« On accepte de ne plus mettre les coudes sur la table sans pour autant se tenir correctement ! »
Elle nous parle de son parcours, de son intégration au sein de la formation grenobloise, du nouvel opus, et de Faith In Agony où elle exerce également ses talents.
Bonjour Ahasverus, et merci de ton intérêt ! Oula oui ! ça ne nous rajeunit pas tout ça ! Mon premier souvenir lié à la musique c’est déjà de voir ma mère, sa guitare folk et mon père qui chantonnent sur des tapis indiens entourés d’amis. De mon côté, aussi loin que je m’en souvienne, j’étais fascinée par la bande originale de la petite sirène de Disney que je tentais de maîtriser d’une traite sans respirer.
“Dangerous” de Mickael Jackson, sans aucun doute. Le disquaire m’avait même gentiment offert le drapeau de l’artwork de l’album, aussitôt affiché dans ma petite chambre. Je me perdais dans ses innombrables détails en écoutant l’album.
Je te passe les détails embarrassants d’Henri Des et Dorothée parce que ça la fout mal, mais mon premier véritable concert fut celui du groupe français Ange, formation que mon deuxième papa de cœur m’a fait découvrir très jeune. J’ai rapidement apprécié leurs textes alambiqués et leur prestance scénique théâtrale.
Grâce à un vieux magnétophone que j’avais récupéré chez mes grands- parents. Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours chantonné. Le spectacle et le chant ont toujours été mes moyens d’expression privilégiés. Vingt ans plus tard, je rencontre Bruno Jeanmart, mon premier mentor, un ami de ma mère, qui me propose de monter un groupe de reprises Jazz. C’est le début de Smoky Eyes…
Je n’ai hélas pas de grande discipline en ce qui concerne le chant, je suis quasiment autodidacte dans ce domaine et n’ai aucune formation académique. Ça n’est que depuis très récemment que je tente de découvrir et perfectionner une technique. Je prends aujourd’hui quelques cours et repères afin d’aller plus loin dans mes possibilités vocales. Concernant le facteur temps, je ne chante pas du matin au soir car je me serais fait mettre à la porte de beaucoup de maisons (rire), mais je fredonne assez régulièrement au cours de la journée.
Smoky Eyes est ma première formation à proprement parler. Comme je le disais plus haut, ma rencontre avec Bruno a été décisive pour plein de raisons, personnelles, professionnelles et musicales. Nous avons rapidement troqué les reprises jazz pour le rock. J’avais envie de reprendre des classiques puis de commencer à composer et créer. Il nous fallait donc un guitariste en conséquence. Nous avons alors fait la connaissance de Grey et nous ne nous sommes plus lâchés. Nous avons parcouru beaucoup de routes, monté sur plein de scènes diverses et variées, vécu nos premières expériences de live, de studio, appris la rigueur que tous ces domaines représentent. Je suis plus que reconnaissante et fière d’avoir eu la chance de me produire avec Smoky Eyes !
Faith In Agony nait suite à un désir commun entre Grey et moi-même de professionnaliser notre créativité et de pousser plus loin nos propos musicaux. Nous avions envie d’une formation plus incisive, avec des riffs et des influences plus fortes frôlant le métal et le grunge. Quentin et Eva faisaient la paire concernant la motivation et le niveau musical énorme qu’ils proposaient. Une grande complicité se crée dans notre quatuor et le groupe était lancé.
L’univers de Faith in Agony est d’abord assez brut, nous voulions rentrer dedans, être efficaces et reconnaissables. Nos premiers morceaux sont très grunge, presque punk. Deux nanas dans un groupe de grunge, on avait bien sûr envie et besoin de se faire entendre, de trouver notre place tout en créant cette osmose en live avec nos deux complices. Les textes du premier EP éponyme sont très agressifs, si on y prête l’oreille, on peut entendre ce désir presque pulsionnel d’aller plus loin dans la concrétisation de nos idées.
Notre univers s’est un peu maturé avec «Do Not Repeat», nous avons travaillé d’arrache-pieds, plié nos étendards et nous nous sommes concentrés plus profondément sur nos sons et les ambiances plus précises à atteindre. Ce dernier EP nous a lentement guidé vers l’écriture de notre premier album «Drowned & Exalted» qui sortira tout prochainement.
Quentin a toujours été le premier curieux de mes textes et c’est très appréciable. Mon écriture n’est pas très académique non plus et je n’ai pas la prétention d’être bilingue. Écrire en anglais a toujours été une envie de ma part, ma langue natale, je la réserve pour des écrits plus personnels et poétiques. L’écriture des textes notamment pour «Drowned & Exalted» est on ne peut plus intimiste, très introspective. J’aime évoquer un sujet en particulier dans chaque morceau, j’essaie d’éviter les phrases bateaux et je fonctionne par tableaux mentaux. J’imagine, je retrouve une scène, je formalise une pensée et je tente de la concrétiser, de la traduire en écriture. Mon désir est d’être au plus proche de mes questionnements, de mes ressentis, sans pudeur, parfois même de manière très brute. Les thématiques que j’aborde sont universelles et peuvent toucher tout le monde, chacun se questionne à son échelle sur son rapport à l’autre, sa place en tant qu’individu, sa marginalité, sa finitude…
J’aime réécouter ces deux EP et retracer le chemin parcouru. Comme je le disais plus haut, le premier EP de Faith In Agony est très incisif, brutal rentre dedans, sans concessions, presque adolescent, on est dans le tout et tout de suite. «Do Not Repeat» est en recherche de maturation, nous ne nous sommes pas assagis pour autant mais disons qu’on accepte de ne plus mettre les coudes sur la table sans pour autant se tenir correctement ! «Drowned & Exalted», si on reste dans la métaphore du bon sens commun va questionner le «pourquoi», le «comment», le «d’où ça vient» et ce qu’on choisit d’en faire.
J’ai fait la rencontre de Yves Campion au 69 à Grenoble…
Je laisse un temps pour les blagues salaces…
...Voilà (Rire).
Je me produisais avec Smoky Eyes et il m’a apparemment repérée à cette époque-là, patient le mec ! Il nous a ensuite fait confiance avec Faith In Agony en nous offrant la première partie d’Ultra Vomit à L’Ilyade de Grenoble. Très grand moment pour nous quatre !
Un soir en rentrant du travail, Niels (Batteur) m’appelle et m’expose la situation complexe que traverse Nightmare : Maggy Luyten ne continue pas l’aventure, une date est prévue en juillet (nous sommes début mars…), il leur faut absolument quelqu’un pour la remplacer au pied levé. Je m’interroge, je questionne mon entourage, tout le monde me pousse et m’encourage, je valide donc mon choix. Je suis à la fois terrifiée et impatiente, je mesure la charge de travail, tous m’attendent au tournant mais croient malgré tout en moi.
Yves me teste sur quelques anciens titres, je découvre le groupe, son univers, le heavy métal qui m’est presque inconnu et je commence à travailler dur. J’apprends l’album entier en moins de trois mois, nous répétons quelques fois, je rencontre tous les membres et le staff affilié au groupe, tous sont très accueillants et confiants, cela me rassure beaucoup. C’est grand pour moi, très grand et mon impatience s’intensifie. Le concert au Panicfest se déroule plutôt bien, je suis accueillie avec le sourire par les fans présents ce jour. Je suis ravie. La complicité avec tous les membres du groupe ne fait que grandir depuis cette date et nous sommes tous très heureux et trépignants de vous faire découvrir «Aeternam».
« Je suis toute petite dans un monde de grands. »
Je suis toute petite dans un monde de grands, ça a été mon premier ressenti. Jo Amore et Maggy Luyten sont des monstres de talents tant vocalement que scéniquement. Ils ont tous deux marqué l’identité du groupe, de temps forts, à leur manière. Je les remercie tous les deux d’avoir fait naître et perdurer la grande histoire Nightmare. Je suis honorée d’en faire partie aujourd’hui et compte bien donner le meilleur.
Comme dans tout changement de la vie, il y a plusieurs formes de ressentis, certains restent attachés aux premières valeurs, d’autres constatent un changement, certains une belle évolution… Les retours sont bons, les gens apprécient la nouvelle identité de Nightmare, commentent que la nouvelle voix apporte de nouvelles couleurs originales dans le monde du heavy métal, hors du chant uniquement growl ou lyrique. Je suis heureuse que les gens apprécient le changement malgré tout car je serais tout à fait incapable de véhiculer un seul et même code musical. J’ai hâte de monter sur scène, défendre «Aeternam» et partir à la rencontre de notre public récent et ancien.
Merci pour ces mots. Nous avons beaucoup travaillé pour ces clips, j’en ai géré toute la trame scénaristique et artistique. Je ne conçois pas l’intégration d’un projet quel qu’il soit sans y apporter quelque chose. Beaucoup de riffs étaient déjà posés pour «Aeternam» mais aucun texte ou concept d’album n’avait encore été proposé. Nous avons donc longuement échangé sur le sens de l’album, des sujets que nous voulions aborder au cours des morceaux, de la manière d’écrire et d’interpréter ce qui allait en découler. Disons que j’ai proposé la trame générale des textes de ce bel album à venir, quelques-uns ont été validés, d’autres ont été remaniés ensuite «à la sauce heavy», des lignes mélodiques ont elles aussi été prises en compte ou gardées à l’identique afin d’apporter de l’exclusivité à Nightmare.
La question ne s’est absolument pas posée pour moi. Faith In Agony est et restera l’un de mes projets. J’ai pour habitude de mener tous mes objectifs à terme. Il n’est pas envisageable de quitter une formation pour une autre. Il faudra simplement travailler différemment avec ces deux projets qui demandent beaucoup de temps et d’investissement, je ne pourrais pas m’engager dans de nouvelles formations musicales mais une chose est sûre, «Drowned & Exalted» et «Aeternam» seront défendus de manière équitable et de tout cœur.
« Je débarque au milieu d’une histoire que je n’ai pas créée, d’un style qui contient des codes bien rodés, presque stricts. Il a fallu tirer un peu sur les rênes dans les premiers temps. »
Le registre est en effet très différent. J’ai la chance de jouir d’une une parfaite liberté au sein de Faith In Agony. Nightmare c’est différent, je débarque au milieu d’une histoire que je n’ai pas créée, d’un style qui contient des codes bien rodés, presque stricts. Il a fallu tirer un peu sur les rênes dans les premiers temps. Une fois la frustration tamisée, j’ai su m’adapter et apprécier ces codes, en faire ma petite sauce et proposer quelque chose. La plus grande problématique que j’ai pu rencontrer dans la concrétisation de cet album fut la préparation. Nous étions hélas très pressés par le temps mais refusions catégoriquement de bâcler la sortie de ce nouveau line up. Il a donc fallu s’adapter vite, très vite... J’ai la chance d’avoir une assez bonne amplitude vocale, ce qui a permis de nous balader un peu partout sur les mélodies.
«Drowned & Exalted» est dans la boîte, tout est prêt pour le pressage à l’heure où j’écris ces lignes. Ce foutu virus a foutu une merde noire dans la culture en général et retarde le monde de la création. Cet album est très attendu et nous rongeons notre frein pour le moment. Nous voulons faire naitre cet album en anticipant toutes les possibles embuches. Nous ne sommes pour le moment pas protégés par un label qui pourrait être notre garantie de sécurité alors nous voulons faire les choses correctement.
Comme je le disais plus haut, «Drowned & Exalted» est le résultat de nos introspections respectives, tous les instruments ainsi que la voix transpirent une forme de lourdeur. Nous voulions faire un album très intimiste et au plus proche des émotions qui nous ont traversés ces dernières années.
Un emploi du quoi ? Ici on parle plutôt de tornade (Rire).
Il y a énormément de choses en préparation qui demandent beaucoup de temps et de réactivité. Ces deux albums enregistrés en moins d’un an, un troisième clip pour Nightmare, surement aussi pour Faith In Agony, beaucoup de répétitions, des contributeurs à remercier, des billets d’avions à réserver, des résidences, des release party et si on a encore du temps, peut-être pourrons nous dormir un peu ! Nous vivons dans la hâte de vous présenter tout ça !
Ça m’inspire déjà pas mal de tachycardie (Rire), mêlée à de l’impatience, un peu de stress mais surtout beaucoup de plaisir. Je n’aurai jamais pensé, ou oser rêver de telles possibilité musicales et artistiques, c’est tellement nourrissant ! Une nouvelle fois, je me sens toute petite dans ce monde de grands et j’ai hâte de faire des rencontres, d’échanger avec de tels artistes, de refouler enfin le sol d’une scène et de plonger dans l’arène !
Et bien très curieusement, je m’attarde en ce moment sur des registres très pop. Je n’ai pas un album en particulier à proposer mais je suis à la découverte de mes possibilités vocales, je m’amuse à reprendre certains titres à la maison, je découvre d’autres types de chants plus actuels. Peut-être quelques covers en prévision d’ici quelques mois si vous êtes sages...
S’il faut citer un album en particulier, ce sera celui qui m’apporte le plus de calme et de sérénité en ces temps bien studieux et agités. Je ne me lasse pas de la transe dans laquelle me plonge Loreena McKennitt, en particulier sur “Mask and Mirror” ou “Book of secrets”.
Un grand merci à toi pour ton intérêt, la pertinence de tes questions et ta réactivité ! Au grand plaisir de te voir également !