Le pari de « Karma » était risqué, le résultat est subtil.
Par Ahasverus
Après l'excellent « Shehili », (2019) MYRATH revient avec « Karma », un nouvel album.
Cette nouvelle galette s'est vue piratée par un malfaisant qui la mettait en ligne bien avant sa sortie. Ce désagrément ne devrait pas influencer outre mesure le parcours commercial de « Karma », sorti officiellement le 08/03/2024, mais il a, on le serait à moins, fortement contrarié le groupe.
Trois changements notables éclairent le nouveau Myrath : l'album est écrit exclusivement en Anglais et ne propose plus aucune ligne de chant en Arabe ; Morgan Berthet (batterie) signe deux compositions avec son ami Pierre Danel (Novelists) ; L'ex-Adagio Kevin Codfert, manager de la formation franco-tunisienne, remplace aux claviers Elyes Bouchoucha, parti en 2022.
« To The Stars » ouvre l'album efficacement, puis le son, qu'on doit à Jacob Hansen, éclate magnifiquement sur le titre « Into The Light », un grand morceau qui propose de magnifiques arrangements et de riches parties de clavier/piano/batterie.
« Candles Cry » attaque ensuite avec un riff très affûté, quelques sonorités orientales, une basse cinglante et un refrain appuyé. La richesse des arrangements est à nouveau remarquable.
Myrath dilue ses influences arabes dans des lignes mélodiques sophistiquées pas très éloignées de l'AOR (« Let It Go », « Words Are Falling »). Les parties musicales restent savoureuses, telles les envolées progressives de « The Wheel Of Time », sur lesquelles s'enroule la voix magnifique de Zaher Zorgati. L'intérêt de l'album, agréablement agencé, se prolonge ainsi jusqu'à sa conclusion (l'hymne « Heroes » en avant-dernière piste).
L'absence de chant en Arabe change légèrement la physionomie du territoire musical de Myrath et nous a donné quelques craintes. Si la première écoute nous avait laissé sur la réserve et fait redouter que la formation tunisienne ne se standardise, un goût de reviens-y nous a convaincu du bien fondé de la démarche : « Karma » est un album haut de gamme, qui a beaucoup de présence. Les parties orientales se font plus discrètes, s'éloignent du savoureux « Shehili », puisque Myrath, c'est tout à son honneur, ne veut pas capitaliser pas sur une recette. Mais s'il semble de prime abord se départir de ses racines, il ne tombe jamais dans le banal et parvient à nous rappeler d'où il vient à touches discrètes. Le résultat est à la hauteur de la belle discographie du groupe, et Myrath est décidément l'une des formations les plus intéressantes de sa génération. Le pari de « Karma », renonçant à certains ingrédients qui ont fait le succès de Myrath, était risqué ; le résultat est subtil et constitue l'une des meilleures sorties de ce mois de mars 2024.