de croix par un artiste basque que j’adore qui s’appelle Andoni Maillard. Le gars est un tueur et ses oeuvres sont géniales, elles me parlent vraiment. Il mélange le point de croix de mamies, avec des thèmes super éclectiques. Du foot, du rock, du porno, etc.
Une cagnotte est en cours ICI. A quoi servira-t-elle ?
Lucie Sue : J’ai décidé de lancer un crowdfunding sur kisskissbankbank car je n’avais tout simplement plus assez d’argent pour finaliser mon projet. Jusqu’ici, vous l’aurez compris, j’ai tout fait en auto production. Avec mes économies. Sans compter les nuits blanches. Quand on aime, on ne compte pas.
Mais aujourd’hui, mes poches sont vides, et je dois presser le disque, payer des attachés de presse pour faire parler de moi, et surtout, préparer la tournée. Tout ça coute bien plus que l’objectif de la cagnotte, car je ne voulais pas en demander trop non plus. Mais j’avoue que si la cagnotte dépasse l’objectif, ça m’aidera beaucoup.
Vos projets dans les mois à venir ?
Lucie Sue : Là je suis à fond sur les répétitions, pour pouvoir faire un maximum de concerts localement (j’habite à Biarritz), puis ensuite partir en tournée, faire la première partie de groupes trop cools, voyager partout, faire découvrir ma musique au monde entier, et enfin et tout simplement, faire la tournée des stades. Pas mal comme programme non ?
Merci Lucie Sue d'avoir répondu à mes questions.
Lucie Sue : Merci à toi d’avoir pris le temps de préparer ces questions super chouettes, et de permettre à des petits musiciens comme moi de s’exprimer !