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Rock
L'Album du Mois : WISBORG, Wisborg (02/02/2024)
Le 03/03/2024
L'Album du Mois de Février 2024 : WISBORG (goth rock), « Wisborg » (02/02/2024)
Ténébreux et séduisant, Wisborg transpose dans son Metal le dandysme d'un Roxy Music et la froide sensualité d'un Depeche Mode.
Par Ahasverus
Wisborg est un groupe allemand de dark wave/goth rock formé en 2017. Son noyau dur se compose de Konstantin Michaely et Nikolas Eckstein. Ils sont assistés d'autres musiciens en live.
Wisborg tire son nom d'une ville imaginaire dans laquelle se déroule une partie de l'action du film « Nosferatu le Vampire » (1922). Il affirme la parentèle du groupe avec la scène gothique.
Après trois albums de compositions et un album de remixes, Wisborg revient avec un opus éponyme, synonyme d'un tournant dans la discographie du groupe qui a décidé d'abandonner le chant en Anglais et d'innover avec des lyrics en Allemand.
« Chanter en allemand est une arme à double tranchant », explique Konstantin Michaely. « Si votre public comprend tout de suite de quoi parlent vos chansons, alors les paroles ont naturellement plus de poids. Cela vous rend plus vulnérable, mais en même temps plus accessible. De nombreux groupes se cachent derrière la langue anglaise, nous avons activement décidé de briser cet obstacle et d’entrer désormais en contact plus direct avec nos fans. »
Une cap marqué par l'abandon de la palette de couleurs noir-rouge-beige des précédents albums au profit d'une photo du groupe signée Stefan Heileman.
Sans perdre son caractère gothique, Wisborg s'éloigne désormais du côté purement dark goth de ses deux premiers albums pour proposer un opus dans la lignée de « Into The Void » (2021), mariant pour le meilleur une voix de basse, des notes de synthwave hypnotiques et des riffs métalliques, portant volontiers l'accent sur ces derniers (« Wachs In Deiner Hand »).
La langue allemande se fond très bien dans les paysages romantiques de Wisborg, et des morceaux comme « Kalt Wie Eis » et « Korrosion » gagnent en grandeur et en beauté.
Pour produire ce nouvel album, Wisborg a fait confiance à Chris Harms, frontman de Lord Of The Lost, et c'est avec lui que les Berlinois ouvrent les hostilités avec le single « Im Freien Fall », dont le clip a été filmé lors de la tournée conjointe Lord Of The Lost/Wisborg.
Le Français trouve également droit de cité dans l'album, puisque dBoy, du sulfureux groupe de synthwave Je T'Aime, leur alter ego parisien, appose son empreinte vocale sur le morceau « Unter Menschen ».
Intemporel, Wisborg choisit ses guests avec goût (« Exitus ») sans systématiser l'exercice pour valoriser son synthwave à la beauté vénéneuse. Ténébreux et séduisant, il transpose dans son Metal le dandysme d'un Roxy Music et la froide sensualité d'un Depeche Mode. Toujours paré de noblesse, il vous emporte dans le tourbillon délicat de sa décadanse aux flonflons d'un « Mit Dir Allein » ou d'un « So Oder So ».
« Wisborg » est disponible depuis le 02/02/2024.
C'est une sortie Danse Macabre Records, et c'est notre album du mois de février.
SYMPHONY OF SWEDEN (rock mélodique), Haunted (07/02/2024)
Le 02/03/2024
Mélodique et suffisamment puissant, concis et bien fichu, « Haunted » est une bonne galette d'AOR ; une réussite toute suédoise.
Par Ahasverus
Troisième album pour Symphony of Sweden, un groupe construit en 2020 autour de Linus Lee Wester et Pontus Evan Hagberg épaulés ici par Henrik Bodin-Sköld et Niklas Bullen Bengtsson
Impulsant quelques effets pop et électro dans son hard sans jamais vraiment se disperser, Symphony Of Sweden privilégie les morceaux courts quitte à vous laisser parfois sur votre faim.
Un format de deux à trois minutes qui réussit tout de même bien à la formation suédoise qui parvient globalement à capter notre attention au long de cette sucrerie de trente-cinq minutes. Outre ce songwriting sympathique, la voix particulièrement agréable de Linus Lee Wester, mise en évidence sur la ballade « Lay Them Down (A broken son's cry) » est le second atout de Symphony Of Sweden.
Osant la dynamique et les beaux arrangements (« Even If Solo », « Down And Counting »), mollissant un peu sur le second tiers (« Just Let It Bleed », « That Night ») avant de rebondir (« Black Painted Heart ») la galette se referme sur un morceau d'inspiration symphonique (« Goodbye »).
Mélodique et suffisamment puissant, concis et bien fichu piste après piste, « Haunted » est une bonne galette d'AOR. Une réussite toute suédoise.
AUTUMN'S CHILD (rock mélodique),Tellus Timeline (19/01/2024)
Le 02/03/2024
« Tellus Timeline » s'adresse à un public AOR plutôt ouvert, cependant que l'amateur de hard, d'abord accroché, se perdra au fil de l'album.
Par Ahasverus
Cinquième album pour Autumn's Child, groupe mené par son chanteur et principal compositeur Mikael Erlandsson. Le Suédois reste fidèle à ce qu'il faisait avec Last Autumn's Dream.
« Tellus Timeline » s'ouvre avec « A Strike Of Lightning », un titre anthémique, façon Eclipse.
L'album reste sur cette dynamique durant les trois premiers moceaux puis les muscles cèdent à des morceaux cajoleurs qui n'hésitent pas à recourir aux grosses ficelles de l'AOR (« Here Comes The Night », « On Top Of The World », « This Is Goodbye », « Never Surrender »).
Cherchant la petite bête, on déplorera un manque d'audace dans le riff, mais on n'enlèvera pas à la guitare sa belle virtuosité et à la voix son timbre particulièrement accrocheur.
« Tellus Timeline » force également l'admiration pour la capacité qu'a Autumn's Child à proposer des mélodies mémorables (« We Are Young ») aux arrangements bien au delà du service minimum (le saxophone de « Juliet » ou la voix féminine de « Gates Of Paradise »). De là à dire que l'écoute passionne de bout en bout, il y a un pas qu'on peine à franchir.
Si les surprises existent dans la FM d'Autumn's Child, elles nichent plutôt dans ses choix pop rock 70's à la Beatles (« Around the World in a Day », « Come And Get It », « I Belong To You »). Le contrat AOR est pourtant rempli et l'écoute reste agréable.
« Tellus Timeline » s'adresse à un public AOR plutôt ouvert, cependant que l'amateur de hard, d'abord accroché, se perdra au fil de l'album.
« Tellus Timeline » est disponible depuis le 19/01/2024 chez Pride & Joy Music.
JOHNNY MONTREUIL (rock), Zanzibar (02/02/2024)
Le 10/02/2024
Johnny Montreuil impose ses rouflaquettes et sa caravane sur une parcelle de terrain du rock français sur laquelle sont passés Les Negresses Vertes et Mano Negra. On n'est pas prêt de le déloger !
Par Ahasverus
Johnny Montreuil c'est d'abord Benoît Dantec, éducateur spécialisé auprès d’enfants déscolarisés, rugbyman (niveau fédéral 2). C'est à vingt-cinq ans que ce Clamartois d'origine (il a poussé non loin du Tapis Vert) décide de se consacrer pleinement à la musique et devient Montreuillois par hasard. Il l'explique au journal Le Parisien :
« J'ai débarqué ici avec mon premier groupe, au hasard d'une colocation, et je m'y suis senti tout de suite à l'aise, beaucoup plus qu'à Paris. Les musiciens, les studios, les petits bars kabyles : ça fourmille. »
Benoît fait ses premières avec Les Princes Chameaux. Puis le nom de Johnny Montreuil jaillit, éclate, comme un blague ringarde. Il confie à Skriber :
« J’étais rue de Paris à Montreuil. Les Princes Chameaux battaient un peu de l’aile. Je me suis mis à adapter en français certains des morceaux de Johnny Cash qui me plaisaient beaucoup, pour vraiment creuser le sens de ses chansons. Je voulais aussi les remettre au goût du jour, sortir de la country made in Kentucky, pour faire ces adaptations à la sauce montreuilloise, bien banlieusarde. D’où Johnny Montreuil. »
Un blaze d'Apache qui se marie bien avec le surnom d'Emilio Castiello, alias Geronimo (violon, mandoline), rencontré rue de Bagnolet, à Montreuil bien sûr. Le duo recrute Tatou (Jacques Navaux) pour la batterie et enregistre un cinq pistes en 2012. Johnny Montreuil est né. Restait à graver son aventure discographique.
« Narvalo City Rockerz » (2015)
Une aventure qui s'ouvre au son d'un rockabilly percutant (« Avec Mes Dents ») tandis que Ronan Drougard (guitare électrique) et Kik Liard (harmonica) étoffent désormais la formation.
Sous les saillies d'une guitare distordue, de l'harmonica, du violon, « Narvalo City Rockerz » propose un son immédiatement original. Vintage et western (« Riton »), typé 50's/60's, il offre pourtant des points saillants de modernité au milieu d'un brassage foutraque à la Mano Negra. Coté lyrics, Johnny Montreuil regarde le pavé, usant volontiers d'un argot de banlieue. Vibrant comme un Jonasz (« J'Suis Le Vent », « Oh Liège »), il se fait crooner pour Gigi Pantin (« Bois de l'Eau »), évoque ses souvenirs d'Algérie avec Rachid Taha (« L'Amour Au Balcon ») et compose au final un album de rockabilly manouche détonant qui ne choisira pas entre le rêve américain (« Le Coeur Qui Saigne » ) et les Balkans (« That's Allright Mercedes »), pareillement imprégné par la musique tzigane de ses voisins de terrain vague et par le rock de Presley, de Chuck Berry, de Johnny Cash.
Line-Up « Narvalo City Rockerz » :
Johnny : chant, contrebasse, guitare folk
Géronimo : violon, mandoline , choeurs
Kik : harmonica, tambourin, percussions, choeurs
Rön : guitare électrique , choeurs
Tatou : batterie, piano, percussions, choeurs
« Narvalos Forever » (2019)
« Chiner la Feraille » ouvre ce second album en mode vintage, faussement rétro avec sa contrebasse, son harmonica et ses choeurs cajuns. Country, folk, rock, americana, western (« So Long Taulard »), le Johnny Cash du 9-3 enfonce le clou des 50's en déroulant un road-trip savoureux.
Exit les influences manouches, Géronimo et son violon s’en sont allés, et Steven Goron remplace désormais Tatou à la batterie. Ce line-up resserré se retrouve autour d'influences américaines qui courent des années 1920 aux années 1950, se passant le témoin du blues au rock N' roll (« Pourvu qu'ça Glisse »). Les rythmiques se font aussi simples et efficaces que celles du Man In Black (« C'est des Morts », « Avant Gangster »). Textuellement, le fils de syndicaliste n'a pas oublié ses préoccupations sociales : il porte la liberté sinon en étendard, au moins en bandoulière.
Line-Up « Narvalos Forever » :
Johnny : chant, contrebasse, guitare folk
Kik : harmonica, tambourin, percussions, choeurs
Rön : guitare électrique , choeurs
Steven Goron : batterie, piano, percussions, choeurs
« Zanzibar » (2024)
Pensé pendant la pandémie à laquelle se réfère le titre « 5 Minutes », « Zanzibar » s'ouvre sur une chevauchée instrumentale à la Enio Morricone (« Ciao Narvalo »). Elle annonce l'arrivée en ville de Johnny Montreuil et sa bande. Brassant le folk, le blues, le rock, et l'americana, ce troisième long format reste ouvert aux musiques du monde et se pare des couleurs de l'Afrique lors d'un blues avec Fixi, Guimba Kouyaté, David Chalumeau et Diane Renée Rodríguez (« Les Goémons »). Il flirte aussi le temps d'un calypso avec Rosemary Standley, avec qui Johnny Montreuil partage un appétit pour Johnny Cash (« Vers les Îles »). La chanson française n'est pas oubliée puisque c'est bien à Renaud que les « Visions de Manu » rendent hommage. Tantôt vrombissant (« Ses Amours », « Zanzibar ») tantôt mélancolique (« I Heard That (Lonesome Whistle) »), « Zanzibar » impose les rouflaquettes et la caravane de Johnny Montreuil sur une parcelle de terrain du rock français sur laquelle sont passés Les Negresses Vertes et Mano Negra. On n'est pas prêt de le déloger !
Line-Up « Zanzibar » :
Johnny Montreuil : chant, contrebasse, guitare folk
Ronan Drougard : guitare électrique
Steven Goron: batterie, choeurs
Kik Liard : harmonica, choeurs, tambourin
Marceau Portron : guitare électrique, basse, choeurs
Emma's Backstage Story : THE ROLLING STONES
Le 08/12/2023
Avril 1976, Pégomas, près de Mougins, France, centre du monde, du monde du Rock, pour quelques jours.
Les Rolling Stones au grand complet y répètent dans la propriété du « tour manager ». Vous souhaitez les y rencontrer ? Suivez-moi….
Le portail s’ouvre. L’entrée discrète ne laisse pas présager de ce qui se passe à l’intérieur et l’étroite allée enserrée de verdure qui mène à la maison vous laissera le temps de calmer vos battements de cœur.
Ambiance James Bond, une voiture barre l’accès, un solide gaillard, genre road-manager, vous demande, méfiant, ce que vous venez faire ici, interrogation au QG avec le talkie-walkie, attente, acceptation, vous pouvez entrer (on va dire que oui hein, sinon la chronique va être courte...).
Dans la cour, des motos, deux Ferrari. On n'est pas à l’Armée du Salut. Pas de doute. L’esprit familial qui règne dans la maison est très différent de l’accueil extérieur. Marlon, sept ans, le fils de Keith qui est arrivé à la propriété après les autres, court dans tous les sens. Les Stones sont là pour travailler et mettent au point le répertoire de ce « Tour of Europe », si important. Leur album « Black and blue » est sorti en avril, cette même année. Beaucoup de musiciens sont intervenus sur l’enregistrement de cet album, certaines prises ont été gardées, d’autres pas, comme celle avec Jeff Beck. Mick Taylor venant de quitter le groupe, les Rolling Stones se sont retrouvés sans second guitariste. L'enregistrement de « Black and Blue » a agi comme une sorte d'audition pour de nouvelles recrues. Ainsi, c’est Wayne Perkins à la guitare sur « Fool to cry », Jagger y jouant du piano électrique et Nicky Hopkins du piano acoustique et du synthétiseur à cordes.
Peu de Rolling Stones pur dans cet album, dit Mick Jagger lui-même. Enregistré aux studios Musicland, à Munich, « Black and Blue » est bien plus funky, reggae que l’album « Goats Head Soup », enregistré, lui, en Jamaïque, sans la moindre influence reggae. Étonnant. Deux semaines en Jamaïque en 72 ont-elles pu influencer un album en 76 ? L’effet retard peut être... Faut laisser poser… The Meters, groupe très funky, n’ont peut-être pas fait la première partie des Stones en mai 1976 pour rien….
Derrière les murs d’une maison du Sud de la France où se cache un groupe mythique, se préparent les futurs concerts dont celui de juin 1976 à Nice, pour lequel on pourra lire les gros titres sur Nice Matin : Les « Rolling Stones » à Nice. 20000 fans, 2h de concert, 10 blessés.
Le journal finira par comptabiliser trente spectateurs hospitalisés dont certains dans un état jugé sérieux. Les « Hell’s Angels » avaient encore sévi, provoquant une bagarre d’une violence inouïe, comme à Altamont, Californie en 69, où un jeune le paya de sa vie. La drogue et l’alcool firent pas mal de ravages aussi ce soir là. Lorsque Jane Austen, auteure du début du XIXe siècle décrivait le vrai style anglais en désignant cette apparente indifférence devant tout attachement, ce mépris du jugement d’autrui, elle ne pensait pas si bien décrire ce que les Stones disaient d’eux mêmes : « Nous vivons selon nos propres codes de comportement, sur nous tout glisse. »
VIVA LA WOLFE (grunge), Prosperity (24/11/2023)
Le 27/11/2023
Entre Black Sabbath et Alice In Chains, Viva La Wolfe ne manque ni d'inspiration ni de souffle pour restituer ses racines.
Par Ahasverus
On n'a pas réussi à gratter grand chose sur ce Viva La Wolfe, peu loquace sur son passé. On sait tout de même que la formation est originaire d'Esbjerg, une ville qui possède le port le plus important du Danemark sur la Mer du Nord, et que le quintette est en ordre de marche depuis au moins cinq ans puisqu'il sortait un single-clip bien abouti dès 2018.
En 2023 c'est avec un long format que Viva La Wolfe refait parler de lui via le label français M&O Music. L'album s'appelle « Prosperity ».
C'est d'abord dans les champs que souhaite nous entraîner l'équipe danoise ; elle annonce sa rusticité, privilégiant le noir et blanc dans un premier single-clip.
Rusticité restera le maître-mot de cet opus de cinquante-trois minutes : rusticité dans le son, crade jusque dans les arabesques de la guitare de « Paralysis » ; rusticité dans les figures tutélaires que ne manquera pas de vous évoquer l'écoute des neuf morceaux.
C'est certainement le nom de Black Sabbath qui vous viendra à l'esprit, « Justice », « Breath Out », « Despot » ou « Leech » ayant une parenté avec les premiers albums du quatuor de Birmingham, mais ce sont encore plus les similitudes avec le Alice In Chains de Layne Staley qui vous frappera à l'écoute du titre « Long Gone », qui aurait parfaitement pu compléter la setlist de l'album « Jar Of Flies ».
Un possible rapprochement avec le son d'un Pearl Jam ne vous échappera certainement pas non plus sur des titres comme « In The Fields » et « Druid's Trail ».
Tanguant parfois sans jamais tomber, Viva La Wolfe n'en abat pas moins un grunge puissant (« LAX »), sans fioritures, désinvolte tout au long d'un premier album sombre. Pleinement maîtrisé, d'un caractère affirmé, « Prosperity » glisse nonchalamment comme un esquif fendant les eaux d'un marais saumâtre (« Justice »). Efficace et archaïque, il impose Viva La Wolfe, qui ne manque ni d'inspiration ni de souffle pour restituer ses racines. Une sortie intéressante, qui révèle un groupe au potentiel certain. Il pourrait trouver un public qui ferait bien de le suivre.
« Prosperity » est disponible depuis le 24/11/2023 chez M&0 Music.
BERNARD LAVILLIERS (rock), Métamorphose (17/11/2023)
Le 18/11/2023
« Cet album est une vraie bonne idée, tentante comme une confiserie, et elle est certainement la pièce qui manquait à la discographie du Stéphanois. »
Par Ahasverus
Pour son vingt-quatrième album studio, après l'intimité de « Sous un soleil énorme » (2021) imposée par la pandémie qui mettait à distance les musiciens du monde, Bernard Lavilliers a décidé de revisiter son répertoire en réenregistrant au studio Guillaume-Tell de Suresnes treize de ses morceaux au milieu d'une cinquantaine de musiciens.
L'idée, explique le chanteur, est née voici un an tandis qu'il donnait un concert unique à la Maison de la Radio avec l'orchestre de Radio France. Accompagné par Vincent Faucher à la guitare, Antoine Reininger à la basse, Xavier Tribolet aux claviers et Michaël Lapie à la batterie, Lavilliers propose donc treize chansons de son répertoire remaniées à la sauce symphonique ainsi qu'un inédit, « La Bandiera Rossa » (traduisez « Le Drapeau Rouge »), un morceau inspiré par un chant révolutionnaire italien.
S'il conserve son timbre intact, Bernard Lavilliers se fait discret pour donner la priorité aux orchestrations remarquables de Cyrille Aufort. Le bain de jouvence e l'arrangeur habille les compositions d'une élégance sans les trahir, et les fans du Stéphanois apprécieront de retrouver sous cette forme les visages familiers de « Betty », « Noir et Blanc », « Petit », « Attention Fragile », « La Grande Marée », « Les Mains d'Or », « Traffic » et quelques autres. Ils pourront regretter quelques grands absents (« La Salsa » en tête) mais le répertoire de Lavilliers est si riche qu'il faudrait cinq volumes symphoniques pour satisfaire le monde.
Reste que cet album est une vraie bonne idée, tentante comme une confiserie, et qu'elle est certainement la pièce qui manquait à sa discographie. Il en existe une édition agrémentée d'un CD de neuf titres supplémentaires issus du concert-hommage à Léo Ferré de 2006.
La tournée qui suivra à partir de mars 2024 est à ne pas rater : Lavilliers envisage de se produire avec des orchestres régionaux. Hâtez-vous pour réserver vos billets car certaines dates affichent déjà sold-out !
RUMKICKS (punk rock), Born Rude (27/06/2023)
Le 11/11/2023
Un instantané punk-rock frais comme un Ramones.
Par Ahasverus
Rumkicks est un groupe de punk rock qui a pris naissance en Corée du Sud aux alentours de 2019.
Les Séoulites ont construit leur succès à l'aide de singles et d'un EP (« Brutality », 2020) mais aussi d'une image, et c'est cette alchimie globale a permis au trio de se faire remarquer et d'exporter leur musique à l'international.
L'ascension ne s'est pas faite dans la facilité si l'on en croit ce que le groupe expliquait au magazine Devilution dans une interview de 2022 : « La Corée est un pays très conservateur qui ne vous permet pas de vous teindre les cheveux. Yeawon (NDLR : chant/guitare) porte une perruque quand elle va au travail, une perruque noire. Ici, au Royaume-Uni, il existe de nombreux tatouages. C'est illégal en Corée. »
L'engouement du public est désormais acté et il a permis à Yeawon et à son gang de partager la scène avec des formations aussi réputées que Bad Religion et The Exploited.
En juin 2023 Rumkicks revenait avec un album intitulé « Born Rude ».
La création de « Born Rude » s'est faite sous pression :
« Normalement, nous écrivons une chanson lorsque nous avons une idée, expliquait le groupe à Devilution Magazine. Mais cette fois, nous avions une date limite pour l’album donc nous avons dû écrire de nouvelles chansons le plus vite possible. C’était une période assez difficile pour nous car rien ne nous venait à l’esprit. »
RUMKICKS par Nagoya
Pourtant les treize compositions signées Yeawon, dont nombre, déjà sorties en singles, ont été réenregistrées pour cet album, sonnent juste.
Côté lyrics (en Coréen ou en Anglais) la frontwoman a puisé dans les expériences personnelles du groupe. Ainsi « Don't Touch My Head » naît d'une anecdote de tournée, tandis que l'une des filles après un concert voyait un homme ivre tenter de toucher ses cheveux sous la douche. « Punk Is Nowhere », autre exemple, est une réponse à des attaques de haters reçues sur les réseaux sociaux.
Allant à l'essentiel, la formation coréenne délivre en trente minutes des chansons dont l'efficacité n'a d'égale que la simplicité, à l'instar des « Drinking Everyday » et « Rude Girl Oï » qui ouvrent l'album.
Les mélodies dégagent fluidité et énergie et doivent plus aux Ramones (« Punk Rocker », « Goodbye Song », « Punk Is Nowhere ») qu'à la pop punk cependant présente (« I Don't Wanna Die »).
Qu'on ne se méprenne pas : parler de simplicité à propos des titres alignés sur ce « Born Rude » n'a rien de péjoratif. A grands coups de « Oï » et de répétitions rythmiques, Yeawon développe un talent de hit maker certain et permet aux Coréennes de réaliser un instantané punk-rock frais comme un premier Ramones. C'est une pleine réussite qui ne connaît aucune perte et qui contribuera à parfaire la fanbase déjà conséquente des Rumkicks.
DUMMY TOYS (punk rock), War Is Nightmare (07/06/2023)
Le 01/11/2023
« Aucun des neuf morceaux présents sur cette galette ne veut relâcher la pression et arriver dernier. »
Par Ahasverus
Qinhgdao est une ville côtière de l'Est de la Chine réputée pour... sa bière ! Le groupe de punk-rock chinois Dummy Toys ne pouvait donc trouver meilleur endroit pour se développer au pays du Milieu.
Dummy Toys est un quatuor féminin. En 2020 il propose un premier album au titre clair : « Not A Puppet ». Les filles n'ont pas l'intention de faire tapisserie et elles balancent douze titres d'un punk-rock ramassé avec des morceaux courts pouvant se montrer extrêmement nerveux (« Adespota Thing »). Loin de se crisper sur son rocher, Dummy Toys tente même une approche originale avec une rythmique ragga sur le morceau « Anti Sweet Girl ».
L'ouverture rappelle The Clash. Par ce trait et par d'autres propositions, « Not A Puppet » n'est pas sans présenter quelques similitudes avec la discographie de la formation britannique (« City Of Dead » ), tandis qu'un titre comme « DMC Baby » nous ramène plutôt aux débuts de Blondie.
On trouve donc beaucoup de qualités dans le matériel des Dummy Toys, avec un premier long format particulièrement respectable qui peut aussi présenter un visage hardcore (« Flying Young Girl », « Mentally Deficient » ).
C'est sur ce côté hardcore qu'appuie Dummy Toys quand il sort son second album, « War Is Nightmare », le 07/06/2023.
« Peu importe que la mélodie ne sonne pas bien aux oreilles du grand public ou ne lui plaise pas assez, nous voulons simplement faire entendre notre musique fort sans avoir à en expliquer le sens », peut on lire sur le Bandcamp du groupe.
Avec des titres extrêmement vifs, le gang chinois ne peine pas pour faire entendre ses intonations à la Slayer ou à la Death Angel (« Stop Your Control », « Wake Up »).
Les nouvelles compositions sont faites d'une écriture très serrée, avoisinant généralement les deux minutes, et pas une piste ne passe au dessus des 03:18. Il semble qu'aucun des neuf morceaux présents sur cette galette ne veuille relâcher la pression et arriver dernier.
Dummy Toys réussit ainsi un album de punk furieusement efficace et hardcore (« Network Mob »), avec des slogans marquants (Do not forget / Do not forgive — Disaster). D'ailleurs le groupe assure : « Même si nous savons qu'il n'y a pas grand chose à changer, nous voulons quand même rester toujours éveillés. ».
« War Is Nightmare » est donc un album qui dépote, un concentré d'énergie punk beaucoup plus choquant que son prédécesseur, et la puissance dégagée par le songwriting force le respect. Ces ving-trois minutes suffisent clairement à Dummy Toys pour enclencher la vitesse supérieure. De même, elles suffiront à vous botter le cul. Une recommandation cependant : le son des plateformes de streaming peut présenter des faiblesses. Nous vous conseillons de privilégier l'écoute sur Bandcamp qui proposera une bien meilleure qualité : https://dummytoyspunk.bandcamp.com/album/war-is-nightmare
7 WEEKS (rock), Fade Into Blurred Lines (13/10/2023)
Le 19/10/2023
« Fade Into Blurred Lines » conduira vos émotions aussi sûrement que le cuivre conduit l'électricité.
Par Ahasverus
Voici la nouvelle livraison de 7 Weeks. Elle s'appelle « Fade Into Blurred Lines ».
Nous l'abordions avec une pointe de doute : nous avions adoré « Sisyphus », l'un des meilleurs albums de rock de l'année 2020, et voici que 7 Weeks entendait rebattre les cartes dans une formule trio avec un album « enregistré live, sans artifice » que le dossier de presse estimait « moins solaire, plus terrien ».
Ne laissons pas s'installer le suspense plus longtemps : nous avons trouvé l'opus excellent au point d'en faire notre album du mois dans notre newsletter n°11.
Nous voila rassuré : dès le premier morceau, « Gorgo », on retrouvait l'ADN inaltéré du groupe, cette voix caractéristique, ces rythmiques vrombissantes, cette guitare indépendante, toujours en mouvement, enfin cette élégance permanente dans le placement.
7 Weeks lachait « Gorgo » en premier single, disant à son sujet : « Gorgo parle de fuite en avant, du rapport intime au monstrueux, des jours sombres qui pétrifient quand on ose les regarder en face. Texte symbolique, Gorgo illustre la crise de sens que nous traversons et les lignes de fuite que nous créons pour y échapper : repli sur soi, confort viral et illusoire, certitudes figées. On avait cet arpège crimsonien en stock ainsi que cette image d’un personnage qui se retrouve figé face à ces certitudes. On a donc combiné les deux idées avec l’image de la Gorgone mythologique. »
Certes, d'autres morceaux sont possiblement plus radicaux, et le son préparé par Pascal Mondaz est peut-être légèrement plus brut, plus crissant. Mais l'identité de 7 Weeks est affirmée et sa signature reste heureusement omniprésente.
Entre explosivité (« Blackhole Your Heart ») et émotion (« Mute »), le trio ne tranche pas.
Il alimente son fourneau avec la même classe, et bien que ses ingrédients soient différents de cette formation, nous sommes tenté de le comparer à Screaming Trees pour sa marginalité dans le grunge rock et pour la beauté évidente qui habille certains morceaux.
Finalement la parenté de « Sisyphus » à « Fade Into Blurred Lines » s'impose, non par une gémellité mais bien par un air de famille. « Fade Into Blurred Lines » suit son propre chemin mais n'aura rien à envier au remarquable « Sisyphus ». Comme lui, il fait mouche, qu'il serpente paresseusement (« Shimmering Blue », « Castaway »), qu'il parte à bride abattue, effréné et strident (« Wax Doll »), ou qu'il évoque des images western (« Windmills »).
« Fade Into Blurred Lines » se referme en finesse avec l'intime « Travellers ».
On apprécie que 7 Weeks n'ait rien lâché après « Sisyphus » : il a posé sa patine sur chaque note de « Fade Into Blurred Lines ». Le résultat est infiniment séduisant et conduira vos émotions aussi sûrement que le cuivre conduit l'électricité.
« Fade Into Blurred Lines » est notre Album du Mois. Il saura illuminer votre octobre 2023.
BRIAN SETZER (rockabilly) The Devil Always Collects (15/09/2023)
Le 18/09/2023
« The Devil Always Collect » s'écoute tellement bien qu'il file comme une balle sur un lecteur en pente !
Par Ahasverus
Brian Setzer amorce sa tracklist avec énergie, comme pour affirmer qu'il en a sous le pied (« Rock Boys Rock », « The Devil Always Collect ») avant de nous entraîner vers un rockabilly plus 50's, pas si éloigné de la country (« Girl On The Billboard »).
Ceci fait, le voila qui swingue (« A Dude'll Do (What A Dude'll Do) », fait des oeillades à « Cut Across Shorty » (« Play That Fast Thing (One More Time) »), bifurque vers un blues à la Gene Vincent (« The Living Dead »), flirte avec la soul (« She’s Got A Lotta...Soul! ») pour conclure par un groove jazzy à la « Fever » (« One Particular Chick »).
Rien à reprocher à ce voyage dans les 50/60's, suivez le guide, jamais nostalgique, toujours dans l'action. Pour vous démontrer que c'était pas mieux avant, il s''éclaire parfois de morceaux plus actuels, tels « Black Leather Jacket », très efficace, ou « Psycho Suzie », mélange de tradition (le rythme) et de modernité (le son).
Fidèle à ce qu'il est, à ce qu'on attend de lui, quasi académique, excellent chanteur, musicien créatif , guitariste reconnu qui discute en permanence avec son instrument (« What'll It Be Baby Doll? », « She’s Got A Lotta...Soul! », « A Dude'll Do (What A Dude'll Do) »), Brian Setzer s'y entend bougrement pour faire swinger les rythmes et pour nous régaler. Il reste l'un des gués les plus sûrs pour retourner aux sources du rock sans se mouiller les pieds dans la pantalonnade (suivez mon regard). Le rocker de New-York réussit là encore un album au pas sûr, efficace et sans faille. Si le genre vous est familier, vous n'allez pas être déçu, si ce n'est par ce constat qui vous prendra à la toute fin : c'est passé trop vite ; « The Devil Always Collect » s'écoute tellement bien qu'il file comme une balle sur un lecteur en pente ! Fans de rock, rassurez-vous : Brian Setzer n'a rangé ni sa Gretsch, ni sa banane blonde ni son perfecto ; il garde son énergie intacte, son inspiration tout autant.
ARBORN (rock), Se Jouer (08/09/2023)
Le 17/09/2023
L'ambiance générale installée par Arborn reste chaleureuse, tamisée, douce jusque dans ses thématiques les plus sombres.
Par Ahasverus
Stéphane Leborgne, alias Arborn (le borgne en langue bretonne), est un auteur-compositeur-interprète-multi-instrumentiste et producteur français.
On lui doit notamment le « Tour du monde en 80 instruments », un projet musical et pédagogique, ainsi que le « Merveilleux Voyage d'Alan, des Côtes Bretonnes aux Terres Africaines » un conte qui permet de découvrir une quarantaine d'instruments ethniques. Il a enfin, en 2017, sorti un premier long format aux compositions toujours très recommandables qui mélangent bombarde, percussions, piano, cornemuse, orgue, flute et encore harmonica : « Le Banquet des Moutons ».
Arborn revient le 08/09/2023 avec treize nouveaux titres pour un deuxième album, « Se Jouer », qu'on accueille avec bienveillance et curiosité.
Ce nouvel opus présente une variété française légèrement imprégnée de folk (« Ca Me Va d'Être Moi », « Rien Ne s'Oublie »), de blues (« Souveraine »), de rock (« Ivre de Nuit », « Vainqueurs et Vaincus »), largement saupoudrée d'influences celtiques (« Le Rire de Mary », « L'Homme A La Cornemuse », « La Fille Au Parapluie »). Il se fait généreux et musical, laissant une impression d'agréable simplicité même quand ses instrumentations s'avèrent riches et variées. Il est une suite de mélodies fluides aux allures autobiographiques (« Le Locataire », « On T'Aime Encore Suzy », « La Fille Au Parapluie »), en tous cas intimistes, parfois graves et impliquées (« Pour Un Monde Meilleur » ). Le tout est bien écrit (Arborn a collaboré dans ce domaine avec Boris Bergman, le parolier de Bashung) et l'ambiance générale qu'il déroule reste tamisée, chaleureuse, douce jusque dans ses thématiques les plus sombres. Si le propos de « Se Jouer » n'est pas de vous faire headbanguer vous pourrez tout de même taper du pied quand les guitares viendront vous chercher (« Le Locataire »). « Se Jouer » est surtout une nouvelle proposition de la scène française, séduisante, soignée et bien autoproduite. Elle n'est pas dépourvue d'originalité et vous aurez plaisir à découvrir sa signature.
RICK SPRINGFIELD (rock), Automatic (04/08/2023)
Le 31/08/2023
« Mon objectif était de solides morceaux de trois minutes avec les plus gros refrains que je pouvais trouver. »
Par Ahasverus
Rick Springfield donne une nouvelle preuve de son talent avec un album particulièrement accessible, mélange de rock et de pop, avec une instrumentation d'apparence dépouillée mais finement travaillée.
Parfois purement pop (« Fake It Til You Make It »), parfois teinté de folk à la Paul Simon (« Come Said The Girl »), de soul (« The Cure For Loneliness »), « Automatic » est plus généralement rock, et c'est massivement un mélange des genres.
Si les compositions de Springfield s'articulent autour des riffs de guitare, ce qu'on remarque ce sont les magnifiques choeurs féminins et les cuivres qui accompagnent ces vingt chansons catchy qui parlent de Dieu, de la mort et du sexe. « C’est essentiellement ce que j’ai écrit sur les dix dernières années, explique l'Australo-Américain. Je suis toujours à la recherche de Dieu, intéressé par le sexe et curieux de la mort. »
L'album s'appelle « Automatic » parce que « les chansons sont sorties d'elles-mêmes », complète l'artiste. « Mon objectif était de solides morceaux de trois minutes avec les plus gros refrains que je pouvais trouver. » De fait, le cahier des charges se voit totalement respecté et les vingt morceaux bien produits balancent autour de cet axe des trois minutes pour nous garder à leur disposition tout au long des cinquante-huit minutes de l'album.
« Automatic » est disponible depuis le 04 Août 2023. C'est une sortie Songvest Records.
SERAINA TELLI (rock), Addicted To Colors (25/08/2023)
Le 27/08/2023
Dans la lignée de « Simple Talk », auquel il est peut-être légèrement supérieur, « Addicted To Colors » vous confortera dans l'idée que Seraina Telli est une artiste accomplie qui possède un style bien à elle, généreux, fougueux et intense.
Par Ahasverus
Moins d'un an après « Simple Talk », le premier album réalisé sous son nom, SERAINA TELLI revient avec un second opus intitulé « Addicted To Colors ».
Première frontwoman de Burning Witches, la Suissesse aux cheveux bleus ou verts, chanteuse, songwriter, multi-instrumentiste, quitte ce combo en 2019 pour fonder son groupe de métal progressif, Dead Venus. Elle nous donne, avec lui, deux beaux albums, « Bird Of Paradise » en 2019 et « Flowers & Pain » en 2022.
Mais depuis 2022, c'est un nouveau projet dans un nouveau style, que nous propose Seraina.. Avec des titres dans un registre Big Rock/Rock Hard qui ne conviendraient pas à son groupe de prog'.
Ce nouvel album, « Addicted To Colors », s'ouvre par « Song For The Girls », un rock énergique totalement dans la continuité du précédent opus solo, « Simple Talk ».
Très affûté, « Monkey & Zookeeper » enfonce le clou, et si « Left Behind » semble vouloir calmer le jeu il finit lui aussi par s'emballer !
Les titres s'enchainent joliment, parfois très hard (« Think »), le plus souvent débordants d'énergie (« Be Somebody »)
Séraina propose une reprise superbe du « Spaceman » des 4 Non Blondes. Il s'inscrit parmi les temps forts de l'album.
Autres excellents moments : « If No One Else Had Ever Been There Before » et « Addicted To Colors ». Les rythmiques vous embarquent, avec en prime un un beau travail sur les harmonies et les voix, mais aussi sur les lyrics (« Hit Shit ») !
La Suissesse est partout. Elle n'a pas lésiné sur les voix ni sur l'énergie, nette dominante de cet album de rock. Cependant des titres comme « The Harder Way », ou « All Your Tears », qui est un peu à cet album ce que « Remember You » était au précédent, rappellent que Seraina sait aussi passer en finesse et en émotion.
Dans la lignée de « Simple Talk », auquel il est peut-être légèrement supérieur, « Addicted To Colors » vous confortera dans l'idée que Seraina Telli est une artiste accomplie qui possède un style bien à elle, généreux, fougueux et intense.
BERNIE BONVOISIN (rock), Amo Et Odi (09/06/2023)
Le 11/07/2023
Certainement l'album le plus personnel de Bernie Bonvoisin. Peut-être le plus réussi.
Par Ahasverus
« Amo Et Odi » / « J'aime et je déteste ».
C'est le grand écart que Bernie Bonvoisin n'hésite pas à décliner sur son nouvel album solo, le premier depuis treize ans...
Le Francilien a fait appel à ses complices de Trust, David Jacob et Izo Diop, ainsi qu'à Jean-Pierre Bucolo, qui a joué, composé ou arrangé pour Renaud, Francis Cabrel ou Johnny Hallyday. Ils ont travaillé sur trente morceaux en trois sessions de quatre jours. Treize titres sont finalement retenus.
La pochette suggère un selfie devant les ruines d'Alep.
Il est légitime pour pointer nos dérives, Bernie, qui se rendait à Beyrouth en 2016 pour réaliser le reportage « Paroles d’enfants syriens, la misère entre deux jardins ».
Un album, c'est d'abord une ambiance. Sur « Amo Et Odi », slide et dobro se succèdent en lumière tamisée que la batterie fait vibrer.
C'est musicalement l'opus le plus dépouillé de Bernie, textuellement son plus intime.
Il réserve les choeurs aux occasions, ose le piano-voix pour évoquer son père (« A s'en ouvrir les veines »). C'est comme avancer nu.
La sobriété est si forte que les cris qui ponctuent le rythme de « Si c'était à refaire », à la manière du « Bonny And Clyde » de Gainsbourg, sembleraient presque un pic de sophistication.
Calme et résolu, Bernie Bonvoisin n'a rien lâché de ses engagements (« Allons Zenfants »). Il compose un album au plus près de sa peau, doué d'une vraie force créatrice capable de faire naître des images.
Certainement son album solo le plus personnel. Peut-être le plus réussi. Il est disponible depuis le 09/06/2023.
THE GUESS WHO (pop/rock), Plein d'Amour (30/06/2023)
Le 08/07/2023
Cinquante-sept ans d'expérience et de talent vous parlent.
Par Ahasverus
The Guess Who est un groupe de rock canadien formé en 1965 à Winnipeg. Ca remonte, hein ?
Il a connu son heure de gloire dans les 70, conservant même la première place du Billboard Hot 100 (un classement des cent titres les plus populaires des USA) durant trois semaines avec le titre « American Woman » (1970) !
Au cours de son histoire, The Guess Who a compté dans ses rangs Randy Bachman (Bachman-Turner Overdrive) et Rudy Sarzo (Quiet Riot).
Une carrière faite d'interruptions et de réunions qui nous amène en 2023 avec le nouvel album : « Plein d'Amour ».
« Plein d'Amour » s'ouvre sur le titre « The King », parsemé de superbes harmonies vocales.
Un grand sens de la mélodie et des harmonies chorales s'installent sur la durée, ainsi qu'une douceur certaine.
Les morceaux de The Guess Who sont finement ciselés, avec de belles orchestrations. Clavier, basse, choeurs, guitare, voix, piano, violon, se succèdent ou se mêlent pour atteindre parfois des sommets dans un album qui sent le métier mais qui ne repose pas sur la technique.
Une atmosphère hors du temps se dégage de cet album harmonieux, souvent joyeux, qui renvoie aux Beatles de Paul McCartney pour le sens mélodique et les arrangements, et à Queen pour les harmonies vocales.
La fluidité se dégage de ces mélodies pop-rock d'aspect simple et pétillant, avec quelques incartades folk 70s (« Headline ») ou hard-rock (« Plein d'Amour »).
Cinquante-sept ans d'expérience et de talent vous parlent. The Guess Who 2023 a conservé assez de jus pour livrer un album hautement agréable et simplement beau, foisonnant de détails aussi sonores que lumineux.
SHAKA PONK : Un petit tour et puis s'en vont
Le 06/07/2023
Shaka Ponk, à son zénith, prend congé avec un album efficace, sans effets de manches et carrément grand.
Par Ahasverus
1.- SHAKA PONK : La Story
Selon Wikipedia Shaka Ponk tirerait son nom du premier bouddha (Shākyamuni) et d'une tribu amérindienne, mais on n'a rien trouvé à propos de ces Indiens - le peuple Poncas, peut-être ? Ponk est aussi vraisemblablement un clin d'oeil à Punk.
Le groupe se forme en 2002, c'est un collectif rassemblé autour de l'image (leur singe-mascotte ne les quittera jamais) et de la musique. On peut considérer que c'est à Berlin qu'il nait réellement, c'est en tous cas là qu'il prend son envol. Il sort quelques démos et il a l'opportunité d'assurer les premières parties de groupes comme Korn ou Mudvayne. Il signe avec un label allemand (Edel Music), suffisamment professionnel pour lui donner de solides bases. En 2005 il donne naissance à son premier EP, « Hyppie-Monkey », dont quatre morceaux sont repris sur le premier album de sa discographie, « Loco Con Da Frenchy Talkin » (2006). Musicalement, ça fusionne à tout va : guitares heavy, basse funky, ingrédients électro, punk, hip-hop, et des textes en Français, en Anglais ou en Espagnol... Les bases de Shaka Ponk sont posées. Il rompt son contrat avec Edel Music et sort « Bad Porn Movie Trax » en indépendant en 2009. C'est un succès. Shaka Ponk passe à Taratata et se voit nommé aux Victoire de la Musique dans la catégorie « révélation scène de l'année ». Le groupe explique à La Grosse Radio : « On a gagné 100 places de disques en quatre minutes. On a halluciné. On était 204ème – ça faisait presque un an que l’album était sorti – et on est passé à 101ème, après le morceau, donc que du téléchargement et tout ça, enfin ça reste pas énorme, surtout par rapport au monde qui regarde. »
« The Geeks and the Jerkin' Socks », troisième album de Shaka Ponk, voit le jour en 2011. A propos de son titre, Ion (batterie), s'amuse avec Lords of Rock.net : « L’album devait s’appeler The Galactics and the Surfing Jokes. C’est Frah qui avait trouvé ce titre, qui l’avait dit à Sam, qui l’a répété à Steve et au final qui est arrivé à mon oreille, et moi j’ai entendu The Geeks and The jerkin’socks. J’ai trouvé ce titre mortel et on l’a gardé. » Il s'agit du premier opus avec Samaha Sam (chant), mais elle est présente dans l'entourage du groupe depuis ses débuts.
Dans une setlist très hétéroclite, l'album se referme sur deux featuring : le rappeur américain Beat Assaillant participe au morceau « Old School Rocka » et Bertrand Cantat est paradoxalement invité sur le titre « Palabra Mi Amor ». Marie Trintignant est décédée le 01/08/2003 et Noir Désir a jeté l'éponge voici un an. « On s’attendait à se faire un peu taper dessus, mais ça n’a pas été le cas » explique Samaha Sam à Lord Of Rock. « The Geeks and the Jerkin' Socks » est même mieux accueilli que son prédecesseur, il est disque de platine et se voit nommé aux Victoires de la Musique. Shaka Ponk ouvre pour Guns N' Roses lors de son concert parisien.
Le 18/03/2014, Shaka Ponk est nommé chevalier des Arts et Lettres par la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti.
En 2014 et 2015, Shaka Ponk présente deux opus qu'on peut considérer comme un double-album, les compositions de « The White Pixel Ape » et « The Black Pixel Ape » étant issues des mêmes sessions de composition et présentant respectivement la face lumineuse et la face sombre du groupe, comme le suggèrent les pochettes et les titres de ces longs formats.
« The Evol », le sixième album, sort en 2017. Shaka Ponk est à nouveau nommé aux Victoires de la Musique dans la catégorie « Meilleur album de rock français de l'année ». Le groupe profite d'un incident technique (arrangé ?) dans le lancement de son morceau lors de la cérémonie pour prendre une position affirmée sur le changement climatique.
En 2018, Shaka Ponk initie « The Freaks », un collectif de personnalités (Matthieu Chedid, Laurent Baffie, Calogero, Laure Manaudou, Maxime Le Forestier, on ne va pas les citer tous : ils sont soixante-huit à ce jour !) qui s'engagent pour la protection de la planète et qui invitent à passer de la parole aux actes en matière d'écologie grâce à une liste de gestes simples élaborés en collaboration avec la fondation Nicolas Hulot.
En 2020 sort l'anthologie « Apelogies ». Il s'agit d'un triple album composé de morceaux du répertoire réenregistrés, d'inédits ou de raretés et de titres live. Le clip « Funky Junky Monkey » voit Goz, le singe-mascotte de Shaka Ponk, s'incruster sur des images de notre culture collective, de Donald Trump à Clint Eastwood, en passant par Iron Maiden ou l'Arc de Triomphe. Cette chanson raconte l'histoire de ce singe très punk, post humain, qui vient reprendre sa place dans un monde d'où les Hommes l'ont exclu ».
2.- SHAKA PONK : Le nouvel album :
En 2022, Shaka Ponk, qui a laissé passer la pandémie, commence la préparation de son nouvel album. Il annonce qu'il s'agira du dernier opus, certains membres du groupe ayant décidé de s'investir dans d'autres projets, et notamment, les chanteurs Frah et Samaha, recentrés sur « The Freaks ».
Le dernier opus du groupe est simplement intitulé « Shaka Ponk ».
Il sort le 16/06/2023. Il s'ouvre sur des rock aussi énervés (« D'Essence ») qu'obsédants (« Alegria »,« 3000 Heures »), quand il ne vire pas purement au riff de hard à la AC/DC (« Dad'Algorythm »).
Côté lyrics, « D'Essence » respire à plein poumons la transition écologique qui s'amorce: « Je mène mes gosses à l'école dans cette grosse bagnole / on s'en fout, on s'enfume / il pourront bien aller pleurer leur père sur la lune. »
Shaka Ponk aime plus que jamais jouer avec les mots et la parenté avec Noir Désir est évidente. A ce titre, « Allegria » est un festival : « Même si la terre est ronde / J'en ai rien à carrer » ; « Si l'enfer est ici, alors autant s'en faire / S'en faire un paradis.»
Au sommet de son art, Shaka Ponk a privilégié les textes en Français, jouant avec les mots de la contestation : « Replonge ta face dans ton Iphone / C'est fou comme on se sent bien avec le compteur à copains. » ; « Il faut suivre le move / Même si le move ment » (« J'aime Pas Les Gens ») ; « Tout le monde danse quand ces gens-là claquent des doigts / Mais moi je danse pas. » (« Tout le monde danse. »)
L'album trouve sa pause avec le suave « Il y a ». « Resign » sonne le glas dans un format à la Skip The Use.
Ainsi Shaka Ponk, à son zénith, prend-il congé de vous avec un album de trente-neuf minutes, efficace, sans effets de manches, carrément grand. Il a su assimiler et synthétiser tout ce qui a fait la diversité et la puissance du rock français. En tournée jusqu'à fin mars 2024, vous pourrez l'applaudir une dernière fois ici : http://shakaponk.com/tournee/. Ensuite, il pourra reposer auprès de La Mano Negra, de Noir Desir et des Négresses Vertes au Panthéon du rock français.
TR3NTE (rock), Cicatrices (15/06/2023)
Le 03/07/2023
La signature du groupe est forte et singulière. On pense aux voix de Manigance au temps de Delsaux, à Sortilège ou à Antechaos, même si, et c'est bien là tout l'intérêt, le registre de TR3NTE n'est précisément semblable à aucun d'eux.
Par Ahasverus
Tr3nte fait partie de ces formations qu'on retrouve avec plaisir.
C'est frais. Mais pas des jeunots, hein...
Le groupe prend forme en 1999. Un premier album éponyme en 2004 et un second, « Vu Du Ciel », en 2006. Quelques belles opportunités plus tard, dont une première partie de Great White et de l'ex-White Lion Mike Tramp, Tr3nte appuie sur pause tandis que ses musiciens se dispersent. Steph Reb et Fabrice Trovato rejoignent deux formations pionnières du hard français : Océan pour le premier (ils enregistrent ensemble l'album « C'est La Fin »), Still Square pour le second, qui martèlera les fûts sur les albums « Laissez-Les Rêver » et « Hard Rock N' Roll ».
2018 marque l'heure de la reformation, et c'est en 2021 que nous est présenté « Aveugle et Sourd », le troisième album sorti malgré la pandémie.
Deux ans plus tard, Tr3nte revient avec un quatrième long format : « Cicatrices ».
Si Mr Big, Foo Fighters et Riverdogs sont les influences citées par le groupe, elles sont difficilement perceptibles dans ses efforts discographiques, tant la signature de la formation française est forte et singulière.
Le chant, d'abord. On pense invariablement à d'autres grandes voix dont les signatures hautes sont au service de textes en Français : l'ex-Manigance Didier Delsaux, le chanteur d'Antechaos, Christophe Billon-Laroute, ou encore Christian Zouille Augustin, le frontman de Sortilège, même si le registre de Steph Reb n'est précisément semblable à aucun d'entre eux. C'est bien là tout l'intérêt. Et sa voix remarquable se marie à merveille avec des textes percutants :
« On a fait tout comme appris / Traverse au rouge, mon petit / Aime ton prochain comme je suis / Pour une niche au paradis / Sinon quoi ? »
Côté rythmiques, « Sinon quoi » sert d'appât, tandis que « Juste Un Homme Heureux » vous ferre solidement. Puis la voix et la guitare se mêlent (« Derrière Les Persiennes »), une lead mélodieuse qui multiplie les belles interventions tout au long de l'album.
Une voix au registre rare, une guitare lead inspirée, la tâche n'est pas des plus faciles pour le duo basse/batterie qui trouve pourtant son chemin grâce à une mise en place et à une production soignées qui permettent de suivre chaque ligne instrumentale d'un tandem qui n'entend pas jouer les faire-valoir.
Côté riffs, les guitares indiquent la direction, le hard par ici (« Refaire le Printemps »), le blues par là (« Quant à Moi »), mais l'identité du groupe s'impose et place cet album hors de toute étiquette. Génériquement rock, « Cicatrices » ne se départit pas d'une subtilité qui le rend franco-compatible, comme du temps où Calogero prenait le temps de faire de la qualité. On peut même penser à certaines choses de Florent Pagny (« Cicatrices », « Le Jour Où »)... Enfin, vous l'aurez compris, catégoriser cette formation capable d'amener de la finesse jusqu'au coeur du riff le plus punchy (« Humaine, Inhumaine ») relève du challenge.
« Je fais le contraire du convenu / Sans m'interdire d'écrire sur les murs / Le contraire de ce qu'ils ont voulu » assure Tr3nte.
C'est vrai cette fois encore, et on ne peut que l'inciter à continuer !
Sinon quoi ?
LERKA-JO (punk/fusion), Je Suis Lerka-Jo (24/03/2023)
Le 27/06/2023
Lerka-Jo, c'est pour du vrai. On n'attendait pas cette artiste au potentiel digne d'une grenade dégoupillée.
Par Ahasverus
« Champagne is fantastic for your brain ! »
C'est Lerka-Jo qui l'affirme, avec modération, bien sûr !
La pochette psychédélique plutôt kitsch présente une jeune fille assez gironde (mais rien à voir avec le département, Lerka-Jo est Toulousaine !) aux lunettes rouges et à la tenue jaune et noire, impossible abeille sur un fond zébré de bleu plus ou moins sombre.
Son logo rose avance en chasse-neige. Pousse devant ! Je passe !
C'est le premier album de Lerka -Jo, un huit pistes de vingt-cinq minutes au titre incontestable : « Je Suis Lerka-Jo ». Il succède à un double single sorti en 2022. Et il est disponible depuis le 24/03/2023.
Yep ! Pétillante comme ce champagne qu'elle célèbre en introduction de son huit pistes, Lerka-Jo propose un punk-rock d'abord festif . Il vous met d'autant mieux la tête à l'envers que la jeune fille égrène ses paroles débridées au bord d'une piscine, dans une « swimming pool session » aussi minimaliste que sa tenue.
Elle est pas belle la vie ? Cette légèreté est comparable à ces bulles de champagne qui savent si bien nous mettre du baume au coeur.
« Cringe Boom (Hard Step) », en seconde place, écrase la pédale façon hip hop. Gros riffs et chant rappé, mais la musique heavy est cependant brisée par d'imposants claviers. Les langues s'entremêlent, sans qu'on parvienne à les identifier toutes.
Troisième piste. Vous y êtes ? Mine de rien, Lerka-Jo vous a emmené dans les cordes. Maintenant vous allez ramasser ! Ca se passe du côté des lyrics. Gauche ! Droite ! Gauche !
« Il était une fois dans une ville lointaine / La plage, la fête, le vin, on imagine à peine / Là-bas avant l'orage, le soleil brillait / Là-bas avant la rage, les voisins s'aimaient. »
Gauche !
C'est que Lerka-Jo est Ukrainienne. Elle est arrivée en France à l'âge de quatorze ans. Sans sa famille. C'est le drame d'une vie, que l'Administration résume en deux mots : « mineure isolée ». C'est ça l'histoire qui vient saloper votre dance floor.
Tu peux ranger le champagne et les cacahuètes, Robert, c'est mort... « Je suis Lerka-Jo » est l'explication de texte que tu n'attendais pas, et elle a un double des clés. Elle parle Français avec une pointe d'authenticité collée au bout de la langue. C'est ça, l'accent qu'on avait pressenti mais pas identifié.
Son pays, Lerka-Jo, « c'était l'Ukraine, mais maintenant c'est la Russie / Où il fait très froid, mais on boit, y a pas de souci. »
L'art du débotté, on n'avait rien vu venir.
La jeune fille au bord de la piscine est partie se changer. Elle a prévenu : les interrogatoires, ça la gonfle autant qu'un contrôle d'identité : aux « Qu'est-ce que tu fais là ? Tu parles bien, tu as galéré ? / Tu fais des études ? Et la France, ça te plaît ? » Elle concède : « Quand on me pose des questions c'est rarement très marrant. ».
« Je suis Lerka-Jo » est incontestablement le titre- phare de cet album. On ne saura plus le regarder sans son éclairage.
« Citrus On Mars » voudrait calmer le jeu. Il change de sujet : « J'ai voulu sortir toutes les ordures / J'ai pas vu que tu étais caché dedans ». La multiplication des langues brouille les sens. Mais la musique est claire, le clavier obsédant, le riff heavy. Puis l'ambiance drum & bass s'installe sur « Mars5SF ». Grosses guitares toujours, quoiqu'on reste cette fois à la porte du texte. On le regrette, depuis qu'on connaît désormais la portée pratique du missile Lerka-Jo.
« Infractus » (sic) s'impose en titre fort avec un texte qui ferait presque passer la musique au second plan, prouvant que « Je suis Lerka-Jo » n'était pas un one-shot.
« Pornagraphia » dévale ses 02:17 comme une caisse à savon. Unstoppable !
« King Kong » clôture l'album sur un claquement de doigts dans une ambiance hip-hop. Son chant est en Anglais. Son accélération très rock trouve son souffle et conclut l'album efficacement.
Au final, on ne l'attendait pas, cette artiste au potentiel digne d'une grenade dégoupillée. Et certes pas une grenade à plâtre !
Lerka-Jo joue pour du vrai. Il serait dommageable de ne pas l'écouter. Elle sera à L'International, 5/7 Rue Moret, Paris XIème, le 12/10/2023.
« Je Suis Lerka-Jo » est disponible sur toutes vos plateformes.
BAD TRIPES, La Vie La Pute (23/01/2023)
Le 30/01/2023
BAD TRIPES a toujours cette capacité de vous faire jumper sur le caniveau à l'évocation des destins les plus tragiques.
Un peu plus de cinq ans après l'horrifique « Les Contes de la Tripe », album qui fait date dans le shock-rock français, Bad Tripes revient avec un line-up modifié pour moitié.
Exit Kami (basse), partie fonder Cernunnos, Exit Siger (batterie). Ils laissent la basse à Sir Mac Bass et la batterie à Frame (remplacé désormais par José Jordisson) qui rejoignent sur cet album les fondateurs et principaux songwriters de la formation marseillaise : Seth (guitare) et Hikiko Mori (chant).
En trois albums commis entre 2010 et 2017, Bad Tripes aura imposé à la scène française son empreinte et son exceptionnelle frontwoman, la bouillonnante, débordante et gouailleuse Hikiko Mori, mi-Arletty, mi-Catherine Ringer, véritable tornade scénique.
Son empreinte plutôt que son style, dis-je.
Car le nouvel album, sans abandonner tout à fait le grand cirque qui abritait le précédent opus, marque une rupture sur quelques points.
La cover, d'abord. Car « La Vie La Pute », titre de ce quatrième long format, ne propose pas cette fois de variation autour de sa fantasque et photogénique frontwoman. Seth (guitare), assisté de l'infographiste Thierry Caucino qui s’est occupé du packaging, a travaillé l'artwork (quel talent !) en privilégiant une approche bande-dessinée et en illustrant chaque chanson d'un dessin inséré au livret.
Sur cette pochette, une jeune femme est assise, pour le moins insouciante, rêveuse, musique dans les oreilles, son espérance de vie réduite à quelques secondes. La vie la pute ne fait pas de cadeaux...
Rupture visuelle toujours : Bad Tripes s'était illustré au travers d'une clipographie horrifique composée de véritables mini-métrages : « La Bouchère de Hanovre », « F*** Me Freddy », « Hansel ». Cette fois-ci il a choisi de lancer son album par une approche burlesque avec « La Madrague des Macchabées ».
C'est cette piste sautillante ouvre l'album, dynamique et festive.On retrouvera l'association plage et idées morbides sur un rythme cabaret-jazz avec « Jusqu'à La Lie ».
Rupture sonore enfin pour cette piste qui donne son nom à l'album : « La Vie La Pute ». Bad Tripes s'essaie au hip-hop mâtiné de quelques gros riffs. L'incartade sonne bien et Hikiko Mori est à son aise. Nous sommes curieux de savoir comment cette chanson sera perçue sur scène (Une indiscrétion nous assure que les nouveaux morceaux passent très bien en live).
Si nous prenons acte avec ce quatrième album de la naissance d'une nouvelle ère, Bad Tripes n'en renonce pas pour autant à ce qui a forgé son identité.
Ainsi après « Les Griffes de la nuit » (« F*** Me Freddy ») ou « Elephant Man » (« Dame Elephant »), le cinéma reste-t-il — et peut-être plus que jamais — une référence omniprésente dans l'univers des Marseillais : on le retrouve dans la « Madrague », dont le titre et les paroles pastichent Bardot (« Sur la plage ensanglantée / Coquillages et macchabées »). On l'entend dans « Les Yeux Sans Visage », agressif, puissant et scénique, inspiré du film de Georges Franju, ou dans « Apocalypse Now » — cependant que ce morceau est sans relation avec le succès de Coppola puisqu'il porte un regard désabusé sur la crise sanitaire que nous venons de traverser : « Moi qui rêvais d'incendies, d'un déluge lors d'une éclipse / Comme elle est triste, l'apocalypse ! »
Cinéma encore avec cette station de métro baptisée « Pignon », sur la pochette de l'album, référence avouée au personnage récurent des comédies de Francis Veber (« L'Emmerdeur », « Les Fugitifs », « Le Dîner de Cons »).
Cinéma enfin avec le clin d'oeil à « L'Aventure C'est L'Aventure » qui clôt le tournage de « La Madrague des Macchabées ».
Et si Bad Tripes avait fait là son album le plus cinématographique ?
De même les annales (je ne suis pas sûr quant au choix du terme...) criminelles retrouvent-elles leur place dans l'inspiration d'Hikiko Mori. Après l'affaire du Dahlia Noir et celle de Fritz Haarmann évoquées dans « Les Contes de la Tripe » (« Elizabeth », « La Bouchère de Hanovre »), c'est au tour du tueur de vieilles dames Thierry Paulin d'ensanglanter nos sillons avec « Schlass et Paillettes » : « Mes rêves de prince et de palaces / Valent bien plus que vos carcasses » estime le lugubre personnage.
Autre constante dans le mélange des guitares bien grosses (« Brûle-Moi Si Tu Peux »), et des samples. Il perpétue le passé des Marseillais.
Constante enfin l'acuité d'Hikiko Mori et sa culture de l'underground qui met en lumière ceux qu'on n'avait pas regardés : ici « Supermasochiste » rend hommage à Bob Flanagan, artiste américain dont l'art était contraint par la maladie ; là « Afro Girl » évoque la rappeuse féministe Zelda Weinen, de son vrai nom Maïa Izzo-Foulquier, artiste pluri-disciplinaire et activiste marseillaise , disparue en 2019 à l'âge de vingt-sept ans.
« La Vie La Pute » se termine par « Valya », conte musical tragique d'inspiration russe. La musique festive camoufle la gravité des textes comme un fond de teint sur les bleus : « Tes yeux couleur glaçon fermés sous l'poids des coups / Je suis le roi des cons ; je ne sens plus ton pouls ».
Capable de se renouveler, Bad Tripes présente avec « La Vie La Pute » un album de transition sans dévier fondamentalement de son axe. Il apporte des éléments inédits et marque ainsi une distance avec ses prédécesseurs. Il n'en oublie pas pour autant sa caractéristique fondamentale : cette capacité à vous faire jumper sur le caniveau à l'évocation des destins les plus tragiques. Un véritable tour de force.