« Nous avons rapidement réalisé qu'être signées n'était pas tout à fait ce que nous avions envisagé. »
En 2015, après des débuts dans la pop music, The SoapGirls renversaient les tables et commettaient "Calls For Rebellion", le premier acte d'un revolt rock qui allait devenir la marque de fabrique de ce duo sud-africain. Nous avons demandé à Camille et Noémie Debray de revenir sur cette pierre angulaire de leur carrière.
Mais d'abord situons l'album dans son contexte.
2015 est marqué par des attentats terroristes en France (Charlie Hebdo, le Bataclan) et en Tunisie (Sousse). En Afrique du Sud, Jacob Zuma est président de la République depuis six ans. Musicalement, Bjork sort "Vulnicura", et Motörhead assène son tout dernier album, "Bad Magic". Où en sont The SoapGirls au milieu de tout ça ?
The SoapGirls : En 2015, nous écrivions des chansons sans arrêt. En Afrique du Sud à cette époque, il y avait de fortes attaques xénophobes tous les jours, et notre musique d'alors reflétait l'époque dans laquelle nous vivions. L'une des chansons, "Snakes and Ladders", nous a été directement inspirée après avoir été piégées dans un supermarché lors d'un vol à main armée.
Quant à "Bloody", elle a été écrite pour protester contre les attaques d'agriculteurs en Afrique du Sud, et contre tous les politiciens qui avaient du sang d'innocents sur les mains. Nous étions dans un environnement super merdique. Nous avons travaillé comme serveuses, essayant d'économiser suffisamment d'argent pour enregistrer et partir en tournée, "Champagne Cocaine" est née de ces expériences de serveuses. Après avoir enregistré cet album de seize titres en deux jours, nous sommes parties pour notre première tournée internationale au Royaume-Uni. Nous avons eu de nombreuses expériences révélatrices qui allaient inspirer le prochain album et réaffirmer notre passion de diffuser notre message de liberté à travers la musique.
Après une carrière Pop dans laquelle vous ne vous reconnaissez plus, vous reprenez votre indépendance, opérant un virage rock radical. Qu'est-ce qui vous décide ?
Nous avons toujours été des rockers et nous avons toujours porté un message à travers notre musique. Mais nous avons dû nous conformer à toutes les limites et aux idées que nous imposait le label. C'était une torture, qu'on nous dicte ce que nous n'avions pas le droit de faire. Être nous-mêmes et réaliser qu'ils ne partageaient pas notre vision... Nous avons essayé de sortir du contrat, il nous a fallu des années pour retrouver notre indépendance. Depuis, nous n'avons jamais regardé en arrière. L'un des moments les plus risibles a été quand ils nous ont dit de brûler tous nos vêtements et qu'ils nous habilleraient comme ils pensaient que nous devrions nous habiller. C'était fou ! Nous avons rapidement réalisé qu'être signées n'était pas tout à fait ce que nous avions envisagé.
Ce changement de direction est-il compris par votre entourage ?
Nous nous sommes retrouvées sur une liste noire en Afrique du Sud. Le grand public était furieux, mais nous avons appris qu'ils n'étaient pas de vrais fans. C'était très dur pour nous de devoir tout recommencer, avec tant d'obstacles sur notre chemin, mais nous n'avons jamais regardé en arrière. Nous avons simplement continué à écrire et à faire évoluer notre son.
De quand datent les compositions qui figurent sur "Calls For Rebellion" ?
Toutes les chansons de "Calls For Rebellion" ont été écrites dans une salle crasseuse à l'arrière de notre maison ; ces compositions étaient l'aboutissement de nos propres expériences personnelles et de ce qui se passait dans le monde à l'époque, entre 2014 et 2015.
Un «kiss my ass» subliminal
Vous rencontrez pas mal de problèmes pour enregistrer cet album. Vous partez jusqu'en Angleterre...
Nous n'avions pratiquement pas de budget à l'époque et nous avions besoin de seize chansons enregistrées en un peu moins de deux jours. C'était une entreprise énorme, mais nous l'avons fait. C'était une période très stressante.
Sur la pochette de l'album on vous voit de dos, peu vêtues, l'image coupée à mi-corps. On aperçoit vos guitares...
Cette image, c'est un «kiss my ass» subliminal à une société qui conteste la liberté d'autrui plutôt que de la protéger.
Voodoo Child me fait penser aux 70's. C'est l'une de mes chansons préférées. "Hater" et "Champagne Cocaïne" font toujours partie des setlists de vos concerts. "Calls For Rebellion" a bien passé l'épreuve du temps.
Merci beaucoup. Nous avons joué des chansons de chaque album lors de nos concerts et elles tiennent toutes leur place. Les vraies émotions et la passion brute ne seront jamais une mode passagère, même dans cent ans, les gens seront toujours sensibles aux difficultés et à l'oppression.
Quelles sont les forces et les faiblesses de cet album ?
Les points forts de "Calls For Rebellion" résident dans la diversité de ses chansons, les changements de tempo inattendus et sa brutalité absolue ; les faiblesses pourraient être qu'avec plus de temps certaines chansons auraient pu être plus développées, comme notre titre "Real" par exemple. Et le disque est "Low Fi".
"Calls For Rebellion" a-t-il été bien accueilli par les critiques ?
Il a été très bien accueilli par l'industrie mondiale de la musique. Cela nous a pris complètement par surprise car c'était un album tellement brut, enregistré en un peu moins de deux jours...
Quel écho a-t-il reçu auprès du public ?
L'accueil de l'album est toujours positif, et ce qu'il raconte résonne dans la vie de nombreuses personnes.
Individuellement, qu'est-ce que Calls For Rebellion vous a appris ?
Camille : Cela m'a appris qu'il y a un besoin énorme et un désir ardent de musique brute, authentique et originale, qui ne se détourne pas des sujets que la société préfère ignorer ou éviter de peur de remettre en question les idéaux des gens.
Noémie : Il m'a appris que, peu importe la situation dans laquelle je suis, en musique, je serai toujours mon maître, et cela ne connaîtra jamais ni limite, ni chose impossible.
Cet "appel à la rébellion" il me semble que c'est surtout à vous-même que vous l'adressiez...
Toutes nos chansons sont personnelles. C'est notre façon de refléter nos pensées et nos expériences intérieures, c'est autant pour nous que pour les autres. Des gens tirent leur force des messages de notre musique.
The SoapGrils, photographiées par Denis Charmot. (https://www.facebook.com/DenisCharmotPhotos)
Aujourd'hui Calls For Rebellion est épuisé en version CD. Une réédition verra-t-elle le jour ?
Il est toujours disponible ! Nous avons dû le réimprimer plusieurs fois mais avons toujours du stock !
De "Calls For Rebellion" au double album "Elephant In The Room", comment le son "SoapGirls" a-t-il évolué ?
Nos chansons sont écrites d'après des expériences de vie et des choses qui nous affectent dans le monde entier. Plus nous vivons et expérimentons, plus nous devons écrire. A mesure que nous évoluons en tant que personnes, notre musique évolue également. Avec le temps, nous avons économisé de l'argent, pour de meilleurs budgets d'enregistrement qui nous aident toujours. "Society's Rejects", notre deuxième album, est le premier que nous avons pu nous permettre d'enregistrer correctement, et nous avons utilisé l'argent du merchandising, des téléchargements et des fonds de tournée, pour finaliser "Elephant In the Room". Donc encore une fois nous avons pu améliorer le son par rapport à "Calls For Rebellion" et "Society's Rejects".
"Johnny Rotten", extrait de l'album "Society's Rejects" (2017)
Quelle est votre actualité ?
Nous sommes actuellement occupées avec notre quatrième album, et nous sortirons de nouveaux singles dans les semaines à venir, en vue de l'édition complète de notre prochain opus.
Le double album "Elephant In The Room" (2019)
Camille, Noemie, merci pour ces précisions et pour votre accueil. Au plaisir de vous revoir en France.
Merci beaucoup pour votre soutien. Nous avons hâte de vous voir aussi, et nous avons hâte que toutes ces c*** de COVID soient terminées pour que nous puissions repartir en tournée !
Les Liens :
The SoapGirls sur Facebook :
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La fan page :
https://www.facebook.com/groups/thesoapgirls
The SoapGirls sur Spotify :
https://open.spotify.com/artist/1OLHfdAPzzmWwnOVSX67km
The SoapGirls sur Bandcamp :
https://thesoapgirls.bandcamp.com/
"My Development", extrait de l'album "Elephant In The Room" (2019).
Discographie :
- Xperience (2011)
- Calls For Rebellion (2015)
- Society's Rejects (2017)
- Elephant In The Room (2019)
"Society's Rejects" en version live unplugged.