C'est fini, The Grandmaster n'est plus lambda, il n'a plus le cul entre deux chaises, et il n'a même pas besoin d'enfoncer le pied au plancher pour impressionner.
Par Ahasverus
Il semble qu'on doive The Grandmaster à Serafino Perugino, tête pensante du label Frontiers Records, qui a eu l'idée d'unir le guitariste allemand Jens Ludwig (co-fondateur d’Edguy) à deux membres de Chalice Of Sin, le batteur Mirkko DeMaio et le bassiste/keyboardiste/compositeur Alessandro Del Vecchio.
En 2021, accompagnés du chanteur Nando Fernandes (Brother Against Brother, Sinistra), le groupe sort l'album « Skywards », une carte de visite faite d'un métal mélodique classique mais honorable.
Le chant du Brésilien, souvent comparé à Ronnie James Dio, nous rappelle notre Jo Amore national sur certains titres (« Skywards - Earthwards », « Turn The Page »), ne manquant ni de puissance ni de panache. Malgré cela il manque la petite étincelle de magie et l'album ne reçoit qu'un accueil tiède et respectueux. Il se voit qualifié d' « assez monotone » par Hard Rock 80, une première impression confirmée par Music In Belgium qui finit malgré tout « par découvrir toutes les subtilités de cet album, qui doit beaucoup à son chanteur. ». Enfin, pour Metalnews, le formalisme de l'affaire « finit par ternir la noblesse de l’album en la souillant d’une patine de redondance, mais les individualités, et la performance collective sauvent le projet du marasme en évitant au dernier moment l’écueil de l’ennui. »
Après cet essai en demi-teinte, The Grandmaster fait son retour sur Frontiers Records le 12/01/2024 avec l'album « Black Sun ».
Tirant les leçons du passé Nando Fernandes, pourtant plébiscité dans les chroniques, se voit remplacé par Per Johansson (Fate). Le Danois dispose d'une tracklist qui semble plus agressive que celle du premier album, et son chant maléfique et heavy (« Heaven's Calling ») ôte d'emblée cet aspect lisse qu'on reprochait à « Skywards ».
Des morceaux comme « Black Sun » ou « While The Sun Goes Down » ont exactement ce qui manquait à The Grandmaster, cette dynamique puissante qui vous pique dès la première écoute. Il y a désormais un potentiel de hit, des arrangements chiadés (« Learn To Forgive »), un solide travail sur les choeurs et les secondes voix, et du gros son. The Grandmaster a mis les bouchées doubles et Per Johansson bouscule l'auditeur à chaque intervention.
Ce deuxième essai est si nettement transformé que même la guitare de Jens Ludwig semble galvanisée. A l'évidence, la nouvelle formation a su trouver l'alchimie qui faisait défaut au précédent line-up. Elle se permet de complexifier sa structure musicale (« Something More ») et d'oser la ballade (« Fly, Icarus Fly ») sans ramollir le propos. C'est fini, The Grandmaster n'est plus lambda, il n'a plus le cul entre deux chaises, et il n'a même pas besoin d'enfoncer le pied au plancher pour impressionner (« Learn To Forgive »). Le respect est de mise ; le plaisir aussi. The Grandmaster a mis le paquet et il réussit à surprendre jusqu'à la dernière piste. Il conviendra désormais de compter avec lui car ce « Black Sun » s'impose comme l'une des réussites de ce début d'année 2024.